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SAINT LAURENT

En 1967, Yves Saint Laurent est déjà bien installé dans le milieu de la mode et il est même une star à part entière. Pendant dix ans, on va le suivre, notamment dans sa vie privée, de sa relation de toujours avec Pierre Bergé à la rencontre avec Jacques de Bascher. Au cours de ces années, on comprend aussi ce que cela lui coûte d’être ce qu’il représente.
Verdict:

Même si tout n’est pas parfait dans ce long métrage (des longueurs, quelques scènes plus discutables), Bertrand Bonnelo a le mérite de réaliser un film qui a un vrai parti-pris narratif et une réelle identité esthétique, aussi bien visuelle que sonore. Gaspard Ulliel, lui, est un Saint Laurent assez formidable.

Coup de coeur:

L’ambiance sonore

La date de sortie du film:

24.09.2014

Ce film est réalisé par

Bertrand BONELLO

Ce film est tagué dans:

Biopic

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 La Critique


Si 2011 fut l’année Guerre des Boutons (les deux films étaient même sortis à une semaine d’intervalle : 1 et 2) – bien qu’il y ait quand même eu d’autres évènements plus intéressants au cinéma cette année-là – 2014 restera le millésime Saint Laurent. En effet, en dix mois, deux longs métrages sont sortis sur ce personnage très important de la mode. Et c’est assez amusant car on n’est pas dans une année particulière par rapport à sa vie (il est mort il y a seulement six ans, faut-il le rappeler) mais c’est plutôt que deux projets différents se sont montés presque en même temps, bien qu’ils soient très différents. D’abord parce que le premier, celui de Jalil Lespert, est en fait principalement le fruit de Pierre Bergé, le compagnon de toute la vie d’Yves Saint Laurent et celui qui a façonné en grande partie sa carrière. Cela faisait de ce long métrage quelque chose de presque un peu artificiel, mettant un voile pudique sur pas mal de tourments du personnage central et ne montrant pas vraiment ce que l’homme a apporté à la mode et même à la condition féminine. En fait, j’avais vraiment trouvé ce long métrage trop neutre, bien qu’interprété avec talent, notamment par Pierre Niney dans le rôle principal. Un peu comme si Jalil Lespert n’avait pas vraiment pu poser sa patte sur son œuvre. Voir Bertrand Bonello prendre en main ce second sujet avait par contre quelque chose de plus « excitant » car, pour le coup, lui est plutôt connu comme un réalisateur qui ne fait pas de compromis, autant dans les sujets qu’il aborde (souvent provocants) que dans une esthétique très recherchée et personelle. Son précédent film – L’Apollonide : Souvenirs de la maison close – en était d’ailleurs un parfait exemple même si, personnellement, je n’avais pas complètement adhéré. En s’intéressant à la vie de cette icône, je pressentais que ce ne serait pas un film « neutre ». De fait, il ne l’est pas et Saint Laurent est même un long métrage un peu fou, et cela à différents points de vue.

 

Avec Bonello aux manettes, on pouvait être à peu près certain que l’on ne serait pas dans le cadre classique du biopic, genre devenu de plus en plus important au cinéma ces dernières années (manque d’inspiration des scénaristes, sans doute), « écueil » que n’évitait pas Yves Saint Laurent (plus de vingt ans de la vie du personnage principal étaient contés, le tout de façon très chronologique). En s’adjoignant les services de l’un des scénaristes français les plus talentueux, Thomas Bidegain (Un prophète, De rouille et d’os, A perdre la raison), le metteur en scène voulait justement sortir du cadre habituel pour aller vers quelque chose de neuf et de différent. De fait, il y parvient en partie car on ne peut pas dire que Saint Laurent ressemble vraiment à l’idée que l’on se fait d’un biopic. D’ailleurs, on peut se demander si c’est vraiment un film sur l’homme ou, plutôt, sur ce qu’il est devenu (une marque, concept important pendant tout le long métrage), l’époque qu’il traverse, voire même, sur la création dans sa globalité. Peut-être le titre (qui élimine le prénom) est un indice intéressant. Ce long métrage nous en apprend en tout cas assez peu sur la vie de l’homme, par exemple dans sa relation avec Pierre Bergé ou dans son processus de création. S’il y a bien une histoire d’amour au cœur du scénario, entre Saint Laurent et de Bascher, elle sert plutôt à montrer en quoi elle peut être destructrice pour Yves Saint Laurent avec de nombreuses scènes d’orgies ou de beuveries et pas vraiment de séquences où l’on voit un réel amour. D’ailleurs, pendant tout le long métrage, on observera la face plus sombre du génial créateur, parfois de manière très rapide, comme dans cette scène terrible où il fait renvoyer une employée qui doit se faire avorter. Au final, on observe finalement très peu de moments qui apparaissent comme positifs dans les dix années de vie qui sont montrées ici.

