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LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE D’OLIVIER GUEZ

 L'Article


Olivier Guez

Après avoir réussi à échapper aux alliés à la sortie de la guerre, Josef Mengele, médecin de l’horreur dans le camp d’Auschwitz, débarque à la fin des années 40 en Argentine où il pense pouvoir se cacher plus tranquillement. Mais, traqué, il devra fuir au Paraguay et au Brésil, aidé par d’anciens compatriotes nostalgiques, avant de finir terré comme une bête dans un bidonville de São Paulo...

Olivier Guez a débuté sa carrière comme journaliste, notamment économique et géopolitique, avant de peu à peu passer du côté de la littérature et même du cinéma (puisqu’il a coscénarisé un film allemand – Fritz Bauer, un héros allemand). La Disparition de Josef Mengele est ce qui est considéré comme son deuxième roman et il lui a permis de décrocher un Prix Renaudot en 2017. D’ailleurs, ça faisait un certain temps que ce livre m’intriguait et j’ai donc profité de sa sortie en poche, et d’avoir un « planning lecture » un peu dégagé pour m’y atteler. Et entrer dans cet ouvrage est quelque chose qui marque car on entre au plus proche de la vie de celui qui est une sorte d’incarnation du mal de l’époque nazie, à savoir Josef Mengele, médecin à Auschwitz, connu pour avoir effectué toutes sortes de manipulations sur des prisonniers juifs, dans le cadre de ses recherches, notamment sur la gémellité et qui a fini sa vie sans jamais être jugé. C’est d’ailleurs principalement à cette période de cavale (plus de trente ans) qu’Olivier Guez s’intéresse.

 

En effet, s’il ne s’interdit pas des retours en arrière pour expliquer le personnage et le début de son périple, l’histoire qu’il raconte débute véritablement lorsqu’il pose les pieds sur le continent sud-américain en 1949, soit quatre ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Entre l’Argentine de Perón, le Paraguay de Stroessner ou le Brésil de la junte militaire, Mengele, sous de fausses identités, va arpenter ce continent pour se cacher, même si la traque qui est menée contre lui n’est pas forcément des plus intenses. Car c’est l’une des grandes forces de ce livre : replacer le destin de cet homme dans un contexte géopolitique mouvant avec des régimes plus ou moins solides en Amérique du Sud, une guerre froide qui a des incidences, tout comme un conflit israélo-palestinien qui mobilise les forces vives du Mossad. Tout cela, couplé à la fortune d’une famille dont il aide l’entreprise à prospérer, donne une certaine latitude à Mengele, même si, à certains moments, la pression se fait plus intense et l’oblige à se cacher. Mais c’est aussi le fait que que l’Allemagne de l’après-guerre semble fermer les yeux sur pas mal de choses, puisque son administration contient bon nombre d’anciens nazis notoires, qui lui permet de profiter d’une certaine liberté jusqu’à la fin de sa vie. Même s’il va finir seul, rongé par la maladie et par une sorte de folie qui s’est emparé de lui.

 

 Olivier Guez fait le choix d’un style au plus proche de la vie de Mengele. Lui ne cherche pas du tout à se mettre en scène (à la différence, par exemple d’un Emmanuel Carrère). Ainsi, son roman se rapproche très clairement du travail d’un historien, avec une grande précision dans les dates, les noms ou les lieux. On sent de façon très prononcée les recherches qu’il y a derrière l’histoire racontée ici (les cinq pages de bibliographie à la fin en sont une preuve ultime). Mais, en même temps, certains passages sont clairement littéraires, le style romanesque permettant à l’auteur de combler les vides laissées par une historiographie pas assez complète, et de créer une ambiance presque de roman policier par moments. Ainsi, La Disparition de Josef Mengele apparaît comme un roman essentiel car il permet de « remplacer » ce que la justice de cette époque n’a jamais réussi (ou voulu) faire : traquer Josef Mengele jusqu’au bout, et montrer son abominable visage à la face du monde.

« Mengele est le prince des ténèbres européennes. Le médecin orgueilleux a disséqué, torturé, brûlé des enfants. Le fils de bonne famille a envoyé quatre cent mille hommes à la chambre à gaz en sifflotant. Longtemps il a cru s’en sortir aisément, lui « l’avorton de boue et de feu » qui s’était pris pour un demi-dieu, lui qui avait foulé les lois et les commandements et infligé tant de souffrances et de tristesse aux hommes, ses frères. »

 

À la limite entre le travail d’historien, de journaliste et de romancier, Olivier Guez livre une œuvre d’une grande puissance, tant on se sent au plus près d’un des personnages les plus horribles du vingtième siècle. La manière dont les trente dernières années de sa vie sont replacées dans le contexte d’une géopolitique en perpétuel mouvement. A sa manière, Olivier Guez offre au monde la traque intense qu’aurait mérité ce sinistre Mengele. Et c’est donc très fort de ce point de vue.

La Disparition de Josef Mengele




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