Toggle navigation
TimFaitSonCinema
16 / 20  (0)

THE MASTER

Quand il rentre de la guerre du Pacifique, Freddie n’est plus vraiment lui-même. Il boit beaucoup et a surtout de gros problèmes d’instabilité émotionnelle. Lorsqu’il rencontre Lancaster Dodd, celui qu’on appelle « The Master », il va y trouver une façon de se recadrer.
Verdict:
The Master est un film qui marque profondément. S’il ne s’aborde pas facilement, il est d’une très belle beauté plastique. Certains passages sont un peu longs, mais, dans l’ensemble, c’est quand même du très bon cinéma. La distribution est simplement immense.
Coup de coeur:

Joaquin Phoenix

La date de sortie du film:

09.01.2013

Ce film est réalisé par

Paul Thomas ANDERSON

Ce film est tagué dans:

Drame

Chargement...


 La Critique


Au fil des années, Paul Tomas Anderson a réussi à se forger une réputation telle que ses films sont maintenant attendus par beaucoup de monde (dont moi, avouons-le) et constituent de véritables évènements. Son dernier a été présenté à Venise en septembre dernier, et a reçu un accueil assez mitigé de la critique, il faut bien le dire, même s’il n’est au final passé à côté de la distinction suprême que pour une raison de règlement qui l’empêchait de cumuler Lion d’or et récompense pour les interprétations. En même temps, avec son précédent film, There will be blood, le réalisateur plaçait la barre assez haut avec cette histoire d’homme qui se construit par le pétrole avec dans le rôle principal un Daniel Day Lewis de très haute volée. C’était assez incroyable de maitrise mais aussi porté par une sorte de mouvement interne qui lui donnait un côté presque fascinant. Ce film avait aussi pour lui un vrai fil directeur que l’on tirait tout le long. Pour The Master, c’est beaucoup moins le cas même si c’est bien l’histoire de ce Freddie Quell que l’on suit. Mais, du fait du lien particulier qu’il tisse avec le « Maitre », c’est plus à une succession de séquences que l’on assiste. Et tout cela donne un film par moments stupéfiant, à d’autres moins emballant et dans l’ensemble plutôt costaud.

Ça commence très fort avec ce qui s’apparente à un prologue de presque une demi-heure, avec très peu de paroles. On y voit la fin de la guerre pour cet homme qui semble déjà bien détraqué avec ses dernières heures sur une plage au milieu du Pacifique, le trajet en bateau puis son difficile retour à la vraie vie avec d’abord des tests puis la recherche de travail pour lequel il ne semble pas vraiment fait. Toutes ces séquences nous permettent de cerner un peu mieux ce Freddie Quell, dont la principale caractéristique semble être une véritable instabilité psychique. Cela lui fait faire parfois un peu n’importe quoi (se battre avec un client par exemple). Par contre, s’il semble avoir un don, c’est celui de faire soi-même une vraie gnôle de qualité (ce qui, visiblement, à cette époque, n’est pas inutile). C’est filmé de façon magnifique, avec de longs plans très fluides, une vraie volonté de faire un gros travail sur le cadre et la lumière. En trente minutes, on a à peu près cerné le personnage, aussi grâce à la performance hallucinante de Joaquin Phoenix, autant en parler tout de suite. Après presque quatre ans d’ « absence » puisqu’il avait annoncé une fausse retraite, le voilà (enfin) de retour dans un rôle qui lui convient à merveille d’homme complètement névrosé, à la démarche très particulière. Il est vraiment excellent de bout en bout, donnant à son personnage une vraie consistance et pas seulement un aspect ou l’idée de quelque chose. Il confirme en tout cas que, de sa génération, il n’y en n’a pas beaucoup (si ce n’est aucun) qui sont à ce niveau de performance. Je suis vraiment pressé de voir ses nouveaux rôles, notamment dans le nouveau James Gray, qui commence sérieusement à se faire désirer…

