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POUR TOUT L’OR DU MONDE DE FRANÇOIS ROUSSEAUX

 L'Article


François Rousseaux

En février 2017, un fait divers défraie la chronique en France : une famille entière a disparu sans laisser de traces. Les hypothèses sont nombreuses, et tout le monde ou presque a son idée. Finalement, quelques semaines plus tard, le meurtrier sera retrouvé. Mais derrière ce drame hors-normes se cache surtout une terrible affaire familiale…

 

Je n’ai jamais caché avoir un réel intérêt pour les faits-divers. Je suis par exemple un grand fan de Faites entrer l’accusé et j’ai vite fait de me « passionner » pour toutes sortes d’affaires assez improbables. D’une certaine manière, c’est aussi une sorte de « passion française » puisque, tous les ans environ arrive sur le devant de la scène médiatique une affaire « extraordinaire » qui met en jeu des personnes a priori tout ce qu’il y a de plus « ordinaires ». De façon très claire, celle qu’on appelle l’Affaire Troadec (même si, nous le verrons, il s’agit d’un abus de langage à corriger) s’inscrit dans cette logique et je me souviens très bien de son déclenchement médiatique. Un vrai mystère entourait la disparition de cette famille et le fait que cela se déroule tout près de Nantes rajoutait une couche non négligeable à cette énigme puisqu’on était six ans après l’affaire Dupont de Ligonnès, sans doute la plus médiatique des années 2010. Et, de façon assez étrange, je venais de lire Laetitia ou la fin des hommes d’Ivan Jablonka, livre très impressionnant qui, en plus de rendre hommage à Laetitia Perrais et à sa vie, est une formidable réflexion sur ce qu’est un fait-divers et ce qu’il dit de la société dans son ensemble. Bref, tout cela pour dire que cet ouvrage sur le meurtre de la famille Troadec m’intéressait franchement.

 

Si cette affaire a autant fait parler, c’est parce qu’elle est extraordinaire à plus d’un titre : une famille disparue pendant deux semaines, un quadruple meurtre d’une violence inouïe et le tout dans un milieu a priori sans histoire. Et, justement, ce qui est le fondement du livre de François Rousseaux, c’est d’aller chercher les histoires derrière ce déchainement de violence. En ce sens, l’auteur mène une véritable enquête en plongeant au plus profond des secrets et des croyances au cœur de cette famille Troadec. La principale repose sur l’existence d’un montant d’or (qui viendrait d’un épisode peu connu mais pourtant assez extraordinaire de la Deuxième Guerre Mondiale) sur lequel les Troadec d’Orvault auraient fait main basse. A partir de cela, une partie de la famille va devenir complètement obnubilée par cette affaire, au point de sombrer dans une folie qui va peu à peu mener Hubert Caouissin au meurtre. Très documenté, le récit fait la part belle à des témoignages des protagonistes principaux de l’affaire afin d’aller au plus près d’une certaine authenticité.

 

Car, de la vérité, il est presque entendu qu’on n’en saura jamais rien tant cette histoire recèle encore de mystères. François Rousseaux parvient à garder une vraie distance avec son sujet, en évitant tout sensationnalisme. Il s’attache uniquement aux faits et à la manière dont ils sont ressentis par les personnages les plus proches. Il ne va pas non plus chercher une dimension vraiment « sociologique » à cette affaire comme avait pu le faire Jablonka, sans doute car il y avait dans l’histoire de Laetitia Perrais tout une dimension politique, qui n’existe pas ici. L’auteur ne juge pas (son livre a d’ailleurs été écrit avant que le procès ait lieu) mais nous plonge véritablement dans une histoire de famille qui tourne presque au thriller tant elle trouve des racines anciennes et enfouies. On sort de ce livre un peu sonnés de tant de non-dits qui aboutissent à un tel crime mais aussi marqués par l’humanité qui se dégage de certains protagonistes, marqués à tout jamais par un faits-divers qui, pour eux, est surtout un drame intime.



« Dans leurs conversations, le récit s'écrit dans tous les sens, se rature, se réécrit, les dates varient, les détails changent, la chute, elle, est invariablement la même : pour eux, Pascal et Brigitte ont sciemment volé l'or familial et se pavanent, ingrats et provocants, forts de leur fortune nouvelle. Dans ce roman à tiroirs, délicat de démêler le vrai du faux, les faits des interprétations, les intuitions et la réalité, le délire du rationnel. »


François Rousseaux parvient à trouver le ton juste pour évoquer un meurtre absolument terrible mais, surtout et c’est sans doute le plus intéressant, tout ce qui a mené à cette funeste nuit. Ce n’est pas la dimension purement juridique qui intéresse l’auteur mais bien d’explorer tous les ressorts familiaux, faits de rancœurs, de non-dits et d’une violence longtemps refoulée. Intéressant.

Pour tout l'or du monde




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