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TimFaitSonCinema
Frédi vient de perdre sa mère mais celle-ci lui a transmis le don de guérir avec ses mains. Lui n’en veut pas car il a déjà suffisamment de mal à gérer sa vie comme cela. Mais le destin va le rattraper et il va devoir accepter ce que sa mère lui a donné.
Verdict:
Un film qui touche surtout par sa simplicité mais aussi par la manière dont il entraîne peu à peu le spectateur dans son univers. L’image est globalement très belle et Grégory Gadebois formidable. Marquant.
Coup de coeur:

Grégory Gadebois

La date de sortie du film:

25.09.2013

Ce film est réalisé par

François DUPEYRON

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Juste avant la sortie de ce film, François Dupeyron a jeté un (petit) pavé dans la mare en dénonçant de façon extrêmement virulente les producteurs qui sont, selon lui, inféodés aux télévisions qui financent actuellement en grande majorité le cinéma français . Il faut dire que ce long métrage a été extrêmement compliqué à monter pour lui puisqu’il a essayé de trouver de l’argent du côté des télés qui lui ont refusé. D’après lui, ça fait même maintenant dix ans que tout ce qu’il propose est recalé. Pourtant, en 2001, il avait connu un relatif succès public (500 000 entrées) mais, surtout, une belle reconnaissance critique avec son film La chambre des officiers. Je me souviens être allé le voir et avoir été assez marqué par ce film de guerre au regard un peu décalé et qui s’intéresse plus aux conséquences du conflit qu’aux batailles en elles-mêmes. Depuis, c’est un peu une longue traversée du désert pour Dupeyron qui, avec ses quelques films, ne fait pas beaucoup recette. Entre temps, il a été aussi assistant de Claude Berri pour le dernier film de ce dernier (Trésor). Il en a même repris le tournage après seulement quatre jours suite au décès de Berri. Mon âme par toi guérie marquerait donc le véritable retour de Dupeyron avec un casting vraiment intéressant : Grégory Gadebois (César du meilleur espoir masculin l’an dernier), Céline Salette (Prix Romy-Schneider qui récompense la meilleure jeune comédienne du pays, cette année) et Jean-Pierre Darroussin, l’un des vieux routiers et tête d’affiche principale du cinéma français. C’est vrai qu’avec ces acteurs, on se demande comment Dupeyron n’a pas réussi à trouver plus de soutien du côté des chaînes de télévision. Sans doute le sujet évoqué ne s’y prêtait pas forcément puisque, racontée de façon simple, l’histoire ne fait pas forcément se lever les foules. Mais il n’en reste pas moins que c’est vraiment un film qui mérite d’être vu et qui, finalement, marque bien plus qu’on ne peut le penser a priori.

Pour qualifier ce long métrage, le premier mot qui me vient à l’esprit est celui-ci : « envoutant ». Ça peut sembler à première vue un peu étrange mais j’ai vraiment eu le sentiment de me faire emmener peu à peu, sans forcément m’en rendre compte, dans l’univers proposé ici. Alors qu’au début, on peut trouver l’ensemble longuet, peu à peu, on se fait à ce rythme et on commence à rentrer véritablement dans l’histoire de cet homme. Quand on parle d’univers, ce n’est pas un monde parallèle (encore que) mais plutôt une manière de filmer des choses simples, avec un très grand soin apporté à l’image et à la lumière (le soleil perce toujours un peu et illumine certains plans), une importance donnée aux silences et aux dialogues d’une vraie simplicité. Dupeyron orchestre son film avec de très longs plans où les silences sont beaucoup plus parlants que les mots. Ce sont surtout les non-dits qui ont le plus de sens car ils montrent la grande difficulté à véritablement exprimer ses sentiments, notamment pour le personnage principal. Celui-ci est véritablement perdu mais va peu à peu se découvrir lui-même et voir ce qu’il peut faire de ce don incroyable qui lui a été légué et dont il ne veut pas au premier abord car cela lui fait voire trop de misère. C’est à la fois très sensible, parfois émouvant (comme ce dialogue avec la maman du petit dans le coma) mais aussi assez dur à certains moments. La deuxième partie du film, après sa rencontre avec Nina, est un peu différente et, personnellement, je la trouve moins réussie car moins « fine » dans son écriture et dans ce qu’elle montre. Elle permet tout de même de continuer à suivre l’évolution de Frédi, notamment par rapport à l’acceptation de son don.

