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TimFaitSonCinema
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SULLY

Le commandant Chesley Sullenberger est devenu une grande star quand, le 15 janvier 2009, il a réussi à poser son avion en détresse sur l’Hudson River avec plus de cent-cinquante passagers à bord. Derrière le fameux « Miracle sur l’Hudson » se cache aussi l’histoire d’une enquête menée ensuite qui a menacé très sérieusement la réputation de Sully.
Verdict:

Grâce à une construction très intelligente et une réalisation hyper maitrisée, Sully évite tous les pièges du biopic traditionnel et se trouve être un film d’une grande puissance. Le long métrage brasse même peut-être un peu trop de sujets dans un temps finalement très court. Tom Hanks, lui, est parfait dans le rôle titre.

Coup de coeur:

La construction d’ensemble

La date de sortie du film:

30.11.2016

Ce film est réalisé par

Clint EASTWOOD

Ce film est tagué dans:

Biopic

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 La Critique


Je dois bien l’avouer aujourd’hui, j’ai pu me faire un peu de souci pour Clint Eastwood il y a quelques années. En effet, après une série de films vraiment très impressionnants, je trouvais qu’il glissait sur une pente pas franchement rassurante au passage des années 2010 avec le décevant Au-delà, le trop confus J. Edgar et le franchement anecdotique Jersey Boys. Le bonhomme venait d’avoir quatre-vingt ans, une carrière longue comme le bras comme acteur, une bonne trentaine de longs métrages comme réalisateur (dont certains purs chefs d’œuvre) et je me disais que, d’une certaine façon, celui qui est sans doute la dernière légende vivante du grand Hollywood encore en activité, avait le droit de se retirer tranquillement, si l’inspiration n’était plus vraiment là. Je lui laissais même le droit de réaliser des films mineurs, et pas forcément dignes de son exceptionnel talent s’il en avait envie. American Sniper, l’an dernier, est venu nous rappeler qu’Eastwood en avait encore sous la semelle et qu’il fallait compter sur lui pour nous surprendre encore. Il est donc de retour cette année avec Sully, soit l’histoire d’un homme « banal » qui s’est retrouvé sous le feu de l’actualité à la suite d’une situation bien particulière et qui est devenu pendant quelques jours un véritable héros comme la société d’aujourd’hui aime bien en construire. C’est assez intéressant de noter que, depuis quelques films, Clint Eastwood semble de plus en plus s’attacher à une certaine vision de l’Amérique avec la réalisation de biopics. Il est en effet sur une série de longs métrages, qui, bien que très différents sur la forme, ont en commun de raconter une histoire vraie et de poser un certain regard sur les Etats-Unis, dans une dimension historique ou plus contemporaine. Sully confirme-t-il pour autant ce dont je n’avais vraiment douté, à savoir que Clint Eastwood est toujours capable de nous offrir de très bons films ?

 

La réponse est clairement positive tant ce nouveau long métrage frappe fort, sous des aspects d’apparente simplicité. Même si chacun sait l’admiration que j’ai pour ce réalisateur, que j’estime être celui qui m’a vraiment fait aimer le cinéma, j’essaie de rester le plus objectif possible en parlant des œuvres d’Eastwood. D’ailleurs, je n’ai pas hésité à dire quand j’ai trouvé ses précédents longs métrages moins convaincants. Mais là, j’ai franchement été séduit et je vais essayer de m’en expliquer du mieux possible… Il faut déjà commencer par noter que, avec American Sniper et son prochain film en préparation – American Odds sur une travailleuse humanitaire américaine prise en otage en 2011 –, Sully fait partie d’une sorte de triptyque sur les héros ordinaires américains, ceux que l’on ne connaît pas forcément mais qui ont une place de choix dans une certaine mythologie grâce à leurs actions. Et si Chris Kyle (le tireur d’élite du précédent long métrage) était une personnalité plus équivoque (qu’Eastwood parvenait d’ailleurs plutôt bien à cerner dans toutes ses ambigüités), on est avec Sully véritablement dans l’héroïsme le plus « pur », celui qui transforme un homme banal en une véritable personnalité en quelques secondes. Le personnage central dit lui-même qu’il a beau avoir eu une très longue carrière, celle-ci ne sera jugée que sur cet amerrissage assez incroyable. D’ailleurs, le scénario utilise un peu la même vision car il fait de cet instant le cœur du récit, autour duquel un grand nombre de problématiques vient se greffer. Si on peut considérer que Sully est un biopic, parce qu’il raconte une histoire vraie, on peut également dire qu’Eastwood montre là comment en faire un de façon vraiment intelligente. En effet, plutôt que de nous raconter la vie de Chesley Sullenberger, il ne s’intéresse finalement qu’à quelques jours de sa vie, ceux qui suivent le « Miracle sur l’Hudson ».

