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TimFaitSonCinema
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LES INNOCENTES

A la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, dans un couvent de la campagne polonaise, de très nombreuses sœurs ont été mises enceinte dans des circonstances dramatiques. L’une d’elles va chercher une jeune médecin de la Croix-Rouge basée dans le village voisin. Celle-ci va alors rentrer dans l’intimité de ce couvent…
Verdict:

Avec un sujet extrêmement fort, Anne Fontaine ne parvient pas forcément à faire le film que l’on pouvait attendre. Cela est du à un scénario et à une réalisation qui manquent quelque peu de relief. C’est dommage car l’image est absolument magnifique et l’interprétation de qualité. Les Innocentes reste quand même un long métrage de qualité.

Coup de coeur:

La photographie

La date de sortie du film:

10.02.2016

Ce film est réalisé par

Anne FONTAINE

Ce film est tagué dans:

Drame historique

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 La Critique


Si les derniers films d’Anne Fontaine relèvent de registres différents (ce qui en fait une réalisatrice assez compliquée à mettre dans une case), il y a quelque chose qui les réunit de façon assez certaine : c’est la place des femmes dans son œuvre. En effet, entre la comédie La fille de Monaco, le biopic Coco avant Chanel, le drame Perfect Mothers ou encore l’adaptation du roman graphique Gemma Bovary, on peut remarquer que ce sont avant tout des histoires de femmes (et le titre est bien clair là-dessus). D’ailleurs, ce n’est peut-être pas un hasard si l’intitulé de départ de son nouveau film – Agnus Dei – qui est également le titre pour l’international a été modifié chez nous en Les Innocentes. On remarque aussi chez elle une certaine propension depuis quelques temps à s’éloigner du cinéma français avec, dernièrement, un tournage en Australie, ou des castings réunissant des stars internationales (Naomi Watts et Robin Wright d’un côté, Gemma Arterton de l’autre). Son dernier long métrage s’inscrit dans ces deux lignées (même si, là, pour le coup, il n’y a pas de vedettes au générique) mais, en même temps, on a le sentiment qu’il est vraiment différent de tout ce qu’elle a pu faire auparavant car elle s’empare ici d’un genre pas évident à maitriser, et où on ne l’attendait pas vraiment : le drame historique. En effet, l’idée de ce film a été apportée par le propre neveu de celle dont l’histoire est racontée ici, avant d’être écrite par deux jeunes scénaristes et, retravaillée finalement, par Anne Fontaine elle-même et Pascal Bonitzer, qui l’avait déjà aidée pour Gemma Bovery. En plus, elle s’attaque à un sujet vraiment compliqué sur le fond et où la forme peut révéler de très nombreux pièges. Parvient-elle néanmoins à signer le long métrage de qualité que l’on peut attendre sur ce thème particulièrement dur ?

 

Forcément, quand on parle à la fois de Pologne et de couvent, on ne peut pas s’empêcher de penser à Ida, Oscar du meilleur film étranger l’année dernière. Pourtant, si l’on retrouve des actrices (dans des rôles d’ailleurs à l’opposé entre les deux longs métrages), on est là dans quelque chose de relativement différent car si Ida racontait la manière dont une jeune nonne sortait d’un couvent pour découvrir la vie, Les innocentes fait plutôt rentrer un personnage extérieur à l’intérieur de l’habitat de ces sœurs. En effet, presque tout le film se déroule dans ce couvent, perdu au cœur de la campagne polonaise. Mais s’il y a quelque chose que l’on peut trouver en commun dans ces deux longs métrages, c’est le côté dépouillé du traitement de l’histoire. Anne Fontaine choisit en effet de ne pas en rajouter dans la réalisation, c’est le moins que l’on puisse dire. Très peu d’effets, une économie de mouvements de caméra et la volonté de respecter une certaine pudeur par rapport à son sujet, que ce soit dans les dialogues ou dans leur mise en image. Je trouve personnellement ça plutôt bien sur le principe. Elle est aidée en cela par un travail assez magnifique sur la photographie, effectuée par sa chef opératrice, Caroline Champetier. Le travail de cette dernière avait déjà été remarqué pour Des hommes et des Dieux (tiens, tiens....) et elle parvient parfaitement à suivre le récit en partant d’un presque noir-et-blanc (neige, habits des sœurs…) pour progressivement aller vers quelque chose d’un peu plus éclairé et chaud, accompagnant le cheminement de ces femmes. Il y a dans son image quelque chose d’extrêmement touchant, notamment dans la manière qu’elle a de jouer sur les contrastes entre ombres et lumières (apportées par petites touches : une lampe par ci, un rayon de soleil par là). C’est là que réside une grande partie de la réussite de ce film.

