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UN PAYS À L’AUBE DE DENNIS LEHANE

 L'Article


Dennis Lehane

Alors que la Première Guerre Mondiale est en train de s’achever en Europe, la ville de Boston connaît une effervescence nouvelle, apportée par la montée des tensions entre différentes franges de la population. Dans ce contexte instable, on suit le destin d’un grand nombre de personnages et notamment Danny Coughlin, jeune capitaine de Police, qui a pour mission d’infiltrer les milieux subversifs ou celui de Luther, jeune noir qui se retrouve en fuite à Boston. Les années 1918 et 1919 vont apporter de grands changements pour Boston mais aussi pour tous les personnages…

Ca y est, je suis arrivé pour la deuxième fois à bout de ce roman fleuve de Dennis Lehane, l’avant dernier de sa bibliographie et sans doute l’un des plus intéressants. C’est le livre qui ressemble le moins à tout le reste de son œuvre : si Boston est comme toujours le cadre du récit, l’époque est très différente puisqu’on revient presqu’un siècle en arrière. Ainsi, Un pays à l’aube est un véritable roman historique, fruit d’un titanesque travail de documentation (plus de cinq ans ont été nécessaires à l’auteur), mais c’est aussi sans doute le plus « actuel ». C’est en effet une vraie réflexion sur l’histoire de la violence aux Etats-Unis et sur les différents problèmes sociétaux qui peuvent exister. Au premier abord, Un pays à l’aube peut faire peur : 851 pages en édition de poche, ça se pose quand même-là. Mais il faut se laisser emporter et là, tout devient limpide au fur et à mesure de la lecture : nous tenons bien là un IMMENSE ROMAN.

Je ne me souviens pas avoir été autant touché par la puissance de ce livre à la première lecture. Il m’avait plu, bien sûr, mais je n’avais pas éprouvé la sensation qui vient de m’étreindre lorsque j’ai lu la dernière phrase il y a peu. En refermant le livre, on quitte l’époque, la ville et tous les personnages que l’on avait appris au fil des pages à connaître, à apprécier (ou pas) mais surtout à comprendre. Dennis Lehane réussit l’exploit de nous plonger complètement dans une période très différente, de nous en expliquer tous les rouages et de nous faire déchiffrer de façon naturelle et logique les réactions de chacun.

Lehane a une vraie faculté à lier l’histoire de ces personnages avec l’Histoire de sa ville de cœur, qui a connu à cette période d’immenses bouleversements. Tout cela se mélange tout à fait naturellement et on ne sait plus bien ce qui est de portée fictionnelle et de portée réelle. L’immense travail de recherche historique mené par l’auteur permet de nous plonger vraiment au cœur de ces deux années particulièrement troubles où le summum a été atteint lors de la grève de la Police. Lehane explique tous les mécanismes qui ont mené à cette situation de crise unique. Ses personnages sont tous à la fois témoins et acteurs de ce qui se passe. Tous les points de vue sont abordés par les différentes histoires qui s’entremêlent.

Si ce roman est une vraie réussite c’est aussi parce que le style de Lehane s’y développe parfaitement. Les petites touches d’humour sont beaucoup plus rares mais l’écriture est d’une rare efficacité. Il y a très peu de longueurs, tout est pesé, ce qui pour un tel pavé est déjà un exploit. Le fait d’avoir la vision de plusieurs protagonistes permet de garder un vrai rythme. Mais ce changement de personnages ne se fait pas de façon automatique. Il y a des ruptures temporelles et lorsqu’un évènement doit être plus développé qu’un autre, Lehane n’hésite pas à lui consacrer une vraie place. Les cent dernières pages sont ainsi incroyables. L’auteur arrive à mêler avec maestria une vision froide, presque clinique des évènements en cours et des passages beaucoup plus passionnés concernant les personnages eux-mêmes. En tant que lecteur, nous sommes pris dans un tourbillon et avons vraiment l’impression de nous retrouver dans ce Boston en folie. Les toutes dernières pages permettent d’atterrir un peu plus en douceur. Mais quel crève-cœur de tourner la dernière page !

Quand on relit ce livre, on comprend bien pourquoi Lehane a ressenti le besoin de faire juste après un Moonlight Mile, plus léger et de qualité moindre. Mais ne lui en tenons pas rigueur car Un pays à l’aube est bien un immense roman qui restera sans aucun doute comme majeur dans toute la bibliographie de son auteur et peut-être dans l’histoire du roman américain.

Honnêtement, si vous avez un peu de temps devant vous, attaquez-vous vraiment à la lecture de ce roman ! Je ne pense pas que vous le regretterez.

PS : Depuis sa sortie aux Etats-Unis, les droits cinématographiques d’Un pays à l’aube ont été achetés et il se murmure que Sam Raimi (la trilogie Spider Man notamment) sera aux manettes de l’adaptation. Celle-ci me semble vraiment compliquée étant donné l’extrême densité du roman mais, après tout, pourquoi pas. J’ai en plus quelques noms d’acteurs qui seraient parfaits dans certains rôles (Armie Hammer pour Danny, Carey Mulligan pour Nora, Mechad Brooks pour Luther, John Slattery pour Thomas,…). Si ce film se fait, pourvu qu’il soit de très bonne facture et qu’il rende vraiment honneur à cet immense ouvrage.

Un pays à l’aube




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