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TimFaitSonCinema
Dans le bayou, au cœur de la nature et à proximité de la Nouvelle Orléans, vit une jeune fille avec son papa, de plus en plus malade. Un jour, la nature se dérègle et les eaux commencent à monter dangereusement, amenant avec elles les aurochs, terribles créatures…
Verdict:
Onirique, épique et poétique, Les bêtes du sud sauvage ne ressemble pas à grand-chose d’autre et c’est tant mieux. Une œuvre qui permet de révéler un très grand réalisateur mais aussi une jeune actrice extraordinaire. Le très beau film de cette fin d’année.
Coup de coeur:

Quvenzhané Wallis

La date de sortie du film:

12.12.2012

Ce film est réalisé par

Benh ZEITLIN

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Rarement un film aura fait autant de buzz avant sa sortie officielle en France. C’est simple, depuis un an, j’en entends parler à peu près tout le temps puisqu’il ramasse les récompenses à travers le globe comme des petits pains et que partout il est acclamé. A Cannes, notamment, où, en mai dernier il est reparti avec la Caméra d’or (meilleur premier long-métrage) et une bordée d’autres titres. La même chose s’est produite aussi à Sundance ou à Deauville. De plus, les critiques sont (presque) toutes unanimes pour reconnaître la grande qualité, et même le côté assez incroyable, de ce premier film américain. Fait assez rare pour être souligné. Bref, Les bêtes du sud sauvage s’avançait vraiment comme le film à ne pas rater en cette fin d’année et certains en parlaient même comme du long-métrage de l’année et de la découverte de la décennie (j’exagère un peu, mais pas tant que ça). Forcément, avec tant d’échos positifs avant un film, on ne peut quasiment qu’être désenchanté par rapport au résultat final, même si je trouvais la bande-annonce assez formidable et émouvante. Mais, ce premier long-métrage de Benh Zeitlin ne m’a pas déçu, loin de là. Ce n’est pas non plus le film du siècle, mais c’est un long-métrage singulier, plein de sensibilité, et qui mérite vraiment de trouver son public.

Ce que l’on peut commencer par dire sur ce film, c’est qu’il est à la fois très dur à raconter – mon pitch en raconte à la fois trop et pas assez – mais aussi compliqué à véritablement définir. On est toujours à la limite entre le fantastique et le réel, c’est tout à la fois un drame intimiste et un film catastrophe, mais c’est aussi un film qui aborde de vrais sujets graves de façon détournée. En ce sens, c’est un véritable OCNI (Objet Cinématographique Non Identifié) que ce long-métrage, de ce genre d’œuvres comme on en voit une de temps en temps. La forme qui collerait peut-être le plus au long-métrage est sans doute celle du conte, comme nous le montrerons plus loin. Le lieu où se passe toute cette histoire – le bayou de la Louisiane méridionale – est parfait pour ce genre de récit car c’est un endroit qui existe, bien sûr, mais qui reste particulièrement secret et un peu fantasmé (Walt Disney y avait déjà mis les pieds avec La princesse et la grenouille mais, justement, dans une vision très fantasmatique). Et ce bayou procure une vraie ambiance, d’abord par ses paysages presque surnaturels (importance de l’eau, verdure très présente) mais aussi du fait de ses habitants qui, honnêtement, semblent un peu barrés. Ils refusent en tout cas catégoriquement de quitter leurs terres malgré le danger et sont prêts à y laisser leur peau s’il le faut.

Le réalisateur peut développer dans un tel décor son univers propre, toujours aux frontières du réel et du fantastique. Il maîtrise parfaitement cet aspect de son scénario, notamment grâce à son style de réalisation. Il a en effet une vraie façon personnelle de faire son film, en lien direct avec la manière dont il raconte son histoire – sous forme de conte, donc. C’est loin d’être complètement borderline mais il y a un foisonnement, de la flamboyance à certains moments, qui donnent un aspect vraiment singulier à l’ensemble. Cela est notamment vrai dans tout le prologue qui, peu à peu, devient de plus en plus saisissant et émouvant pour culminer dans un déluge pyrotechnique et musical assez incroyable. Cette forme de conte est aussi marquée par le fait que le film raconte vraiment quelque chose, une histoire. Mais, en même temps, il évoque, il est vrai de manière un peu détournée et transversale, la question du réchauffement climatique et de ses conséquences directes, ainsi que celle des oubliés de l’ouragan Katerina. Il y a dans le destin de cette petite fille une forme d’épopée que l’on peut presque qualifier de magique. La jeune fille en elle-même, dont la voix-off est pourtant très présente, ne raconte jamais avec ses mots cette histoire, puisqu’elle fait des digressions d’ordre plus « philosophique » sur ce qui lui arrive. C’est bien la caméra qui nous permet de suivre Hushpuppy dans toutes ses aventures. Et la force dramatique qui ressort de cette manière de faire est vraiment saisissante.

