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TimFaitSonCinema
Sur la corniche de Marseille, un groupe de jeunes passe ses journées à braver les dangers en sautant dans l’eau depuis des spots toujours plus risqués. Suzanne, elle, habite dans une villa à proximité et veut faire partie de la bande. Malgré sa différence, elle va finir par y être acceptée et nouer une relation plus particulière avec Marco et Mehdi. Deux jeunes qui sont aussi surveillés par la police…
Verdict:

Tout en manquant de ressorts dramatiques, ce qui l’empêche d’être pleinement convaincant, Corniche Kennedy est un film qui finit par charmer le spectateur par la qualité de son image et la manière qu’il a de l’entraîner dans une ambiance bien particulière. La qualité de l’interprétation, principalement par des acteurs amateurs, est également à noter. Sans doute un peu vain mais loin d’être désagréable.

Coup de coeur:

La qualité de l’image

La date de sortie du film:

18.01.2017

Ce film est réalisé par

Dominique CABRERA

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


C’est sans doute un hasard, mais toujours est-il que Maylis de Kérangal voit un deuxième de ses romans adapté en un peu moins de trois mois. En effet, alors que Katell Quillévéré avait choisi de s’intéresser à sa dernière œuvre qui avait fait beaucoup parler (le magnifique Réparer les vivants auquel le film ne rend pas forcément grâce), Dominique Cabrera, elle, s’est penchée sur un livre un peu plus ancien et moins connu, même si c’est le premier de l’auteur qui a commencé à être un peu remarqué. Et il faut savoir que Naissance d’un pont (autre ouvrage assez impressionnant) est en cours de tournage avec Julie Gavras à la réalisation. Personnellement, Corniche Kennedy n’est pas le premier livre écrit par de Kérangal que j’ai lu et j’avais pu y retrouver ce que j’aime particulièrement chez cet auteure, à savoir une écriture qui suggère une sorte de mouvement perpétuel et une capacité à faire vivre aussi bien ses personnages que ce qui les entoure. Honnêtement, je ne voyais pas vraiment ce roman être adapté au cinéma car l’intrigue me semblait un peu trop légère et « banale » pour tenir sur la longueur d’un long métrage. C’est pourtant le pari que fait Dominique Cabrera. Pour être tout à fait honnête, je ne connaissais pas cette réalisatrice qui a pourtant une belle filmographie derrière elle depuis presque vingt-cinq ans, avec des films de fiction  et quelques documentaires. Malgré des castings parfois intéressants (Brasseur, Bruel ou encore Miou-Miou et Léaud), elle n’a jamais réussi (ou n’a jamais vraiment cherché) à rencontrer un public vraiment important. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas avec Corniche Kennedy que le nombre d’entrées va exploser. Mais ce n’est finalement pas ce qui semble intéresser la réalisatrice qui livre ici un film vraiment personnel, pas forcément hyper convaincant mais qui a un charme certain.

 

Ce long métrage a ceci d’agréable qu’il parvient vraiment à rendre compte d’une ambiance particulière. En effet, très rapidement, le spectateur est entrainé le long de cette corniche, avec ce groupe de jeunes qui défie les lois de la gravité ainsi que la police et se sent presque l’un d’eux. Cela vient notamment de la façon qu’a la mise en scène de véritablement saisir l’instant, donnant un côté vraiment dynamique à l’ensemble. Ce rythme, auquel une bande son plutôt entrainante contribue également, n’empêche pas une image de très belle qualité, avec un joli travail sur la lumière. En fait, le souci principal de ce film vient du manque d’une véritable accroche dramatique. Il y a bien une histoire policière derrière le tout et on sent que des rancunes et des vengeances trainent également mais ce n’est jamais vraiment traité en tant que tel. C’est notamment le cas pour l’aspect policier qui est à la fois pas négligeable car il est toujours en toile de fond et fait évoluer les personnages principaux, mais qui est finalement traité avec un peu désinvolture. Pourtant, cette commissaire de police est un personnage qui est loin d’être inintéressant et sur lequel le scénario aurait davantage pu s’appuyer. Mais, ici, ça ne semble clairement pas intéresser la réalisatrice, qui s’en débarrasse presque. C’est un choix qui se respecte même si je me dis que, dans ce cas-là, autant carrément abandonner ce pan de l’histoire et trouver une autre accroche pour faire avancer l’histoire. Je crois d’ailleurs que j’avais fait à peu près la même remarque sur le livre, ce qui montre à la fois que je suis cohérent mais aussi que Dominique Cabrera s’est intéressée aux mêmes aspects que Maylis de Kérangal dans son histoire. Et c’est finalement assez rassurant car les adaptations où l’on perçoit un point de vue différent ont toujours quelque de chose de très déroutant.

