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TimFaitSonCinema
Daniel est proche de la soixantaine et, suite à de graves problèmes de santé au cœur, il doit quitter son poste de menuisier et se voit contraint à faire appel à l’aide sociale. Même si son médecin lui interdit de travailler, il est obligé de chercher de l’emploi pour toucher ses aides. Sa rencontre avec Katie, jeune mère de famille, va-t-elle redonner un sens à une vie de plus en plus absurde ?
Verdict:

Avec sa ligne narrative très claire et parfois un peu trop manichéenne, Moi, Daniel Blake a un côté un peu agaçant. Mais on finit par se faire entraîner par la dignité du personnage principal et la fraternité qui est au cœur de l’histoire de cet homme qui tente de se débattre dans un système de plus en plus déshumanisé, tout en aidant son prochain. Une belle Palme d’Or, qui fait aussi beaucoup réfléchir. 

Coup de coeur:

Certaines séquences, vraiment émouvantes

La date de sortie du film:

26.10.2016

Ce film est réalisé par

Ken LOACH

Ce film est tagué dans:

Drame Palme d'Or

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 La Critique


Finalement, Ken Loach est bien sorti de la « retraite » qu’il avait annoncée visiblement un peu précipitamment lors de la sortie de Jimmy’s Hall, son précédent long métrage. En effet, le réalisateur de 80 ans avait dit ne plus vouloir faire de films de fiction mais se consacrer aux documentaires. Pourtant, lors de l’annonce de la sélection du dernier Festival de Cannes figurait bien I, Daniel Blake, réalisé par le metteur en scène sans doute le plus habitué au Festival, puisqu’avec dix-huit participations, dont treize en sélection officielle, il établit un record assez incroyable. Et ses longs métrage y ont accumulé les récompenses (trois Prix du Jury, Prix du Scénario, Prix d’interprétation masculine) et il a même remporté la Palme d’Or en 2006 pour Le vent se lève, film que j’avais trouvé très beau (même si très dur) à l’époque. Depuis, je n’ai pas vu tous ses longs-métrages et je crois surtout avoir visionné les plus « légers » (Looking for Eric ou La part des Anges), alors que le cinéma du Britannique est surtout réputé pour son côté militant que ce soit pour le côté social (dénonciation des politiques publiques, notamment) ou même historique (sur la guerre d’indépendance en Irlande, par exemple). De nouveau en compétition cette année, avec un retour à son cinéma social fétiche, Loach est entré dans le cercle très fermé des « double palmés » (ils sont maintenant neuf, dont les frères Dardenne ou Michael Haneke pour les plus récents). Pourtant, au grand jeu des pronostics d’avant palmarès, Moi, Daniel Blake, était loin de faire partie des favoris puisque Toni Erdman de Maren Ade, Juste la fin du monde de Xavier Dolan ou encore Elle de Paul Verhoeven, récoltaient la majorité des suffrages. Mais, finalement, le jury, présidé par George Miller, a surpris tout le monde en mettant à l’honneur le cinéma de Ken Loach. Pour autant, doit-on résumer cette Palme d’Or à un acte uniquement politique ?

 

A première vue, la réponse paraît être positive car, en termes de cinéma pur, il y a sans doute eu mieux lors de la dernière cuvée du Festival de Cannes. Mais, ce long métrage rappelle aussi pourquoi le cinéma est si beau dans sa diversité. On est en effet très loin de Dolan ou même de Verhoeven mais il y a vraiment quelque chose qui se dégage ici et qui est assez unique et incroyable. En fait, Moi, Daniel Blake est un long métrage qui me laisse un très drôle de sentiment, surtout parce que j’ai eu globalement la sensation de visionner un film relativement banal du point de vue cinématographique mais qui, finalement, m’a ému et touché comme rarement. Et j’en viens à me dire que c’est bien là que réside la puissance de ce film et, donc, le génie de Ken Loach qui, d’une certaine manière, mérite amplement sa Palme d’Or. Tout au long de son long métrage, le réalisateur s’en tient à un programme et à une ligne très claire et il n’en dévie jamais. Il fera tout pour montrer l’absurdité de la société anglaise moderne, notamment dans le traitement qu’elle fait des chômeurs et des pauvres et, en ce sens, il (re)donne véritablement leur voix à toute une partie de la société qui est oubliée et que, d’une certaine façon, on veut absolument faire oublier. Elle est en effet le revers de la réussite économique florissante que l’on essaie toujours de promouvoir, mais qui laisse sur le carreau des millions de britanniques. Je ne défends pas les mêmes idées politiques que Ken Loach mais, là, sur le pur constat, on ne peut qu’être en phase avec ce qu’il montre ici, de manière quasi-documentaire par moments, et après avoir effectué un gros travail de recherche pour être au plus près de la réalité.

