L'Article
François est professeur de littérature et spécialiste de Huysmans et il sent clairement qu’il a déjà dépassé l’apogée de sa vie, aussi bien personnelle que professionnelle. Alors que les élections présidentielles 2022 approchent, la possibilité de voir devenir Président le leader de la « Fraternité Musulmane » semble lui ouvrir un nouvel horizon dans une France appelée à fortement changer.
Forcément, un nouveau roman de Michel Houellebecq est un événement littéraire en France. Surtout que ce Soumission était publié cinq ans après La Carte et le Territoire, qui avait obtenu le Prix Goncourt et qui était à ce jour le seul livre de l’auteur que j’avais lu (et plutôt apprécié). Peu avant sa sortie, quand l’objet de ce nouveau roman a été dévoilé, une énorme polémique a eu lieu, obligeant Houellebecq à venir se « défendre » en direct au journal de 20 heures de France 2, ce qui montre bien que cet auteur reste un personnage à part aujourd’hui en France. Et puis, le lendemain, jour de sa sortie, l’actualité a été telle que la sortie de son livre a été complètement éclipsée. En effet, c’était le 7 janvier, premier des cinq jours « hors du temps » qu’ont vécu la France, entre l’attentat contre Charlie Hebdo – dont la Une était d’ailleurs consacrée à Houellebecq – et les grandes marches républicaines du dimanche. Forcément, le livre a eu moins de retentissement que prévu. Mais il fallait quand même que je l’attaque, surtout pour essayer de faire l’ « arbitre » entre mon papa et ma maman qui ne sont pas d’accord du tout sur ce livre (et je n’en dirai pas plus, pour ne pas les mettre dans l’embarras).
Pour dire les choses assez franchement, ce Soumission ne m’a pas beaucoup convaincu et je ne comprends pas bien qu’on fasse autant de battage autour de ce livre. Rien qu’une chose qui trompe rarement avec moi : je n’ai jamais réussi à la lire très longtemps et il a finalement trainé pas mal de temps sur ma table de nuit (même si, en ce moment, avec les Sofoot tous les mois, les Society toutes les deux semaines et toutes les autres choses à faire, j’ai un peu de mal à trouver du temps pour lire…). Ce qui m’a surtout déçu, c’est le fait que le personnage principal soit aussi « faible ». En effet, ce François est quand même assez peu intéressant. Bien sûr, c’est fait exprès que sa vie ne soit pas passionnante et qu’il n’y trouve pas son compte mais c’est quand même compliqué de suivre un roman dont on a rien à faire de la destinée de son personnage principal. Mais, en fait, Soumission n’est pas réellement un roman tel qu’on peut l’avoir à l’esprit puisqu’il n’y a pas vraiment d’histoire et ce François est juste là pour permettre à l’auteur d’écrire sur ce qu’il envisage être la France dans les prochaines années (moins de dix ans, donc un futur très proche).
En fait, on a donc affaire à une sorte de traité (assez mal) déguisé derrière un roman. Ce n’est pas forcément interdit mais je trouve le procédé un peu limite. Par rapport à la société française qu’il décrit, c’est un point de vue qui lui est propre et qui, forcément, peut faire polémique. C’est d’ailleurs ce qu’il semble rechercher, en provoquant dans tous les sens, n’hésitant pas à faire apparaître des personnages politiques réels et jouant sur certaines polémiques. Dans le constat et les analyses qu’il fait de la France d’aujourd’hui et sur ce qu’elle pourrait devenir, l’auteur est loin d’inintéressant. Au moins, ça porte à se poser des questions. Par contre, ce qu’il en fait ensuite me semble bien plus de l’ordre de la provocation « gratuite ». Ainsi, les vingt dernières pages, par ailleurs les plus compliquées à lire, sont assez significatives de cette manière qu’a Houellebecq de ne rien faire pour éteindre des polémiques naissantes… C’est ce qui fait son « charme », évidemment, mais, personnellement, j’aurais préféré autre chose…
« Et en quoi une vie a-t-elle besoin d’être justifiée ? La totalité des animaux, l’écrasante majorité des hommes vivent sans jamais éprouver le moindre besoin de justification. Ils vivent parce qu’ils vivent et voilà tout, c’est comme ça qu’ils raisonnent ; ensuite je suppose qu’ils meurent parce qu’ils meurent, et que ceci, à leurs yeux, termine l’analyse. Au moins, en tant que spécialiste de Huysmans, je me sentais obligé de faire un peu mieux. »
J’ai surtout l’impression qu’on a fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose sur ce livre. Si le style est plutôt pas mal – Houellebecq sait écrire et il a indéniablement le sens de la formule –, le fond est bien plus discutable, notamment parce que le personnage principal n’est guère intéressant. Le tout ressemble surtout à une sorte de vaste provocation, faite pour attiser un débat qui ne demande pas beaucoup pour s’enflammer. De ce côté-là, il a réussi son coup, au moins…