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TimFaitSonCinema
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IDA

Quelques jours avant de prononcer ses vœux définitifs pour devenir nonne, une jeune orpheline rencontre sa seule famille, en la personne d’une tante. Celle-ci va lui révéler une partie de sa vie et ce que sont réellement devenus ses parents…
Verdict:
Formellement assez exceptionnel et interprété avec talent par une actrice amateur, Ida manque quand même d’un peu de fond et de force pour être un vrai grand film. Ça reste quand même du cinéma de qualité, notamment au niveau de l’image. Mais, ici, ça ne suffit pas…
Coup de coeur:

Ce noir et blanc sublime

La date de sortie du film:

12.02.2014

Ce film est réalisé par

Pawel PAWLIKOWSKI

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Pour son retour dans son pays d’origine, Pawel Pawlikowski ne fait pas les choses à moitié. En effet, né en Pologne mais parti en Angleterre à l’âge de quatorze ans, ce réalisateur s’est surtout fait connaître comme documentariste, notamment pour la BBC. Il est passé à la fiction en 2004 avec My summer of love, une comédie dramatique passée un peu inaperçue chez nous (bien qu’ayant remporté un BAFTA du meilleur film britannique), avant de s’attaquer en 2011 à un thriller avec l’adaptation d’un roman de Douglas Kennedy (La femme du Ve), long métrage qui n’a pas non plus connu un grand succès. Deux genres différents explorés, donc, et une difficulté à réellement séduire critique et public. Mais tout a changé avec son nouveau film, qui est donc le premier qu’il filme en Pologne. Il choisit de mettre en scène une époque assez lourde de ce pays : les années 60 où l’après-guerre est marqué par la période communiste. Depuis qu’il a été présenté dans quelques festivals, ce film fait beaucoup de bruit et on en entend parler un peu partout comme l’une des pépites que le cinéma européen peut parfois nous réserver sans que l’on s’y attende vraiment. D’ailleurs, pour qu’un film polonais, en noir et blanc et qui raconte l’histoire d’une nonne au cœur de ce pays dans les années 60, sorte sur plus de cent écrans en France (ce qui est le cas cette semaine), on se dit que, forcément, c’est qu’il est de très grande qualité. Dans les faits, c’est un peu plus mitigé que cela car si, formellement, Ida est une réussite assez formidable, il n’en reste pas moins que ce long métrage ne m’a pas non plus transporté, notamment du fait d’un aspect sans doute un peu trop froid et même « raide », si vous me permettez cette expression.

L’élément qui marque le plus dans Ida, c’est évidemment sa forme. En effet, Pawlikowski s’est tourné vers quelque chose d’assez radical car, en plus du noir et blanc (finalement pas si rare dans le cinéma contemporain), il utilise un format d’image qui, lui, pour le coup, n’est plus beaucoup utilisé : le 4/3. Cela donne une image presque carrée, qui se trouve au centre de l’écran et ça fait un peu bizarre au début même si on s’y fait assez vite. Si le choix du noir et blanc est purement esthétique, celui du format se comprend assez vite dans la façon qu’a le réalisateur de cadrer ses personnages. En effet, très souvent, ils se trouvent au bord de l’image (notamment en bas) et, avec cette taille d’image, cela renforce une certaine idée d’écrasement ou de solitude (on voit bien plus ce qu’il y a autour que les personnages eux-mêmes). C’est tellement vrai que, parfois, le cadrage est tellement « étrange » que les sous titres finissent par se retrouver au milieu de l’image afin de ne pas superposer les visages des acteurs… Tout le film est construit selon une succession de plans qui ressemblent souvent à autant de photographies où seulement quelques éléments sont en mouvement. C’est globalement très bien réalisé, avec un vrai sens de l’épure et du plan qui fait mouche. En même temps, quand on choisit de faire du noir et blanc, que l’on maitrise plutôt techniquement et que, en plus, on utilise la neige ou ce genre de choses très cinématographiques, ça rend des choses magnifiques. Du côté de la qualité formelle du film, il n’y a vraiment pas grand-chose à redire. Après, il faut se demander à quoi cette forme est destinée. Et c’est là que j’ai eu un peu plus de souci avec Ida car, selon moi, le fond est bien plus inégal et m’a laissé en partie sur ma faim.

