La Critique
Film dont on parle depuis environ trois mois et sa razzia au dernier festival de Berlin (Ours d’Or du meilleur film et double Ours d’Argent d’interprétation), Une séparation me faisait un peu « peur ». Le côté « film iranien réalisé en période de trouble pour l’art en général dans ce pays » me faisait un peu m’interroger sur les profondes raisons qui poussaient l’immense majorité de la critique à encenser ce film. La critique ne récompensait-elle pas bien plus une geste artistique et, pour ainsi dire, presque politique (ce qui est tout à fait honorable, me direz-vous), plutôt que réellement un film ? Et à la fin du visionnage, j’ai eu même du mal à me faire une idée sur cette question pourtant assez simple. Car ce film est l’objet de plusieurs paradoxes.
De toute façon, à la base, j’ai un peu de mal avec le cinéma du Moyen-Orient. Il y a très peu de films israéliens, par exemple, qui me font vraiment vibrer (mis à part l’incroyable Valse avec Bachir). C’est le rythme qui me dérange le plus souvent. Il semble toujours y avoir une sorte de distorsion de la temporalité : l’action se déroule « lentement » à l’écran alors qu’on a l’impression que, dans la vraie vie, tout pourrait aller beaucoup plus vite. Ce n’est pas foncièrement embêtant mais on a vraiment envie de pousser le réalisateur à appuyer sur le bouton « vitesse réelle »… Là encore, pour Une séparation, de nombreuses scènes sont dans cette veine. Elles sont souvent belles, bien jouées, bien réalisées mais il manque toujours le petit quelque chose qui rend une séquence magnifique. Mais, à certains moments, il y a de vraies explosions où la parole s’emballe et où caméra et montage se font beaucoup plus vifs afin de suivre au mieux cette sorte de libération. Ces scènes sont particulièrement étonnantes car d’elles se dégagent une vraie force, tout à la fois brute mais pure du fait que tout soit très bien accompagné par le réalisateur.
C’est en fait surtout dans sa construction que ce film est assez captivant et impressionnant. Peu à peu, sans qu’il s’en aperçoive vraiment, le spectateur bascule du drame familial assez « banal » à une sorte de film policier tout à fait particulier avec un « meurtre » commis, une victime, un coupable, des accusateurs, des défenseurs, un juge… Bref, tout ce qui fait la base d’un bon thriller. Mais cette enquête, base « scénaristique » du film, n’est en fait qu’un prétexte pour le réalisateur pour parler de son pays (d’ailleurs, le titre du film n’évoque pas du tout cette question, encore que, en cherchant bien,…). Le film démarre (par une scène assez impressionnante formellement) et se clôt (de façons assez énigmatique et magnifique) sur l’histoire de ce couple qui se sépare dans une société complètement sclérosée, rongée de l’intérieur par ses principes religieux, sa lutte des classes et la bassesse de son administration… D’ailleurs, il est assez effarant de voir que ce film a pu passer entre les mailles de la censure terrible de ce pays… Car, de façon peut-être un peu détournée et en tout cas subtile, Asghar Farhadi en raconte beaucoup sur l’Iran, son pays. Et pas en bien du tout, c’est le moins que l’on puisse dire…