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TimFaitSonCinema
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LE PASSÉ

Ahmad arrive à Paris pour signer les derniers qui officialiseront le divorce avec Marie. Mais en revenant là où il a vécu pendant quelques années, ce sont aussi des secrets et des choses inavouables qui sont dévoilées. Le passé ressurgit alors…
Verdict:
S’il y a quelques longueurs, Le Passé n’en reste pas moins un film d’une très grande puissance, porté par des comédiens au sommet et une réalisation fine et sensible. Oui, Farhadi est décidément un grand et il pourrait bien repartir de Cannes avec un très joli prix…
Coup de coeur:

Cette façon d’avancer dans l’intrigue

La date de sortie du film:

17.05.2013

Ce film est réalisé par

Asghar FARHADI

Ce film est tagué dans:

Drame familial

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 La Critique


La tâche n’était pas facile, loin de là, pour Asghar Farhadi. Il s’agissait pour lui de gérer l’après-triomphe, chose jamais évidente. En effet, son film précédent a été acclamé dans le monde entier et avait remporté presque tous les prix imaginables (Ours d’Or, Oscar, César, Golden Globe). En France, surtout, ça avait été un succès complètement inattendu et exceptionnel pour un drame iranien, a priori pas le genre de long-métrage qui fait se déplacer les foules. Au final, le film aura fini sa carrière en atteignant presque le million d’entrées. Personnellement, ce Une séparation (puisque c’est de ce film sont il s’agit) ne m’avait pas enchanté, même si je lui trouvais quelque chose de difficilement identifiable. Je me dis que dans son pays d’origine, ce succès planétaire n’a pas dû être très bien vu car Une séparation disait beaucoup de la société iranienne actuelle et il était même étonnant que ce film ait passé si facilement les grilles de la censure d’état. Le réalisateur n’a pas pris le temps de savourer son succès et pour s’éviter tout problème (parce que je pense qu’il sera maintenant compliqué pour lui de tourner en Iran), Asghar Farhadi a choisi de mettre en scène son film suivant en France, avec des acteurs français et un autre iranien pour une histoire qui relie (un peu) les deux pays. Cerise sur le gâteau, Le Passé a été sélectionné en sélection officielle au Festival de Cannes cette année. C’est une forme de consécration pour ce réalisateur qui nous offre ici un film assez incroyable, d’une puissance émotionnelle folle, malgré quelques tous petits défauts. Il n’en reste pas moins qu’il aura fallu attendre le mois de mai pour que je me prenne une première claque au cinéma. Et j’espère que ce n’est que le début…

Le Passé est en fait un film assez singulier dans le sens où c’est une forme d’ « enquête sentimentale » même si cette expression est à la fois étrange et ne correspond pas exactement à ce qu’est ce long métrage. Asghar Farhadi, qui a aussi écrit ce film, offre un scénario particulièrement dense où le rythme est finalement très élevé. Il se passe presque toujours quelque chose même si ce sont parfois des évènements qui paraissent anodins, tous ont leur importance. Peu à peu, alors que le film avance, on comprend les différents enjeux qui font de ce retour de Ahmad en France quelque chose de très compliqué. Plusieurs triangles relationnels se mettent en place, parfois avec des personnages que l’on ne voit jamais (ou presque) et qui sont presque comme des fantômes qui hantent les protagonistes. Tous ces liens vont se faire et se défaire au cours de cette histoire qui se construit et s’explicite peu à peu. Des secrets sont dévoilés, parfois de manière fortuite et parfois de façon tout à fait délibérée. A certains moments, on peut se dire que le rythme de ces « nouveautés » est quand même un peu trop soutenu et que les personnages n’ont pas le temps de se poser qu’ils découvrent une nouvelle réalité qui chamboule tout. Mais en même temps, c’est dans cet enchaînement de révélations que la véritable puissance du film se trouve. En ce sens, le scénario du Passé pourrait faire penser à une forme de tragédie grecque. Il y a finalement assez peu de personnages mais les liens sont importants entre chacun d’entre eux et une révélation pour l’un peut avoir de grandes conséquences pour l’autre. Peu de lieux différents sont explorés mais chacun a une signification très forte. Beaucoup de choses se passent tout de même dans cette maison qui appartient à Marie et qui est le symbole du passé de celle-ci mais aussi du futur qu’elle cherche à se construire.

Le Passé est aussi un film sur le dilemme et le questionnement intérieur. Souvent, d’ailleurs, on voit des personnages partir dans une direction puis se retourner et revenir sur leurs pas afin de s’expliquer ou se faire pardonner. Le long métrage brasse ainsi un grand nombre de problèmes personnels pour chacun des personnages, parfois presque un peu trop car ils ont tendance à se télescoper. Mais, là encore, c’est une grande force du film de réussir à les entremêler de façon si intime. Il y a néanmoins, malgré un scénario très dense, quelques petites longueurs qui auraient pu être évitées. Mais ce n’est vraiment pas pesant et ça pourrait presque permettre de faire des pauses dans un rythme finalement pas loin d’être effréné. Dans sa réalisation, le metteur en scène utilise peu d’effets, voire pas d’effets du tout. Il laisse seulement sa caméra saisir des moments, dans un style très fluide. Il a une vraie faculté à nous offrir aussi des séquences d’une très grande puissance et même d’une violence (psychologique plus que physique) parfois vraiment étonnante. En tant que spectateur, on est pris par ce qui se passe dans cette « famille » et par les secrets qui la bouleversent. Asghar Farhadi nous offre aussi une fin superbe qui laisse tous les possibles ouverts et qui clôt avec délicatesse ce grand film.

Le Passé a aussi une telle force parce qu’il est interprété par des acteurs qui ne sont pas loin d’être au top. Tahar Rahim nous offre une partition nerveuse comme il sait si bien le faire. Son rôle lui convient bien puisque son personnage est plein de sentiments rentrés et a du mal à réellement exprimer ce qu’il ressent. Ali Mosaffa est excellent dans une partition vraiment pas simple d’homme qui découvre peu à peu ce qui se passe réellement, alors qu’il se trouve lui-même dans une situation compliquée. Enfin, au cœur de ce triangle aux relations complexes se trouve Bérénice Bejo. Dans un rôle qu’aurait initialement dû tenir Marion Cotillard, l’actrice césarisée en 2012 est vraiment incroyable ici. Son personnage se trouve au cœur de tous les enjeux développés pendant le film et doit assumer tout ce qui se passe. Elle donne à cette Marie un mélange de force et de faiblesse qui est excessivement bien dosé. Le spectateur a du mal à se faire une vraie idée sur ce qu’il doit penser d’elle du fait de sa grande complexité. J’aurai aussi un petit mot pour Pauline Burlet, jeune actrice belge qui est ici une vraie découverte et dont on devrait entendre de nouveau parler très vite. Si tout le monde est aussi bon, je me dis que le réalisateur ne doit pas non plus y être pour rien. On peut donc dire qu’il dirige ici parfaitement son équipe, dans une histoire qu’il a lui-même écrite. C’est donc une vraie réussite pour lui, qui ne devrait pas repartir bredouille de Cannes, d’après les premiers échos qui font de ce film l’un des grands favoris à la récompense suprême. Maintenant, Asghar Farhadi sera attendu à chacun de ces films. Je ne sais pas quels sont ses projets actuels mais il est le bienvenue en France si c’est pour nous refaire un film de la même qualité…



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