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TimFaitSonCinema
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MA LOUTE

Au début du vingtième siècle, la famille Van Peteghem, riches bourgeois lillois, vient passer ses vacances dans sa splendide demeure qui donne sur une baie de la Manche. Mais entre des disparitions inquiétantes, une enquête qui n’avance pas vraiment et une histoire d’amour entre Ma Loute, fils d’une famille de pêcheurs locaux, et Billie, les vacances ne seront pas de tout repos.
Verdict:

Ma Loute est un film comme on en voit très rarement dans une année et même dans une décennie. Complètement loufoque, par moments tellement barré que l’on ne sait plus bien où on est, offrant à ces acteurs principaux de véritables numéros, c’est un long métrage qui déroute et qui ne peut pas laisser indifférent. Personnellement, j’ai beaucoup aimé, notamment parce que c’est bien plus maîtrisé qu’il n’y paraît.

Coup de coeur:

La liberté totale de ce projet

La date de sortie du film:

13.05.2016

Ce film est réalisé par

Bruno DUMONT

Ce film est tagué dans:

Comédie dramatique

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 La Critique


Bien qu’il ne soit pas forcément le plus connu des réalisateurs français actuels, Bruno Dumont n’en reste pas moins un qui compte dans le paysage cinématographique. D’abord parce qu’il a quand même remporté deux Grand Prix du Jury au Festival de Cannes, ce qui n’est pas rien, et ensuite parce qu’il s’est fait une spécialité dans les longs métrages singuliers, tournés avec des acteurs amateurs, et plutôt marqués par une forme d’austérité dans la mise en scène. De lui, je n’ai vu, en DVD,  que Flandres, que j’avais trouvé pour le moins intrigant. Pour son précédent film, il semble avoir un peu changé de façon de faire puisqu’il a fait appel à Juliette Binoche pour tourner quelque chose d’un peu plus attendu, à savoir un biopic sur Camille Claudel (Camille Claudel 1915). Après un passage remarqué à la télévision avec P’tit Quinquin, que je n’ai pas vu mais qui a pas mal divisé le public (il faudra que je m’y intéresse de plus près un beau jour, d’ailleurs), il semble avoir trouvé une certaine liberté dans son cinéma et Ma Loute en est la meilleure preuve. De retour dans son Nord natal, il livre cette fois-ci un long métrage qui mélange des acteurs connus (Lucchini, Binoche ou Bruni-Tedeschi) avec d’autres qui sont de complets amateurs mais, surtout, il nous offre une œuvre loufoque, complètement barrée, où le spectateur ne comprend pas toujours tout ce qui se passe et ce qui se dit (est-ce nécessaire ? je suis loin d’en être persuadé…). Présenté à Cannes cette année, ce nouveau film a plutôt enchanté le public même si certains en sont également ressortis plus que circonspects. Ce fut mon cas pendant une partie du long métrage avant de finalement me faire entraîner dans ce qui peut s’apparenter à un délire mais qui est bien plus maitrisé qu’on peut le soupçonner au premier abord…

 

Ce qui marque dès les premières secondes, et ce sera une constante tout au long de Ma Loute, c’est la qualité de l’image avec une grande importance données aux lumières naturelles et presque une impression de sépia qui colle bien avec l’époque montrée mais aussi à cette baie qui va constituer l’unique lieu où vont se dérouler les événements. On sent vraiment que Dumont est un cinéaste et qu’il veut donner une couleur à son œuvre. Il est aidé en cela par Guillaume Deffontaines, directeur de la photographie habituel de ses films. Mais, assez vite, on est intrigué par ce qui nous est montré et raconté car, d’entrée de jeu, on comprend qu’il y aura une opposition très nette entre, d’un côté, une famille de pêcheurs qui habitent au cœur de la baie et la famille bourgeoise qui vient pour les vacances et qui possède une magnifique maison qui surplombe tout le paysage. Cette opposition se fait également dans la distribution puisqu’on retrouve tous les comédiens référencés du côté de la « haute ». Mais ce qui est vraiment intéressant, c’est que l’on saisit très vite que le scénario ne sera aimable avec personne. Tous ont leurs névroses, plus ou moins marquées, et quand le bourgeois peine à découper un poulet, cela fait directement écho à la mère de famille pauvre qui s’échine à sectionner « sa viande ». Et, finalement, plus que d’opposition, il sera surtout question de la manière dont ces deux familles vont se rapprocher sans qu’elles en aient forcément conscience. Et c’est en fait l’histoire d’amour entre Ma Loute, fils des pêcheurs et Billie, qui vient des Van Peteghem, qui est véritablement au cœur du scénario. Cette relation semble impossible, et cela pour plusieurs raisons que l’on comprend peu à peu, mais va pourtant se dérouler et prendre de plus en plus d’ampleur au fil du long métrage jusqu’à devenir par moments déchirante.

 

Mais c’est aussi l’enquête sur des disparitions inquiétantes, menée par un couple d’enquêteurs pour le moins improbable (sortes de Laurel et Hardy du Nord), qui va mettre sur un même pied d’égalité les bourgeois et les pêcheurs. C’est sans doute dans ce côté polar un peu fou que le burlesque, et parfois le grotesque, sont le plus présent. Les deux policiers sont tellement incompétents et à côté de la plaque qu’ils en deviennent vraiment drôles. Et les bruitages (notamment pour le chef) sont absolument hilarants, tout comme le fait que, finalement, on ne comprenne pas la moitié de ce qu’ils disent réellement. Plus le long métrage avance, plus le scénario part un petit peu dans le n’importe quoi, tirant même sur le fantastique à la fin. Sorti de son contexte, cela pourrait sembler complètement absurde, mais cela est amené de manière tellement progressive tout au long de cette histoire que plus rien ne finit par étonner le spectateur. Le dernier quart d’heure est ainsi absolument dingue, puisque tous les personnages, ou presque, sont au paroxysme de leur folie alors que, pendant ce temps-là, la relation entre Billie et Ma Loute prend une nouvelle tournure. Et là où je trouve que Bruno Dumont est très fort, c’est dans sa manière de pousser tous ses acteurs à fond dans la voie qu’il leur a donné et de tous les mettre sur un pied d’égalité en créant de vrais personnages, derrière lesquels s’effacent les comédiens. Tout le monde est très bon et si Valeria Bruni Tedeschi reste plutôt sobre, Juliette Binoche et Fabrice Lucchini ont des compositions incroyables et ils donnent l’impression d’être en roue libre totale alors que je suis persuadé que tout est maitrisé par le réalisateur. C’est tellement fort que l’on oublie les acteurs qui se trouvent derrière ces personnages inoubliables. Cela renforce le côté unique d’un long métrage qui ne s’oublie pas et sur lequel on s’interroge encore après la séance : « Ma Loute, qu’est-ce à dire ? » comme dirait l’un des protagonistes du film…




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