 

Ce qui m’a sans doute le plus étonné, mais qui donne aussi sa force au film, c’est sa construction scénaristique. On est en effet très loin d’être dans quelque chose de chronologique puisque le drame en lui-même est véritablement enchâssé au cœur du récit des quelques jours suivants, qui voient Sully et son copilote face à une enquête tentant de prouver qu’ils ont en fait commis une grave erreur en amerrissant. C’est évidemment ce que l’on « attend » et la manière dont on va la revivre plusieurs fois, selon différents points de vue, ajoute à son côté spectaculaire et intense. La version « principale », au cœur du film, est un modèle du genre, tant la réalisation est maitrisée à la perfection, et fait monter peu à peu une tension incroyable, bien qu’on connaisse le dénouement. On a également droit à des épisodes rêvés ou fantasmés (notamment au début) qui viennent se rajouter pour donner au film un rythme vraiment particulier. Et ce qui est sans doute encore plus impressionnant, c’est la façon dont, par moments, le scénario devient presque un peu fou en dérivant vers des points de vue différents, sans que l’on s’y attende vraiment. On voit ainsi tous les corps de métier qui ont été mis en branle lors de cet épisode vraiment spectaculaire, du contrôle aérien à la police fluviale. En ce sens, Sully est autant un film sur ce pilote que sur l’Amérique dans sa globalité, dans la manière qu’elle a de faire face à une catastrophe de ce type et de se retrouver autour de victimes. Sur le scénario en lui-même, peut-être peut-on regretter que les flashbacks sur le passé soient amenés de manière un peu trop téléphonée et n’apportent finalement pas grand-chose. Finalement, d’un épisode d’à peine deux minutes, Clint Eastwood parvient à faire un long métrage d’un peu plus d’une heure et demi qui se tient parfaitement et qui pourrait même avoir le défaut de proposer trop de pistes.

 

En effet, si la problématique de l’héroïsme se trouve évidemment au cœur du scénario, Sully a le mérite de soulever de nombreux autres enjeux qui paraissent annexes mais qui disent aussi de nombreuses choses sur le monde d’aujourd’hui. C’est par exemple le cas du rôle de la presse, qui se précipite sur ce personnage hors-norme sans le laisser respirer mais que Sully est obligé de contenter également avec des interviews pas évidentes pour lui qui n’y est pas préparé. La question du lien familial, que le pilote ne peut tenir ici que grâce au téléphone puisqu’il est assigné à son hôtel le long de l’enquête, trouve également sa place. Dans les deux cas, ces sujets intéressants sont évoqués mais pas vraiment examinés en profondeur. La problématique de l’héroïsme ordinaire est elle traitée à la fois par rapport à la personne (scène révélatrice dans un bar) mais aussi en tant que pilote puisqu’il doit se défendre contre une bureaucratie qui veut absolument mettre à mal sa version. On est donc dans des thèmes assez proches du Flight de Zemeckis mais traités de façon très différente, notamment parce que Sully n’est pas un personnage de fiction et qu’il n’a pas vraiment de côté romanesque. Mais ce qui m’a sans doute le plus marqué, c’est la façon dont ce long-métrage est peut-être le premier depuis plus de quinze ans à aussi bien exorciser les peurs du 11 Septembre. En effet, c’est toujours en toile de fond et les premières minutes du film qui rappellent ce drame ne peuvent pas être un hasard. En montrant ici une issue positive, où les valeurs de courage, et de solidarité  prennent le dessus, c’est une façon pour Eastwood de conjurer le sort à sa manière. Dans un rôle principal qui lui va comme un gant, Tom Hanks est excellent, accompagné par un Aaron Eckhart qui ajoute une petite touche de fun pas déplaisante et la dernière réplique, géniale, est pour lui. Avec Sully, Eastwood montre une nouvelle fois qu’en plus d’être un metteur en scène de génie, il est finalement bien plus complexe et intelligent dans son cinéma que dans son engagement politique…



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Fiz 10.12.2016, 22:58

Oui ce film est clairement un bon "Clint Eastwood". Cette réussite tient en particulier à 3 choses:
- la construction très prenante du récit, centrée sur le ressenti du pilote pendant les heures qui ont suivi l’amerrissage sur l'Hudson (le passage du statut de héros à sa remise en question...)
- Tom Hanks qui est décidément l'un des très grands acteurs du cinéma américain actuel: il porte le film jusqu'au bout en réussissant parfaitement à faire passer les émotions de son personnage à l'écran.
- le message du film qui redonne de l'importance au facteur humain face à la bureaucratie déshumanisée de la commission d'enquête et ses simulations invraisemblables...


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