D’abord, on peut remarquer que le film dure à peine une heure vingt (soit soixante-quinze minutes effectives de film), ce qui, dans les standards actuels, et notamment pour ce genre de films dramatiques, est particulièrement court. En soi, ce n’est pas forcément gênant mais je trouve ici que le long métrage est peut-être un peu trop « sec ». En effet, si le réalisateur nous offre une réalisation sans fioritures, c’est presque un peu trop car, avec cette façon de fonctionner, il perd aussi beaucoup de la force et de l’émotion dont le film aurait pu faire preuve car le sujet est lourd, puissant mais ne m’a finalement pas plus ému que cela. En quelques jours, cette jeune Anna/Ida va voir sa vie totalement transformée dans ce qui peut s’apparenter à une sorte de voyage initiatique puisqu’elle va rencontrer tout ce dont elle avait été préservée dans le couvent où elle a toujours vécu : à la fois la violence humaine mais aussi l’amour (à travers un jeune joueur de saxophone). Toutes ces découvertes sont peut-être montrées trop rapidement et on n’a pas vraiment le temps de voir ce que cela fait à ce personnage. Dans ce voyage, elle est accompagnée par une tante qui se trouve être l’exacte opposée d’elle (athée, jouisseuse,…), ce qui renforce le côté un peu trop marqué de l’opposition qui naît entre la vie dans le couvent et celle que l’on peut trouver en dehors, l’un des autres thèmes du film. Il reste néanmoins une force dans ce que va découvrir Ida sur son passé. Le contexte global n’y est pas non plus étranger puisque cette Pologne montrée semble vraiment traumatisée et presque comme anesthésiée par ce qu’elle a vécu (la Seconde guerre mondiale) et le régime communiste dans lequel elle se trouve. Par rapport à cela, le réalisateur a un regard assez neutre, qui ne juge pas mais choisit plutôt de nous exposer les problématiques que cela soulève. Ida, elle-même, est interprétée par une jeune actrice, qui n’avait jamais tournée. Elle est particulièrement marquante car, sans dire grand-chose, elle est toujours présente avec, notamment, un regard absolument incroyable. Par moments, elle émeut, mais sans doute pas assez dans un film qui n’aura jamais réussi à réellement me transporter. On peut sentir à certains moments que l’on n’en n’est pas loin, mais il manque toujours le petit quelque chose… C’est un peu dommage. Mais pour les amateurs de très beaux noirs et blancs, Ida est un régal !


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jct 15.02.2014, 18:38

Une merveille pure, qui se termine sur la merveilleuse'adaptation pour piano d'une oeuvre pour orgue de JS Bach (Je crie vers toi Seigneur BVW 639). Un film qui ne surmontre jamais, ne joue pas non plus le registre de la déconstruction. Chronologie respectée, pas de flash-backs tapageurs sur tel ou tel épisode de la vie des parents de la jeune nonne, pas de grande scène de révélation, pas de cris ni de larmes déchirants. L'émotion naît du dépouillement, de cette recherche de l'essentiel qui est aussi celle de la jeune fille. Sa tante, figure d'abord luciférienne, est un personnage déchirant par son histoire qui se révèle peu à peu, par cette autodestruction que justifie ce passé terrible, avec une tendresse rugueuse donnée, puis un tendresse tendre reçue de sa nièce après la révélation... Quelques scènes à couper le souffle, des images d'une beauté incroyable (l'arrivée à la maison des parents...), une économie dans les déplacements de la caméra.
Parlons d'un cinéma ascétique, mais l'ascèse mène ici à la vérité et à la beauté.
Ida, le choc 2014 d'ores et déjà.


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