L'Article
Dans une ville que l’on soupçonne être Marseille, une bande de jeunes s’amuse à plonger de plus en plus haut au bord de la corniche Kennedy. Face aux dangers, les forces de l’ordre essaient de les en empêcher, notamment avec l’aide d’un commissaire qui peut voir tout ce qui se passe depuis son bureau. Qui gagnera la « bataille » qui s’engage alors ?
J’ai découvert cette auteur en lisant son dernier livre qui avait fait quand même pas mal de bruit dans le milieu littéraire (Naissance d’un pont) et que j’avais dans l’ensemble plutôt apprécié malgré son côté parfois un peu foutraque, notamment dans le style. Il y avait un souffle épique et une vraie force qui s’en dégageait. En attaquant donc ce roman, plus ancien dans l’œuvre de cette romancière, j’avais vraiment une image en tête. Et dès les premières lignes, j’ai retrouvé ce qui faisait le sel de ses ouvrages avec la description de ce qui donne le titre au livre, presque comme un personnage à part entière. De fait, ça le sera et c’est dans cette façon de lier de façon si claire les personnes et ce qui les entoure que Maylis de Kerangal prouve une nouvelle fois qu’elle a vraiment quelque chose.
Son style reste assez particulier : elle en rajoute toujours un peu, avec un adjectif supplémentaire, un bout de phrase qui se balade, un mélange entre le narratif et les dialogues,… Parfois, on a la sensation que tout s’embrouille. On aime ou on n’aime pas. Personnellement, ça me convient plutôt et je trouve en tout cas que cela correspond bien à ce qu’elle raconte puisqu’il y a une idée de mouvement perpétuel mais aussi de « guerre » entre d’un côté les jeunes et d’un autre la sureté publique. Au milieu, un peu à l’écart, on trouve un personnage vraiment intéressant et dont on voudrait savoir plus : ce commissaire bouffi et qui n’est pas plus que ça concerné par les bêtises que les jeunes adolescents font mais qui a ses propres affaires à régler. Il pourrait faire l’objet d’un roman à part entière sans problème.
« Nul ne sait comment cette plate-forme ingrate, nue, une paume, est devenue leur carrefour, le point magique d’où ils rassemblent et énoncent le monde, ni comment ils l’ont trouvée, élue entre toutes et s’en sont rendus maîtres ; et nul ne sait pourquoi ils y reviennent chaque jour, y dégringolent, haletants, crasseux et assoiffés, l’exubérance de la jeunesse excédant chacun de leurs geste, y déboulent comme si chassés de partout, refoulés, blessés, la dernière connerie trophée en travers de la gueule. »
Avec ce roman, Maylis de Kerangal prouve encore qu’elle a un vrai style, qui, ici, colle bien avec cette histoire d’une course-poursuite qui ne termine jamais véritablement. On s’attache à ses personnages, autant les jeunes que se commissaire à la dérive. Ce n’est pas exceptionnel mais quand même pas mal du tout.