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TimFaitSonCinema
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BLANCANIEVES

L’histoire de Blanche Neige est transposée à l’Espagne des années 20. Carmen a perdu sa mère à sa naissance et son père, immense torero blessé à vie, s’est remarié avec une belle-mère terrible… S’échappant, Carmen va rencontrer une troupe de nains toreros…
Verdict:
Assez impressionnant dans la manière radicale qu’il a de prendre en main et de réinventer une histoire archi-connue, ce film a un vrai charme, quelque chose d’envoutant, qui transporte le spectateur dans de drôles de recoins de son âme. La première belle surprise de l’année.
Coup de coeur:

L’adaptation osée d’un classique

La date de sortie du film:

23.01.2013

Ce film est réalisé par

Pablo BERGER

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


C’est fou qu’en moins d’un an, j’aie eu la possibilité d’aller voir au cinéma trois adaptations différentes de l’un des plus fameux contes des frères Grimm, Blanche Neige. Il y avait la version « rose bonbon », la version « guerrière », et voici donc la troisième, sans aucun doute la plus surprenante, mais aussi la plus réussie. Mais bon, dire cela n’est pas forcément un compliment, car, par rapport à ces deux prédécesseurs, ce n’était pas vraiment compliqué. Parce qu’il faut bien dire que les studios américains nous avaient gâtés en 2012 avec deux films qui ne valaient pas grand-chose, chacun dans leur style, et qui, surtout, ne faisaient pas honneur à ce conte à la fois universel et intemporel. Il aura donc fallu que ce soit un réalisateur espagnol qui s’empare de l’histoire et la réinvente complètement pour qu’on ait un vrai bon film. Parce que là où à la fois Tarsem Singh puis Rupert Sanders restaient dans des univers finalement assez proche de ce qui est dans l’imaginaire collectif (même époque, mêmes décors, même Royaume à reconquérir des mains d’une belle-mère acariâtre). Pour Blancanieves, c’est très différent tant dans la forme que dans le fond. Et le réalisateur a le mérite d’assumer jusqu’au bout ces différences et d’en faire finalement une très jolie réussite.

Pablo Berger, lui, a la bonne idée de ne rien prendre de tout ce qui apparaît comme évident au premier abord, de n’utiliser que la structure narrative et les éléments clés (belle mère, nains,…) et de les insérer dans un tout autre contexte : l’Espagne des années 20. Tout cela dans un style particulier : film en noir et blanc et muet. C’est donc un projet ambitieux, et même un peu fou sur le papier. Forcément, après dix minutes de film, on ne peut pas s’empêcher de penser à The Artist, le film français multi-récompensé l’an dernier qui avait remis au goût du jour le noir et blanc et le muet au cinéma. Immense succès critique et public, le long-métrage de Michel Hazanavicius aurait-il relancé une mode ? Je ne sais pas mais, ce que l’on peut dire, c’est que ce film espagnol s’est forcément décidé et construit avant le triomphe de Dujardin et Cie. En effet, c’est le type de projet assez compliqué à monter et sans doute à financer aussi. Il demande beaucoup de temps et pas seulement une petite année et demi. On ne peut donc pas faire ce procès à Pablo Berger. Par contre, là où c’est presque encore plus « osé » que le film français, c’est de se servir d’une histoire connue de tous et de la réinventer de cette manière. En plongeant cette Blanche Neige dans l’Espagne des années 20, au temps où les toreros étaient des immenses vedettes, ce film permet vraiment d’avoir une nouvelle vision du conte et notamment de son aspect profondément dramatique.

Parce que ce Blancanieves est avant tout un film sur la mort. Celle-ci y a largement sa place et prend beaucoup d’importance dans le scénario : peu à peu, tous les personnages importants meurent, de façon plus ou moins terrible et c’est profondément cela qui constitue la base de tout le film. En ce sens, il me semble que ce long métrage n’est pas qu’une adaptation mais bien une réécriture de tout le conte en insistant sur des éléments un peu différents, tout en conservant, et c’est très important, tous les personnages et évènements clés qui font que l’on s’identifie à l’histoire. Et c’est dans l’ensemble drôlement bien réécrit, c’est le moins que l’on puisse dire. Le personnage de Blanche Neige prend une autre dimension, celle d’une spécialiste de la tauromachie, ce qui est en soit assez cocasse. Mais ça passe bien parce que ça a un vrai sens dans toute l’histoire (pour le lien avec son père notamment). La rencontre avec des nains toreros (je ne sais pas si de telles personnages ont déjà existé pour de vrai) s’inscrit donc dans une forme de logique, bien qu’elle paraisse absurde au premier abord. La belle-mère, elle, est particulièrement terrible, et même pire que ça. Il y a certaines séquences avec elles qui ne font pas forcément avancer le scénario mais qui nous donnent une image assez formidable de cette femme : perverse, sadique et manipulatrice.

Le réalisateur réussit en tout cas parfaitement son pari car son film en noir et blanc, muet, et dans un format d’image plus qu’inhabituel (le cadre forme un carré) est une vraie réussite et fait passer beaucoup d’émotions. Bien sûr, les acteurs en rajoutent, mais c’est aussi un peu le but de ce genre de films, où presque tout doit passer par des visages dans l’obligation d’être extrêmement signifiants. Il y a dans ce Blancanieves finalement très peu de paroles (on s’entend bien, ce sont des paroles écrites), ce qui prouve que le scénario est bien construit et parvient à montrer le maximum par l’image. Aussi, il faut bien avouer que tout le monde connaît l’histoire de base et s’attend donc à ce qui peut se passer. C’est par moments assez virtuose, notamment dans le lien intime et très important ici entre la musique, le rythme et le montage. Il y a un vrai talent chez ce Pablo Berger pour, à partir d’une scène apparemment anodine ou pas forcément utile, faire un véritable exercice de style avec cette bande son entêtante à souhait. Certaines séquences sont ainsi très entrainantes et ont un aspect presque envoutant pour le spectateur, qui se retrouve malgré lui dans une forme de « transe » impressionnante. Le revers de la médaille, c’est que c’est quelquefois un peu too much. Mais c’est parfaitement assumé et c’est bien ainsi. Je suis allé le voir un soir tard, dans un état de fatigue avancé, en me disant que si je m’endormais, ce n’était pas si grave que ça étant donné que ça ne constituait pas le film le plus attendu de mon côté. Et ça m’a vraiment plu et intrigué d’un bout à l’autre. Et je ne me suis jamais ennuyé. Ce qui montre bien la qualité de l’objet cinématographique. Olé !!



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