 

D’ailleurs, en choisissant de ne s’intéresser qu’à dix années en particulier, et non à toutes celles qui lui ont permis de devenir une légende, le scénario montre bien sa volonté de ne pas exclusivement s’intéresser à l’homme mais plutôt à ce qu’il finit par représenter. Dans sa construction, Saint Laurent semble être divisé en deux parties qui sont en fait séparées par la première séquence du film qui se déroule en 1974 et que l’on retrouvera plus tard. La première moitié du film est ainsi assez classique car bâtie sur une trame purement chronologique. A partir du moment où l’on revient à cette séquence initiale, le long métrage prend une toute autre ampleur en devenant bien plus tortueux. Les sauts dans le futur (en fait, en 1999), les retours dans le passé, des épisodes fantasmés,… Tout cela se mélange pour donner un aspect à la fois assez étrange mais aussi très intéressant car on sort complètement de tous les codes que l’on connaît pour aller vers quelque chose de plus sensoriel et « mental ». Par contre, ce qui est une constante pendant tout Saint Laurent, c’est cette manière d’enchainer de façon parfois assez étonnante des séquences qui n’ont, a priori, pas grand-chose à voir ensemble, comme autant de vignettes qui permettent d’évoquer un point précis : on le voit dans son atelier en train de dessiner, puis dans une soirée un peu borderline… Certaines de ces séquences sont particulièrement longues, notamment dans les boîtes de nuit où Bonello prend visiblement plaisir à filmer les corps qui dansent. Alors, forcément, oui, il y a quelques longueurs car toutes ces scènes ne sont pas toujours utiles ou même réussies mais, là encore, c’est un choix de mise en scène assez intéressant qui se renforce encore dans la dernière partie du long métrage, parfois au risque de lui donner un petit côté embrouillé.

 

Mais ce qui marque surtout dans Saint Laurent, c’est le parti-pris esthétique très clair de Bonello qui fait de chacune de ses scènes une occasion de montrer qu’il maitrise le cadre, la lumière,… Tout ce qui fait un bon metteur en scène. En effet, un grand nombre de scènes sont magnifiques visuellement, avec une grande importance donnée aux miroirs (c’était visiblement quelque chose que Saint Laurent lui-même aimait beaucoup) où se reflètent les corps, tout en donnant une réelle profondeur. Certaines séquences sont même assez incroyables comme celle où l’on passe quelques années en split-screen avec, d’un côté, des images d’archive et, de l’autre, un défilé de mannequins qui montrent autant de tenues qui symbolisent chacune des collections du créateur pendant cette période ou encore la première rencontre de Saint Laurent avec de Bascher dans une boîte de nuit où la caméra effectue des aller-retours entre les deux hommes statiques alors que tout le monde danse. En ce sens, le long métrage est vraiment un film de mise en scène. Et ce qui m’a sans doute le plus marqué dans ce film, c’est l’ambiance sonore. A certains moments, la musique est même plus importante que ce que peuvent se dire des personnages que l’on n’entend presque plus. Et ce mélange entre rock des années 70, musique classique (du Bach notamment) et bande originale composée par le réalisateur lui-même fonctionne parfaitement. Du côté de l’interprétation, Gaspard Ulliel s’en sort vraiment très bien et la comparaison avec un Pierre Niney assez incroyable est largement soutenue. C’est plus dans les attitudes et notamment dans les regards que dans la voix que l’acteur fait passer beaucoup de choses. Face à lui, on a un Louis Garrel qui, à mon goût, en fait trop dans ce rôle de dandy séducteur qu’est Jacques de Bascher (en même temps, je n’aime pas cet acteur…). Pour tous les autres seconds rôles, ils sont tenus avec rigueur, même pour un Jérémie Rénier qui n’a pas la partie facile en interprétant un Pierre Bergé guère sympathique. Tout cela fait de ce Saint Laurent ce que je considère plutôt comme une réussite qui peut représenter fièrement la France aux prochains Oscars, puisque c’est le long métrage qui a été choisi.




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