 

Car, si le film est dur, il l’est dans la vérité crue qu’il montre, notamment les mécanismes des pôles emplois britanniques où les employés semblent être des robots. Ils appliquent de manière stricte un règlement presque kafkaïen et dont on a l’impression qu’il a été édicté dans le seul but de rendre fous les personnes qui doivent s’y rendre. D’ailleurs, l’une des employées qui essaie de sortir du cadre va vite se faire rappeler à l’ordre car elle risque de « créer un précédent » en offrant une aide personnalisée à Daniel qui en a bien besoin. Ce qui marque le plus, c’est le côté extrêmement déshumanisé de cette machine administrative et les cinq premières minutes du film en sont un exemple des plus frappants. Daniel, lui, n’a plus qu’un certain humour parfois noir et l’énergie du désespoir pour tenter de se mettre en travers d’un système duquel sortit intact semble être impossible. Surtout que lui n’est pas vraiment adapté au monde moderne puisqu’il ne maitrise pas les outils informatiques, devenus indispensables dans toutes les démarches. Mais, en même temps, la jeune fille de la famille avec laquelle il se lie est complètement désemparée devant une cassette audio dont elle ne sait que faire. Choc de générations, en quelque sorte. Dans sa dénonciation, on ne peut pas dire que Ken Loach fasse les choses à moitié et on pourrait regretter que son long métrage ait un côté presque naïf avec les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Mais, en gardant la bonne distance et en ne faisant pas trop durer les scènes qui pourraient devenir gênantes (sauf, à la fin, pour celle du graffiti), il parvient globalement à rester à l’écart du piège du pathos et du larmoyant. Pourtant, il n’en reste pas moins que Moi, Daniel Blake est émouvant et même, par moments, franchement déchirant.

 

Au cœur de cette machine administrative, ce sont de vraies histoires que le scénario met en scène avec, notamment, celle de Daniel qui est au cœur de tout mais aussi celle de Katie et ses deux enfants, qui va s’y relier. Naît entre eux une relation finalement presque trop simple pour être vraie, totalement gratuite et désintéressée, où il n’est finalement jamais question véritablement d’amour ou même d’amitié mais plutôt de fraternité humaine et d’entraide. Bien sûr, Daniel n’a jamais eu d’enfants et on voit bien en creux ce que cette nouvelle relation peut lui apporter mais ce n’est absolument jamais mis en avant. Cette seconde histoire (celle de la famille) ouvre une autre perspective dans la vision de cette pauvreté engendrée par le système, encore plus violente et ce n’est pas un hasard si la scène la plus forte du film (et peut-être de l’année au cinéma, d’ailleurs) montre la misère dans laquelle Katie est plongée. D’ailleurs, l’émotion est souvent à fleur de peau, parce qu’il y a une véritable dignité chez ces personnages et notamment chez Daniel, qui, bien que lui-même en situation précaire, n’hésite pas à aider les autres et à rester debout, autant que faire ce peu. Et ce qui est assez fou, c’est que malgré un scénario un peu trop téléguidé, puisqu’on sent à peu près tout venir d’assez loin, l’émotion fonctionne tout de même, pour être très forte dans les derniers instants du film. Cette trame, où les surprises sont peu nombreuses, permet également de renforcer le côté implacable de cette société, contre laquelle toute bataille est presque perdue d’avance. D’habitude, devant un long métrage aussi prévisible dans ce qu’il montre, je suis circonspect (voire agacé) mais, là, étrangement, je me suis laissé aller, transporté par ce qui s’apparenterait presque à un conte des temps modernes. Un conte rude, mais un conte malheureusement réaliste…

 

Alors, évidemment, Moi, Daniel Blake est un film très orienté, presque manichéen dans sa construction et la manière dont il dépeint la société. Le réalisateur cherche à amener le spectateur avec lui, dans cette dénonciation d’une société de plus en plus déshumanisée et le fait avec des ficelles, scénaristiques notamment, un peu grosses par moments. Mais, peut-on et doit-on reprocher cela à Ken Loach, lui qui fait un cinéma social depuis de si nombreuses années ? On connaît le réalisateur et on ne peut donc pas être surpris par le discours et le procédé utilisé. Mais, en même temps, c’est sans doute l’un de ses longs métrages les moins « enragés » et c’est là qu’il dénonce le mieux et que le spectateur peut réellement s’identifier aux personnages principaux et à leur situation. Plus apaisé dans la forme, mais n’ayant pas perdu son mordant dans le fond, Ken Loach livre presque une sorte de testament cinématographique, comme s’il avait enfin compris la recette miracle d’un cinéma social qui ne perd pas de vue son but d’information et d’indignation. Et si, finalement, la Palme d’Or obtenue par Moi, Daniel Blake desservait le film plus qu’autre chose ? C’est une question que l’on peut se poser car, à autant être mis en avant, ce long métrage a forcément été source de tensions pour certains qui ont alors davantage insisté sur ses défauts que sur ses qualités car, « se payer » une Palme d’Or, ça doit être assez jouissif pour certains. Cette œuvre doit rester à sa place : ce n’est pas un immense film de cinéma mais plutôt une très belle leçon de vie, bien filmée et justement interprétée. Et ça me satisfait déjà bien largement… Le jury a fait son choix et celui-ci est par essence discutable mais, de mon côté, c’est une décision que je peux tout à fait comprendre. 



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Fiz 01.11.2016, 21:37

Film social sincère et intéressant de Ken Loach mais hélas terriblement maladroit: on se retrouve devant un film manichéen et très démonstratif, trop larmoyant pour susciter des émotions. Pour moi, l'émotion ne fonctionne pas car tout est trop surligné (effet tire-larmes préjudiciable au film). C'est dommage car le propos était intéressant: Ken Loach dénonce les lourdeurs administratives d'un système déshumanisé qui laisse beaucoup de britanniques sur la touche...


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