Il y a dans l’appréhension de ce film quelque chose qui dépasse le cadre de la raison (et pourtant, il n’y a pas plus rationnel que moi). Les bêtes du sud sauvage est une expérience sensorielle qui se vit plus qu’elle ne se comprend véritablement. Et, en ce sens, c’est un long métrage rare car peu de ses semblables font le même effet. Le dernier qui me vient en tête est The Tree of Life du maître Terrence Malick. D’ailleurs, dans la façon de construire son film, Benh Zeitlin m’a un peu fait penser à son illustre collègue, notamment dans la façon de filmer la nature et d’en faire un personnage à part entière en la rendant infiniment vivante, (c’est surtout vrai dans La ligne rouge chez Malick) mais aussi en choisissant délibérément de ne pas tout expliquer et de laisser une part d’interprétation et de rêve au spectateur. Ce film se dévoile ainsi sous les yeux du spectateur, porté par quelque chose de fascinant et même d’un peu hypnotique par moments. Cela tient au propos et surtout à la façon de l’illustrer. L’émotion n’est jamais bien loin, toujours à fleur de peau, mais subtilement retenue jusqu’aux dernières secondes. Cela est aussi du à une bande originale splendide, coécrite par le réalisateur lui-même (artiste multi-facettes, donc). Elle est vraiment du genre à trotter dans la tête bien longtemps après le film, et à se faire remémorer des passages bien précis.

Les bêtes du sud sauvage ne serait peut-être pas un si bon film sans la performance absolument incroyable de Quvenzhané Wallis, jeune interprète qui avait entre six et huit ans pendant le tournage. C’est toujours dur de juger les performances d’enfant mais la jeune fille dépasse complètement cette frontière puisqu’elle joue véritablement comme une adulte. Son regard, notamment, est d’une force incroyable et elle porte littéralement tout le film sur ses (toutes petites) épaules. La question suivante va alors se poser : peut-on donner l’Oscar à une enfant de moins de dix ans ? Les Golden Globes, eux, viennent de répondre par la négative puisqu’elle ne fait pas partie des dix nominés en lice pour les deux récompenses qui seront distribuées en janvier prochain. Attendons de voir ce que va décider l’Académie des Oscars. Ce film a enfin un côté infiniment jouissif, car on a vraiment l’impression d’assister en direct à la naissance d’un grand réalisateur, de ceux qui peuvent marquer leur époque. J’ai deux souvenirs identiques : Steve McQueen avec Hunger et Florian Henckel von Donnerstmarck avec La vie des autres. La suite pour chacun d’entre eux – le deuxième film est sans doute le plus compliqué – n’a pas été la même, loin de là, puisque le Britannique a réalisé un deuxième film presque encore plus fort que le premier (le surpuissant Shame) alors que l’Allemand, lui, a plus cédé aux sirènes hollywoodiennes et à une forme de paresse avec The tourist. On peut alors se demander ce que sera la suite pour ce réalisateur qui doit déjà voir tourner autour de lui toutes les Majors avec de multiples projets, plus ou moins intéressants. Il va devoir gérer tout cela mais on peut espérer qu’il y arrive au mieux pour que Les bêtes du sud sauvage ne reste pas l’œuvre d’une vie mais soit bien le commencement d’une très grande carrière. De même pour Quvenzhané Wallis, d’ailleurs…


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jct 16.12.2012, 17:39

Je n'ai pas vu le film, mais ta critique touche juste en évoquant Mallick. Ce matin-même, Fabienne Pascaud de Télérama sur France Inter (ça fait beaucoup !!!) faisait le parallèle, quoiqu'en défaveur de Zeitlin dont elle n'a pas goûté le film... BRAVO pour la qualité des références. Assisterions nous en direct à la naissance d'un grand critique :-) ?
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Tim Fait Son Cinéma 16.12.2012, 18:09

Merci bien mais ça m'a vraiment marqué et je suis un grand fan de Malick donc c'est normal de reconnaître sa patte. Et comme tu le dis, France Inter + Télérama, ça devient très louche...
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muriel 24.12.2012, 01:06

"le scénario est vraiment bof"
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jcy 24.12.2012, 01:08

J'aime bien le moment où la petite fille regarde le plafond ^^


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