 

Le problème, c’est qu’à force d’être aussi épuré dans la mise en scène, l’ensemble finit par être presque un peu froid ou même désincarné. Ainsi, l’émotion que l’on pourrait ressentir se retrouve bloquée devant une réalisation qui semble avoir peur de vraiment embrasser tous les sujets soulevés et se contente presque uniquement d’illustrer le propos. Cette rencontre entre deux mondes que tout devrait opposer (les sœurs d’un côté et cette jeune médecin athée et communiste de l’autre) est au cœur du scénario et, d’ailleurs, celui-ci joue énormément sur ces paradoxes, parfois de manière un peu trop pesante : il y a d’abord l’autorité, représentée d’un côté par la Mère Supérieure et de l’autre par le Colonel (car il s’agit d’une mission militaire) puis la religion (chrétien / juif) ou encore le jeu autour des croix (croix chrétiennes / Croix Rouge). Même au niveau de la couleur de l’image, il y a une grande différence entre le côté très froid du couvent et les tons (un peu) plus chauds du bâtiment de la Croix-Rouge. Au bout d’un moment, ce côté presque didactique pour mettre en images cette opposition finit par être un peu agaçant. C’est bien évidemment le cœur même du long métrage et c’est dans la transformation qui va s’effectuer chez chacun des personnages que le véritable intérêt des Innocentes se trouve. Et je trouve d’ailleurs le film vraiment plus fort quand il s’attache véritablement au cheminement intérieur des personnages. Chacune à leur manière, les sœurs et même cette jeune médecin, vont être profondément transformées par ce qui se passe : leurs certitudes sont remises en question. Et c’est intéressant de voir comment les réactions sont différentes selon les sœurs, entre celles qui refusent catégoriquement ces enfants, celles qui y voient un grand bonheur et même celles qui ne s’étaient pas rendues compte qu’elles étaient enceintes.

                                                                                                                                                                        

Le film insiste surtout sur deux sœurs en particulier, sans porter de jugement : la Mère Supérieure et Sœur Maria (qui est d’une certaine façon son assistante). Toutes deux vont avoir un rapport très différent à tout ce qui se passe, ce qui les interroge fortement sur la foi, sur l’obéissance, sur les principes ramenés à la réalité. La jeune médecin, elle, amène d’une certaine façon une rationalité mais aussi l’idée que la vie doit être plus forte que tout, malgré toutes les croyances ou convictions que l’on a. Il y a de nombreuses problématiques posées et je trouve que, du fait d’une construction parfois un peu confuse, certaines thématiques sont un peu noyées sous d’autres, bien moins intéressantes. C’est notamment le cas de cette histoire d’amour entre Mathilde et le médecin qu’elle accompagne. Si ce dernier amène un certain contrepoint à l’ensemble avec une petite dose d’humour, je ne vois pas forcément ce qu’il apporte réellement par rapport aux problématiques centrales au cœur du scénario. De plus, je ne trouve pas Vincent Macaigne très bon dans ce rôle. Et si ce long métrage est quand même une réussite, c’est aussi grâce à la performance d’ensemble des actrices avec des mentions spéciales pour Agata Buzek, saisissante dans le rôle de Sœur Maria et pour Lou de Laâge qui, un an après une prestation déjà remarquable dans Respire, prouve qu’elle est une actrice capable de tout jouer. Ici, plutôt en sobriété, elle fait de son personnage un mélange assez troublant de convictions et de doutes. Au final, je trouve que l’ensemble manque sans doute d’un peu de force et de relief pour être plus qu’une simple retranscription (aussi juste soit-elle) d’une histoire vraie terrible. Avec un thème aussi puissant, il y avait sans doute la possibilité de faire mieux et, forcément, ça laisse un petit goût amer. Néanmoins, Les innocentes demeure un beau film, visuellement magnifique et qui traite d’une histoire vraie nécessaire à raconter.




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