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UN PRINTEMPS 76 DE VINCENT DULUC

 L'Article


Vincent Duluc

Vincent Duluc  sort doucement de l’enfance quand, en 1976, la France toute entière s’embrase pour suivre l’épopée des Verts de Saint-Etienne qui vont atteindre (et perdre) la finale de la Coupe des Clubs Champions. Déjà amateur de football à l’époque, la fièvre verte va le saisir, surtout qu’il n’habite pas si loin de Saint-Etienne. Son histoire personnelle se mêle alors à l’Histoire du football français.

 

Quiconque a déjà lu un peu attentivement le journal L’Equipe ou a regardé (plus ou moins distraitement) L’Equipe du Soir, l’émission de fin de soirée de la Chaîne L’Equipe, connaît Vincent Duluc, considéré comme le leader de la rubrique football et qui, en plus d’être un éminent spécialiste de l’Olympique Lyonnais, signe notamment les articles principaux pour les matchs de l’équipe de France. Si je n’ai pas toujours été d’accord sur le fond avec ce qu’il peut dire, je lui ai toujours reconnu un sens certain de la formule et une belle qualité d’écriture. J’avais donc été un peu déçu par son premier véritable roman (après de nombreux ouvrages spécialisés sur le football), Le cinquième Beatles. Dans celui-ci, il évoquait à travers la figure du mythique George Best son amour pour le football britannique qu’il découvrit dans les années 70 dans ses années adolescentes. J’avais trouvé l’ensemble un peu brouillon et pas forcément hyper convaincant sur la durée. Pourtant, on a dit beaucoup de bien son nouveau roman, récompensé du Prix Antoine Blondin (meilleur ouvrage originale sur le sport) et j’ai eu la chance de me le faire offrir, avec dédicace de l’auteur en prime (merci les amis !). Et, franchement, je n’ai pas été déçu du voyage.

 

Car c’est véritablement dans un voyage à la fois spatial et temporel que nous emmène Vincent Duluc. En effet, il nous fait revenir quarante ans en arrière, dans une période que je n’ai pas connu, évidemment, mais qu’il parvient parfaitement à nous faire vivre, dans son propre imaginaire d’adolescent mal dans sa peau qu’il était à l’époque. La nostalgie affleure au fil des pages et on sent l’auteur vraiment sincère dans sa description de cette période (qui peut faire penser par moments à une chanson de Renaud) où l’ennui profond a côtoyé l’euphorie la plus vive. Là où le livre prend vraiment de l’ampleur, c’est dans sa manière de nous plonger dans l’ambiance de cette grande cité ouvrière où la mutation est en train de se faire (les usines principales et les mines ferment à tour de rôle) et où le football est à la fois une religion mais aussi un poumon pour une population dont la vie est loin d’être évidente. Le journaliste sportif laisse alors vraiment la place à un véritable romancier qui parvient à emmener le lecteur avec lui. En ce sens, Un printemps 76 est un livre qui plaira aussi à ceux qui n’y connaissent rien au football ou que ce sport n’intéresse pas du tout.

 

C’est aussi une sorte de récit initiatique puisque c’est aussi cette épopée qui explique en grande partie le futur destin de l’auteur. Pour ceux qui aiment le football et son histoire (et j’en fais partie), tous les passages qui concernent des figures de l’époque sont savoureux. Duluc n’hésite pas à être acerbe et même parfois sévère avec certains (Jean Michel Larqué, l’entraîneur Robert Herbin ou le Président Roger Rocher ne ressortent pas indemnes de leurs descriptions). C’est un vrai retour dans un football à l’ancienne, qui commençait déjà à être pollué par l’argent et la célébrité, même si cela n’avait pas encore pris les proportions actuelles. D’ailleurs, on sent dans la construction du livre une volonté de bien différencier chacun des acteurs de cette épopée et de ne pas s’en tenir seulement à la notion d’équipe (les fameux « Verts ») et c’est en ce sens pas mal foutu. Dans son écriture, on peut trouver que le tout manque parfois un peu de fluidité, avec de longues phrases, qui sont autant de successions de différents éléments qui s’joutent peu à peu. Mais cette écriture touffue donne aussi son charme à l’ensemble et ne m’a en tout cas pas empêché d’apprécier un livre qui mérite vraiment plus que d’être classé comme un simple livre sur le football.



« Je n’ai pas entretenu mes racines stéphanoises au fil du temps, je ne les ai pas arrachées non plus, je les ai laissées libres de pousser ou de disparaitre. Saint Etienne restera la ville du passage, l’endroit où j’ai eu pour la premier fois l’impression d’entrer à la fois dans la télé et la vraie vie, de l’autre côté de l’ennui. J’aurai du, sans doute, être plus reconnaissant à Sainté de m’avoir aidé à m’échapper. La vérité est que je m’en suis détaché quand le temps de l’évasion est venu. »



Vincent Duluc réussit le tour de force de réconcilier dans un même livre les amoureux du ballon rond, qui y trouveront des anecdotes sur quelques figures charismatiques ou certains matchs, mais aussi ceux qui sont bien plus intéressés par la plongée dans une époque révolue, la fin des Trente Glorieuses. Le tout est peut-être pas toujours assez fluide dans l’écriture mais on sent une vraie sincérité et une grande tendresse à la fois pour cette période mais aussi pour cette ville de Saint-Etienne et le peuple vert qui l’habite. Un vrai beau roman.

 

Un printemps 76




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