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TimFaitSonCinema
Les vingt-quatre heures qui précèdent la rencontre fatale entre Oscar Grant, un jeune homme qui essaie de sortir de sa condition de petit truand pour devenir un père responsable, et des agents de police dans le métro, à Fruitvale Station.
Verdict:
Un film assez poignant par moments, très bien interprété et efficace dans sa mise en scène mais qui pêche par son trop grand manque de nuances pour que son discours (au demeurant plutôt juste) soit vraiment entendable. Là, on a plus l’impression d’être manipulé et j’avoue que c’est assez déplaisant.
Coup de coeur:

Michael B. Jordan

La date de sortie du film:

01.01.2014

Ce film est réalisé par

Ryan COOGLER

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Fruitvale Station est un long métrage qui connaît depuis un an le même parcours qu’un autre film d’un jeune américain qui avait fait beaucoup de bruit il y a à peine plus d’un an. Je veux bien sûr parler des Bêtes du Sud Sauvage de Beith Zeitlin, film assez sensationnel et d’une très grande puissance. En effet, découvert à Sundance (où il a gagné le Grand Prix du Jury), ce film a ensuite été transporté de festivals en festivals (Cannes ou Deauville par exemple) en raflant toujours des prix et en soulevant un enthousiasme assez incroyable. Presque tous les magazines américains l’ont inclus dans leur Top 10 de fin d’année. On commençait donc à être impatient de voir sur pièce ce long métrage réalisé par un jeune homme de vingt-sept ans dont c’est évidemment la première réalisation. Il s’attaque d’entrée de jeu à un fait divers qui avait beaucoup marqué les Etats Unis qui venaient d’élire Barack Obama. Il y a quatre ans : un jeune homme noir avait été abattu à bout portant par un policier lors d’un contrôle qui avait mal tourné. C’est encore aujourd’hui un événement qui reste très ancré dans les mémoires et Ryan Coogler a voulu d’une certaine façon rendre hommage à ce jeune homme et dénoncer par la même occasion le racisme encore présent dans le pays. C’est donc un nouveau film militant dans une année qui n’en n’a pas manqué (Lincoln, Le Majordome ou, tout bientôt 12 years a slave). Et, honnêtement, vu le battage qui était fait, je m’attendais vraiment à me prendre une grosse claque comme Les bêtes du Sud Sauvage m’en avait mis une magistrale. Malheureusement, ça ne s’est pas du tout passé comme cela et si [i]Fruitvale Station est un film qui n’est pas dénué de tout intérêt et qui se laisse regarder, il y a beaucoup trop d’éléments qui m’ont dérangé et m’ont laissé un drôle d’arrière-goût sur la fin…

Fruitvale Station s’ouvre, après l’habituel « tiré d’une histoire vraie », sur une vidéo qui a réellement été tournée à ce moment et qui montre la fameuse interpellation d’Oscar par les policiers. Au moment du coup fatal, cette vidéo coupe et nous sommes transportés un jour plus tôt. Le but du film est donc très clair et sans trop ambiguïté. Il s’agit de mêler intimement réalité et fiction. Et d’ailleurs, dans sa réalisation, Ryan Coogler adopte presque une posture de documentaire avec une caméra toujours mobile qui suit le personnage principal plus qu’elle ne le filme réellement. Et il faut cela plutôt efficacement car il a à la fois un sens du rythme mais aussi une posture loin d’être inintéressante. Dans le genre portrait un peu naturaliste, Fruitvale Station est un exemple que l’on peut qualifier de réussi, à sa manière. Ce jeune homme, très bien interprété par Michael B. Jordan, est peu le prototype du jeune afro-américain un peu perdu, qui a passé du temps en prison, deale un peu, vient de perdre son travail, est devenu père très jeune et trompe sa copine. C’est un peu comme si on misait tous les clichés possibles et qu’on les mettait dans le même personnage… Mais ce qui est important, c’est qu’il essaie clairement de se reconstruire et tout le long métrage va s’efforcer de nous montrer comment. Et c’est pour moi là que se situe le souci principal avec Fruitvale Station. En effet, à force de multiplier les séquences qui montrent ses évolutions (notamment quand il arrête à la drogue en repensant à la visite de sa mère – une Octavia Spencer parfaite – à la prison), cet Oscar Grant finit par devenir une sorte d’ange et, donc de victime innocente parfaite de ce qui va suivre ensuite. Pour avoir la compassion du spectateur, on ne fait pas mieux.

Même si on ne peut qu’avoir de l’empathie pour Oscar, on commence assez vite par se sentir dangereusement « manipulé », surtout que Ryan Coogler ne fait pas vraiment dans la subtilité… Entre la scène avec le chien errant (à la limite du scandaleux tant elle est mièvre et caricaturale) ou celle où il aide gentiment un couple (pas beaucoup mieux), Oscar apparaît presque comme un « héros ». Ce n’est peut-être pas faux, je n’en sais trop rien, mais c’est la façon dont c’est fait, qui oblige le spectateur à idéaliser ce jeune homme, qui me dérange assez fortement. Avec ce film, Ryan Coogler veut dénoncer, c’est évident. Mais c’est fait de façon tellement caricaturale que l’on n’a pas forcément envie d’adhérer à un discours qui semble bien trop manichéen. N’aurait-il pas fallu un peu plus d’analyse des causes réelles de ce drame, plutôt que cette vision bien trop partiale ? Pour moi, il est clair que le film aurait gagné de l’ampleur mais aussi de la force alors que le propos apparaît ici bien trop simpliste. D’ailleurs, le fait que Fruitvale Station dure moins d’une heure et demie montre que le sujet n’a pas forcément été fouillé en profondeur. Et la dernière image finit de nous achever (une vidéo réelle de la fille d’Oscar pleurant son père lors d’une commémoration). Evidemment, cette histoire est terrible et le racisme doit être combattu avec la plus grande vigueur. Mais est-ce qu’un film aussi militant et partial pourra faire bouger les lignes ? Je n’en suis pas vraiment persuadé et c’est là que le manque de nuances du scénario et de la réalisation est préjudiciable. Il reste que, indépendamment de ces questions tout de même essentielles, Fruitvale Station reste un long métrage qui se laisse regarder. Mais c’est loin d’être le chef d’œuvre qu’on nous avait vendu depuis des mois maintenant…



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