 

Cela donne finalement une trame narrative très simple, presque un peu simpliste par moments car le tout manque de véritables enjeux. Même le côté amoureux, puisque Suzanne est en fait tiraillée entre Marco d’un côté et Mehdi de l’autre, si éloignés de son milieu d’origine mais également si différents l’un de l’autre, n’est pas forcément traité de la meilleure des manières. Et, finalement, les dernières minutes qui lient tout cela de façon à la fois désordonnée et un peu bâclée, sont la preuve que le fil narratif n’est pas ce qui tient le long métrage et lui permet d’être réussi. Ce que je trouve par contre intéressant, c’est que le film parle à sa façon de la banlieue et des problèmes qui y sont liés sans jamais tomber dans les clichés ni même la montrer de l’intérieur (d’ailleurs, la voiture de la policière doit rester à distance). Corniche Kennedy montre des jeunes qui viennent des cités et qui, s’ils sont toujours en posture de défi par rapport à l’autorité, sont aussi plein d’une soif de vie et d’un désir de liberté, qu’ils trouvent finalement en bravant la mort, comme ils le disent eux-mêmes. En effet, ceux qui sautent sur la corniche se sont trouvé un endroit à eux, qu’ils ont presque colonisé et où ils reconstruisent d’une certaine façon une société à eux, avec ses propres codes et qu’ils sont prêts à ouvrir si on en est « digne ». Cela n’empêche pas quelques dérapages mais la réalisatrice a un regard tellement tendre sur eux que, finalement on finit par vraiment s’attacher à ces jeunes. Et c’est aussi à l’image de Marseille, une ville particulièrement mélangée où tout type de population se croise et essaie de vivre ensemble aussi bien que possible. D’ailleurs, la ville de Marseille elle-même apparaît presque comme un personnage à part entière puisque, en évitant de faire dans la carte postale, on « visite » la ville et toutes ses facettes qui en font son charme.

 

L’une des grandes forces de Corniche Kennedy tient aussi sans doute dans l’interprétation. Et la réalisatrice a choisi de confier une grande majorité des rôles à des acteurs amateurs qu’elle a en fait rencontrés lors de ses repérages et qui pratiquaient eux-mêmes ce qui est montré dans le film. Dans des rôles où ils se sentent forcément très biens, ils sont particulièrement touchants dans le décalage qu’il peut y avoir entre le côté presque « dur » qu’ils veulent se donner en public et la grande sensibilité qui les habitent, notamment quand ils se retrouvent avec Suzanne. Ainsi, Kamel Kadri et, surtout, Alain Demaria, sont de vraies belles découvertes. Pour encadrer ces jeunes comédiens débutants, Dominique Cabrera peut également s’appuyer sur deux actrices au bagage déjà un peu plus fourni. En effet, le rôle principal est tenu par Lola Créton qui continue à creuser son sillon dans un cinéma français un peu plus confidentiel après des rôles dans des films de Mia Hansen-Løve (Un amour de jeunesse), Olivier Assayas (Après mai) ou encore Claire Denis (Les salauds). Elle est ici parfaite dans un rôle de fille mystérieuse qui ne se dévoile jamais véritablement même si on sent une évolution chez elle, puisque cette rencontre avec un groupe de jeunes si différent a un impact non négligeable sur sa façon d’être. Elle est accompagnée par Aïssa Maïga qui joue le rôle de cette policière qui se voit obligée de surveiller plus particulièrement les jeunes de la corniche dans le cadre d’une enquête plus vaste. Même si son personnage est un peu trop sous-exploité à mon goût, elle fait correctement le travail. Mais ce n’est pas forcément sa performance que l’on retiendra d’un film qui marque plus par l’ambiance dans laquelle il nous plonge que par l’histoire qu’il nous conte.




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