Mon âme par toi guérie s’intéresse à une population qui me semble de plus en plus présente dans le cinéma (et notamment français) ces derniers temps : il s’agit des personnes un peu en marge de la société, qui vivent par exemple dans des bungalows à l’extérieur des villes. Dans Grand central, c’était déjà dans ce genre de décors où tout se passait. Là, autant que les personnes qui vivent dans ces endroits, ce sont les paysages qui sont « étudiés », notamment dans la manière dont ils se trouvent à l’écart de la ville centre et ses beaux quartiers (ici le bord de la Mer Méditerranée). Il suffit juste de voir la route empruntée pour arriver dans ce lieu (d’ailleurs, le film commence par cela et ce n’est pas un hasard). C’est un peu une France que l’on a sans doute tendance à oublier, parce qu’elle est plutôt silencieuse, mais à qui le cinéma est en train de redonner en quelque sorte ses lettres de noblesse en saluant une certaine forme de solidarité mais aussi une vraie humanité. Pour représenter cette « coupure » dans la société, c’est le symbole de la moto qui est choisi. Celle-ci est absolument indispensable pour passer d’un « monde à l’autre » et son usage est récurrent dans le film. Mon âme par toi guérie débute et termine d’ailleurs par de longs plans qui suivent Frédi sur sa bécane. Mais ces séquences sont très différentes tant dans le trajet effectué que par rapport à la personne qu’il emmène à la fin. C’est la marque ultime du changement que l’on a pu voir s’effectuer au cours du long métrage, par petites touches et par une succession de séquences intelligemment montées.

Grégory Gadebois continue son petit bonhomme de chemin dans le paysage cinématographique français avec ce film. Il est ici incroyable de présence mais, en même temps, malgré son physique imposant et sa stature plus qu’importante, il joue parfaitement sur la corde sensible de son personnage qui, finalement, est bien plus faible que ce que l’on pourrait penser quand on le voit. Perdu avec un don qu’il ne souhaite accepter et cherchant un vrai sens à sa vie, il ne va jamais complètement se livrer et reste toujours un peu en retrait. Et c’est là où l’acteur est vraiment très bon pour rendre tout ce qui peut bouleverser cet homme. On tient là l’un des favoris au César de meilleur acteur en février prochain… J’ai été un peu moins convaincu par Céline Sallette qui, dans un rôle pas évident car toujours à la limite, en fait un tout petit peu trop à mon goût. Darroussin, lui, est égal à lui-même dans un rôle (père désabusé et taiseux) qui lui convient parfaitement. Pour conclure, je peux dire que, personnellement, c’est vraiment le type de cinéma que j’aime bien. Ce n’est pas vraiment conventionnel et ça ne se veut pas non plus tout public mais on sent qu’il y a derrière vraiment quelque chose et une vraie patte de réalisateur. Celui-ci a de vraies convictions, une idée très claire du cinéma et il la fait transparaître à travers ce film. Alors, c’est sûr que ça ne peut pas plaire à tout le monde et que le public ne sera sans doute pas au rendez-vous (je vois même un bouillon assez terrible). Mais ce n’est pas grave, Dupeyron doit garder cet esprit et ce regard sur le monde qu’il fait passer à travers sa caméra. Après, c’est sûr que sans financements, ça va être compliqué de continuer à tourner. Visiblement, lassé de tous ses soucis, le réalisateur envisagerait de faire un break. Il nous laisse en tout cas une œuvre forte et marquante. C’est déjà ça…



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