Toggle navigation
TimFaitSonCinema
Aton est un jeune enfant de huit ans qui a disparu, emporté par son père, Roy. Alors que tout le pays est à sa recherche, notamment une secte à laquelle il appartenait et les forces gouvernementales, on se rend compte que le père est en train de tout risquer pour lui permettre d’accomplir son destin…
Verdict:

Jeff Nichols réussit le pari d’offrir avec Midnight Special un vrai drame familial « camouflé » dans un thriller de science-fiction, le tout dans une ambiance quasi-poétique. Drôle de concept qui fait que, si on suit une forme de chasse à l’homme, il y a finalement peu d’action mais plutôt une grande part laissée à l’interprétation du spectateur. 

Coup de coeur:

Michael Shannon

La date de sortie du film:

16.03.2016

Ce film est réalisé par

Jeff NICHOLS

Ce film est tagué dans:

Drame familial Science-fiction Thriller

Chargement...


 La Critique


Depuis quelques années, le cinéma américain se cherche une certaine relève en termes de réalisateurs. En effet, outre les « monstres sacrés » (Eastwood, Allen et Scorsese en tête), il y a toute une génération de quinquagénaires qui semble avoir pris le pouvoir sur Hollywood. On pense évidemment à Quentin Tarantino, David Fincher, les frères Coen, Danny Boyle, Steven Soderbergh ou Alejeandro González Iñárritu dernièrement. Chacun à leur manière, ils nous ont offert des films de qualité, dont certains sont même devenus cultes. On peine depuis à trouver de jeunes réalisateurs qui se soient vraiment fait leur place et si James Gray ou Wes Anderson sont des metteurs en scène un peu plus jeunes, ils appartiennent quand même un peu à la même génération. Certains noms sont évoqués (Jason Reitman ou J.C. Chandor, pour ne citer qu’eux) mais s’il y en a bien un qui ressort depuis quelques années, c’est bien celui de Jeff Nichols. S’il a mis un peu plus de temps à réaliser son premier film que son camarade d’école de cinéma David Gordon Green, il est aujourd’hui davantage connu que ce dernier. Ce n’est pas forcément son premier long métrage (Shotgun Stories) qui a marqué les esprits mais plutôt le deuxième, Take Shelter, remarqué à Cannes en 2011 et sorti il y a quatre ans chez nous. Mettant en scène un homme persuadé qu’une tempête dévastatrice est imminente, ce film était fascinant dans sa façon d’être toujours à la limite entre le réel et le fantastique mais aussi de parler des peurs de l’Amérique profonde. Son troisième film - Mud -, plus classique dans son sujet, se déroulait également dans un état rural, le Mississippi, et m’avait surtout marqué par sa beauté plastique. Deux films qui avaient suffi à faire de Jeff Nichols le nouvel espoir du cinéma américain. Trois ans plus tard, le voilà de retour. Est-ce pour définitivement assumer ce statut ?

 

On pouvait se dire qu’avec un plus gros budget (ceux-ci doublent de films en films), la Warner Bros derrière en société de distribution et une certaine pression, le metteur en scène allait faire quelque chose d’un peu plus « consensuel » et convenu (même si ses précédents films sont loin d’être hermétiques). Finalement, on se rend compte que c’est presque l’inverse qui se produit et que Jeff Nichols choisit plutôt de radicaliser davantage son cinéma et de nous offrir un long métrage assez déroutant au premier abord mais devant lequel on ne peut pas rester longtemps indifférent. En effet, on est d’abord rapidement pris par le côté très mystérieux de cette histoire. Le spectateur a le sentiment de débarquer en plein milieu de quelque chose, sans avoir les tenants et les aboutissants de ce qui se déroule sous ses yeux. Et c’est effectivement le cas car le scénario ne s’embarrasse pas de l’habituelle séquence de mise en situation. Là, on est directement au cœur d’une chasse à l’homme où c’est un jeune enfant qui est en jeu. Sont à sa recherche d’un côté, une sorte de secte dont on ne comprend pas bien les motivations, de l’autre, le gouvernement fédéral. Et cet enfant est protégé par son père et par un autre homme, dont on ne sait rien. Ce n’est que peu à peu, à travers des bribes d’explication que l’on comprendra les véritables enjeux qui se cachent derrière ce jeune garçon. Le spectateur est vraiment libre de se faire sa propre idée sur ce qu’il voit. Car ce qui est assez impressionnant, c’est la manière dont le scénario est finalement assez vide (on donne la même chose à Michael Bay, il en fait un clip !) mais parvient à préserver un vrai mystère tout du long, avec certaines montées de tension. On ne sait jamais trop où l’on va même si l’on peut voir de façon assez nette deux parties, une nocturne pour commencer et une autre qui se passe en journée, séparées par une séquence clé qui, pour le coup, explique beaucoup de choses.

 

L’accent est ici mis sur une ambiance, avec, notamment, une musique absolument géniale, tant elle nous plonge dans cette chasse à l’homme. C’est du cinéma qui prend vraiment son temps et c’est en ce sens que c’est déroutant et agréable. Pourtant, il y a de l’action, pas trop non plus, mais Jeff Nichols a une manière assez impressionnante d’évacuer efficacement ces séquences : quelques plans, pas plus, et on repart dans quelque chose de bien plus posé, presque contemplatif par moments. Ainsi, certaines séquences sont d’une beauté rare, notamment celle où la voiture fend la nuit tous feux éteints. C’est à la fois poétique, tout en étant inscrit logiquement dans l’action qui se déroule. Ici, rien n’est laissé au hasard. Toutes les vues du Texas traversé sont magnifiques et Jeff Nichols continue son exploration des territoires ruraux américains. Bien que fondamentalement inscrit dans ce paysage, Midnight Special est bien un vrai film de science-fiction puisque le jeune Aton n’est pas de ce monde et possède des pouvoirs surnaturels. Si ceux-ci sont montrés par moments, ce n’est qu’avec parcimonie et jamais dans une débauche d’effets spéciaux (sauf à la toute fin, sans doute la partie la plus discutable du film). Ce qui intéresse d’avantage Jeff Nichols, c’est bien plus la façon dont la science-fiction fait irruption dans un quotidien « normal » et c’est sur celui-ci qu’il s’appuie, faisant de Midnight Special un long-métrage qui parle bien plus de l’amour de parents pour leur fils que d’extra-terrestres ou autre créatures. Car, en fait, ce film est un véritable drame familial qui évoque la relation entre Aton et son père (puis sa mère, plus tard dans le film) et la façon dont ces parents vont se sacrifier par amour pour lui et tout faire pour le mener à son destin, quoi qu’il leur en coûte. Dans le rôle du papa, Michael Shannon est une nouvelle fois exceptionnel alors que les seconds rôles sont tenus avec beaucoup de talent par Adam Driver, Joel Edgerton ou encore Kirsten Dunst, donnant encore plus de relief à un film qui n’en manquait déjà pas. Cela confirme définitivement le talent de Jeff Nichols et, surtout, sa capacité à faire des films extrêmement personnels. Que ça dure ainsi !!




 Rédiger Un Commentaire