En fait, le film débute véritablement lorsqu’il se retrouve par hasard à San Francisco sur un bateau en partance pour New York. Il s’avère que c’est le bateau où a lieu le mariage de la fille de Lancaster Dodd. La première scène de rencontre entre les deux hommes est décisive et marque un vrai tournant pour le long métrage dans son ensemble. C’est une longue séquence où les deux personnages se jaugent, l’un en posant des questions et l’autre en y répondant. Au fur et à mesure, le rythme s’accélère et une forme de tension monte peu à peu. Ça devient toujours plus fort et le visage de Freddie transmet de plus en plus d’émotions alors que les interrogations se font plus précises et personnelles et qu’il revit dans sa tête certains évènements. C’est tout simplement immense dans la manière de réaliser en cadrant parfaitement la caméra au discours. A partir de là, une drôle de relation va naître entre les deux hommes, faite de hauts et de bas. Parce que ce Lancaster Dodd n’est pas n’importe qui. Il « dirige » une sorte de secte ou en tout cas, ces idées sont suivies par un certain nombre de personnes. D’ailleurs, il engage par ce voyage une sorte de tour des Etats-Unis où il se rend chez certains de ses fidèles pour prêcher une forme de bonne parole. Aux Etats-Unis, il y a eu une vraie polémique autour du fait de savoir le degré de ressemblance entre cet homme et celui qui a véritablement fondé l’Eglise de la Scientologie. Mais cela ne nous intéresse pas, comme dirait l’autre… C’est aussi après cette longue séquence que le film commence à devenir un peu plus énigmatique et moins cadré. Il raconte moins une histoire suivie qu’une forme d’évocation de quelque chose de plus évanescent.

En ce sens, ce film n’est pas vraiment facile d’accès et je comprends tout à fait qu’il puisse décontenancer. D’ailleurs, à certains moments, je l’ai moi-même été un peu. Parfois, le propos s’emballe et s’embrouille un peu, quelques passages traînent ainsi un peu en longueur et tout n’est pas toujours très clair. Personnellement, j’ai abordé ce film plus par le côté plastique que par ce qu’il racontait véritablement. Bien sûr, la forme et le fond ne doivent pas être dissociés ainsi car les deux sont intimement liés. Mais The Master a quelque chose d’assez difficilement explicable qui tient presque d’un aspect vraiment hypnotique ou en tout cas intimement sensible. Cela est loin d’être illogique étant donné ce qui se passe au cœur du long-métrage mais, en tant que spectateur, même si on n’est plus toujours attentif exactement à ce qui se dit (la séance a commencé à vingt-deux heures quinze et The Master dure plus de deux heures), il est très dur de se détacher complètement de l’image. Cela tient à la façon de réaliser à la fois très maîtrisée et souvent inventive de Paul Thomas Anderson, au surgissement de scènes parfois incroyables qui invite à toujours rester en alerte (dans la cellule où a lieu ce déchainement de violence physique et verbale), à la beauté brute des certaines images (la moto dans le désert) mais aussi à la partition de Jonny Greenwood, qui s’inscrit parfaitement dans toute la logique du film avec ses mélodies lancinantes et répétitives. Finalement, si on y regarde bien, l’affiche (que j’aime beaucoup) dit pas mal de choses sur le film en lui-même et sur son côté hypnotique et fascinant.

En plus de Joaquin Phoenix, dont on a déjà pu parler, les autres acteurs du casting sont au top (d’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les trois principaux ont reçu chacun une nomination pour les Oscars). Philip Seymour Hoffman confirme qu’il est bien actuellement l’un des meilleurs acteurs au monde en campant un Lancaster Dodd charismatique et impressionnant. Par contre, je ne m’explique pas comment il peut être nominé en tant que meilleur acteur dans un second rôle. Ce personnage a tout de même une place plus qu’importante dans le film et on le voit presque autant que Freddie Quell. Je ne comprendrai jamais, je pense, la façon de déterminer si un acteur est un premier ou un second rôle tant cela me semble parfois obscur. Amy Adams, par contre, elle, a un vrai second rôle, dont elle s’acquitte parfaitement, mélange habile d’une forme de discrétion mais aussi de poigne de fer quand il le faut. A ces trois acteurs, le réalisateur doit une grande partie de la force de son long-métrage mais il sait aussi parfaitement les mettre en scène et les diriger. Les mérites sont donc partagés et The Master en devient une jolie réussite qui manque peut-être un peu parfois de nerf mais qui a pour lui le fait de rester longtemps en tête et de travailler pendant un certain temps le spectateur. Et c’est typiquement le genre de films qui mériterait sans doute un second visionnage, si j’avais un peu de temps libre, ce qui n’est pas forcément le cas en ce moment. Mais si jamais je trouve, on ne sait jamais, ça serait avec plaisir…



 Rédiger Un Commentaire