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CE MONDE DISPARU DE DENNIS LEHANE

 L'Article


Dennis Lehane

La suite des aventures de Joe Coughlin, quelques années après les avoir débutées dans Ils vivent la nuit. Alors que la Deuxième guerre Mondiale est en cours en Europe, la Mafia, elle, continue de prospérer aux Etats Unis et Joe, s’il est officiellement rangé des camions, continue d’œuvrer en sous-main pour les gros bonnets. Un jour, il apprend qu’on a mis un contrat sur lui et il va devoir revenir vraiment dans le jeu pour découvrir ce qui se trame…

Comme vous le savez sans doute, je suis un grand fan de Dennis Lehane et il fait partie de ces rares auteurs dont j’ai lu absolument tous les ouvrages (même les recueils de nouvelles et la pièce de théâtre). Pour moi, Mystic River, Gone Baby Gone, Shutter Island ou encore Un pays à l’aube restent d’excellent souvenirs de lecture. Pourtant, depuis quelques temps, je trouve l’auteur bostonien un peu moins performant. Et c’est justement Un pays à l’aube, le premier volet d’une trilogie qui se referme avec Ce monde disparu, et son livre sans doute le plus éloigné de tout ce qu’il avait pu faire avant qui marque une certaine rupture. Entre l’anecdotique Moonlight Mile qui ne faisait pas vraiment honneur au duo mythique Kenzie et Gennaro, le pas très folichon Quand vient la nuit et Ils vivent la nuit, suite pas vraiment emballante d’Un pays à l’aube, je n’ai jamais retrouvé ce qui faisait le sel de l’écriture de Lehane : une vraie capacité à plonger le lecteur dans une ambiance et le développement psychologique des personnages. C’était comme si, avec le succès, l’auteur s’était quelque peu reposé sur ses lauriers. Avec Ce monde disparu, renoue-t-il avec ce qui faisait sa force pour signer de nouveau une vraie réussite littéraire ?

 

Honnêtement, j’ai du mal à m’enthousiasmer pour ce roman même s’il est loin d’être mauvais. Lehane nous entraîne ici vraiment en plein cœur du gangstérisme tel que l’on peut s’imaginer, avec ses règles, son code d’honneur, ses personnages hauts en couleur (qu’ils soient chefs ou hommes de main), au point que l’on pourrait presque reprocher à l’auteur d’« idéaliser » un peu ce type de vie en donnant même aux plus pourris une certaine « noblesse ».  Alors que Ils vivent la nuit racontait plutôt l’ascension dans le milieu, là, on voit une autre face, celle où le héros est justement installé et doit faire face à des menaces de plus en plus précises sur sa vie, posant ainsi de nombreux questionnements autour de la mort et d’une possible rédemption après une telle vie. Surtout, on a l’impression d’assister au crépuscule des gangsters à l’ancienne, remplacée par une nouvelle génération. C’est aussi l’histoire d’une relation entre un père et son fils, comme pouvait d’ailleurs l’être le premier volet de la trilogie (d’une autre façon). Tous ces thèmes, Lehane les brasse mais il ne parvient pas à créer un récit assez puissant pour entraîner le lecteur avec lui, l’ensemble manquant en fait d’un souffle qui le traverse véritablement. En tant que lecteur, je me suis toujours senti spectateur de cette histoire, là où, dans ses excellents romans, Lehane parvenait justement à m’inclure au cœur des destins des personnages principaux.

 

On retrouve quand même les principaux traits de l’écriture de l’auteur, comme cette propension à décrire les personnages en une demi-page. Là, ça tourne même un peu à l’exercice de style tant le nombre de nouveaux protagonistes à introduire est importante. L’humour est par contre assez peu présent, ce qui est plutôt surprenant quand on connaît le goût de Lehane pour les punchlines bien senties. Il y a tout pour que ce roman soit le prochain adapté au cinéma et on peut même se demander si, en fait, Ce monde disparu n’est pas qu’un scénario à peine amélioré tant Lehane semble délaisser tout ce qui pourrait être accessoire pour rester à l’essentiel. De plus, la construction de son roman fait clairement des chapitres autant de séquences qui scanderont ce futur long-métrage. Tout cet aspect presque un peu « mécanique » m’a gâché par moments la lecture. De cette trilogie, il fait sans aucun doute retenir le premier volet, qui reste un roman exceptionnel. Le reste n’est pas inintéressant mais ne parvient jamais à atteindre le même niveau. Pourtant, c’est bien le deuxième tome qui va bientôt sortir au cinéma (en janvier en France), avec Ben Affleck aux commandes et je suis quasiment sûr que celui-ci fera également objet d’une adaptation. C’est un peu dommage…



« Ce qu’on ne dit pas à propos du pouvoir absolu, c’est qu’il n’est jamais absolu : à partir du moment où on le détient, il y a toujours quelqu’un pour chercher à s’en emparer. C’est ainsi que les princes peuvent dormir sur leurs deux oreilles, mais pas les rois, qui guettent toujours le craquement d’une latte de plancher, le plus léger couinement d’une charnière... »

Même si on s’ennuie rarement à la lecture de ce roman, il n’en reste pas moins que cette histoire de gangsters a peiné à réellement m’emballer. Peut-être que Lehane n’est pas allé assez loin dans la psychologie des personnages principaux pour donner plus de chair à une histoire qui, finalement, si elle révèle son lot de surprises, manque quelque peu de substance. L’écriture est toujours agréable mais je ne parviens plus à retrouver dans ses derniers romans cette espèce de souffle romanesque qui pouvait habiter ses œuvres les plus majeures. Là, on est dans quelque chose de tout à fait honnête mais qui n’a rien d’époustouflant. Connaissant le talent du bonhomme, c’est donc trop peu…

Ce monde disparu




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