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TimFaitSonCinema
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En 1958, aux Etats-Unis, dans l’Etat de Virginie, Richard et Mildred s’aiment et veulent fonder un foyer. Sauf que lui est blanc et elle noire, ce qui ne les autorise pas à se marier. Ils vont le faire dans l’Etat voisin mais sont arrêtés et sont condamnés à aller vivre ailleurs. Dans le contexte de la bataille pour les droits civiques, leur affaire sera portée devant les plus hauts tribunaux…
Verdict:

En se tenant vraiment au plus proche de ses deux personnages principaux, parfaitement interprétés par Joel Edgerton et, surtout, la grande découverte qu’est Ruth Negga, Jeff Nichols évite de nombreux pièges et livre finalement un film très personnel et particulièrement touchant. L’ensemble manque parfois un peu de rythme, notamment dans la deuxième heure, et peut paraître un peu froid mais ça reste du très bon cinéma, tant sur la forme que sur le fond.

Coup de coeur:

Ruth Negga

La date de sortie du film:

15.02.2017

Ce film est réalisé par

Jeff NICHOLS

Ce film est tagué dans:

Drame amoureux

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 La Critique


Avec quatre longs métrages réalisés en moins de dix ans, Jeff Nichols s’est imposé de manière assez évidente comme le symbole de la nouvelle génération montante à Hollywood. Il faut dire que, chacun à leur manière, Shotgun Stories, Take Shelter, Mud ou encore Midnight Special sont de vraies réussites, même si le box-office, notamment en France, n’a jamais complètement suivi, ses œuvres ne dépassant jamais les 300 000 spectateurs (sauf pour Mud qui a culminé à 640 000). Ce sont tout de même des films qui m’ont fortement marqué, à la fois par la grande maitrise dont ils font preuve dans la mise en scène (ce n’est pas pour rien si Terrence Malick est une référence qu’il cite souvent) mais aussi par leur écriture, qui parvient habilement à mélanger plusieurs styles, avec, presque toujours au centre, la question de la famille. Quand j’ai entendu quel était le nouveau projet du réalisateur, j’ai été quelque peu surpris. En effet, je ne l’attendais pas vraiment du côté du biopic engagé, style qui est en plein essor aujourd’hui. En effet, que ce soit Lee Daniels dans Le Majordome, Ava DuVernay dans Selma ou même Steven Spielberg dans Lincoln, ces réalisateurs ont traité à leur manière la question raciale aux Etats-Unis à travers l’histoire d’un personnage important qui a permis des évolutions majeures pour les noirs aux Etats-Unis. Dans d’autres registres, Django Unchained, Fruitvale Station ou 12 years a slave permettaient également de réfléchir à ces questions toujours actuelles aux USA. En s’attaquant au destin du couple Loving, qui a donné son nom à un arrêt de la Cour Suprême rendant l’interdiction des mariages interraciaux inconstitutionnelle, Jeff Nichols s’inscrit tout à fait dans cette logique. Et je dois bien avouer que ça ne me rassurait pas trop, ayant peur que le cinéma de Nichols se « perde » dans la dimension historique de cette histoire. Mes craintes étaient-elles fondées ?

 

Très rapidement – il suffit d’une première scène – on comprend que ce qui intéresse vraiment le réalisateur, c’est bien le couple en lui-même. En effet, dès le début du film, on voit les deux amoureux assis devant une maison et les premiers mots sont les suivants : « Je suis enceinte ». On ne sait rien de leur histoire commune, de ce qui a pu conduire un blanc et une noire à s’aimer dans un état du Sud de l’Amérique où le racisme est encore très présent à cette époque, et on a presque l’impression de prendre l’histoire en route. C’est finalement une très bonne façon de faire car Jeff Nichols s’évite ainsi toute une série de scènes d’expositions qui auraient alourdi le propos. Le scénario choisit de montrer en deux ou trois séquences, où les regards disent bien plus que les mots, ce que ce couple peut provoquer de rejet, à la fois dans la communauté blanche comme noire, d’ailleurs. On rentre directement dans le vif du sujet et, moins de dix minutes plus tard, Richard et Mildred deviennent mari et femme. Tout va donc très vite et ce sera une constante tout au long du film (et jusqu’à la fin, qui intervient quand il n’y a plus rien d’intéressant à montrer), ce n’est que l’essentiel qui est saisi et absolument rien n’est laissé au hasard. Ainsi, toutes les séquences sont signifiantes. L’objet du film est vraiment de montrer l’histoire d’un couple qui, au départ, ne souhaite pas mener à tout prix une lutte contre l’Etat de Virginie et ses lois mais qui veut juste pouvoir vivre et surtout s'aimer librement. C’est d’ailleurs surtout le cas pour Richard qui semble presque mal à l’aise au fur et à mesure que leur destin prend de l’ampleur dans les médias. Mildred, elle, se découvre peu à peu une âme plus revendicatrice, sans doute car c’est elle qui est aussi davantage victime du racisme ordinaire de l’époque. Le scénario cherche en tout cas toujours à rester à la hauteur de ses deux « héros ».

 

Ainsi, on est loin du « film de justice » que l’on pouvait attendre et on peut d’ailleurs remarquer que quand, dans la deuxième partie, il s’y aventure un peu avec les figures de jeunes avocats qui vont plaider la cause du couple, le long métrage perd en intensité et en intérêt. L’ensemble devient alors un peu moins emballant. La fin, qui ramène complètement vers le couple, finit tout de même par nous convaincre. Si le destin de Richard et Mildred nous emporte, c’est aussi grâce à la performance majuscule de ses interprètes. Tout en intériorité, Joel Edgerton est assez génial. Mais c’est surtout Ruth Negga qui m’a impressionné. Pour son premier grand rôle au cinéma, elle est absolument fascinante, tout en délicatesse et en émotion rentrée. Une performance remarquée par une nomination aux Oscars. Dans sa réalisation, Jeff Nichols fait une nouvelle fois preuve d’une très grande maitrise. Tous les plans sont splendides, magnifiés par une photographie de grande qualité. Il réussit à glisser quelques séquences qui font monter la pression (une poursuite en voiture, notamment), s’en amusant presque, d'ailleurs. Ce contrôle et cette économie dans la mise en scène et le scénario ont tout de même un revers car cela donne par moments un côté presque un peu sec au long métrage. S’en tenant à une ligne très claire, Jeff Nichols ne dévie à aucun moment du côté de l’émotion pure. Je trouve que c’est plutôt une bonne chose sur le principe, car cela évite le pathos, jamais loin avec ce genre de sujet, mais, tout de même, il aurait pu aller à peine plus loin de ce côté-là pour donner un aspect moins froid au long métrage. A l’image de ses personnages, le metteur en scène a décidé de rester sobre et, d’une certaine manière, c’est une très belle manière de concilier l’histoire racontée et la manière de la mettre en images. Décidément, Jeff Nichols prouve qu’il sait à peu près tout faire, même là où on ne l’attend pas forcément. La marque des grands, évidemment…




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