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TimFaitSonCinema
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CHEZ NOUS

Pauline est infirmière à domicile dans une petite ville du Nord de la France. Elle s’occupe seule de ses enfants et de son père, gravement malade après avoir été ouvrier pendant trente ans. Le médecin de la ville va alors lui proposer d’être candidate en tant que tête de liste à la mairie de sa commune, sur une liste dont la figure principale est Agnès Dorgelle, dirigeante du grand parti d’extrême droite du pays.
Verdict:

Avec Chez nous, Lucas Belvaux livre un film clairement engagé. S’il pêche par moments par un scénario pas toujours assez fin et des personnages qui manquent un peu de nuances, ce long métrage a le très grand mérite de s’interroger frontalement à la mécanique d’un parti et aux ressorts qui font que l’on peut y adhérer. C’en est même sacrément troublant par moments.

Coup de coeur:

Emilie Dequenne

La date de sortie du film:

22.02.2017

Ce film est réalisé par

Lucas BELVAUX

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


On peut dire que, à sa manière, le réalisateur belge Lucas Belvaux s’inscrit parfaitement dans l’idée que l’on se fait du Septième Art venant du plat pays, à savoir un cinéma social, parfois dur et en tout cas engagé. Bien que ne ressemblant pas aux longs métrages presque naturalistes des figures de proues belges (les frères Dardenne), ses derniers films s’inscrivaient très clairement dans une réflexion sur la société. Que ce soit à travers le thriller (Rapt), le drame (38 témoins) et même la comédie romantique (Pas son genre), son cinéma cherche à aller plus loin que simplement raconter une histoire mais essaie aussi de l’inscrire dans des débats plus larges. En ce sens, son œuvre n’est jamais neutre. Pour son nouveau long métrage, il va même encore plus loin puisqu’il signe une fiction politique, genre finalement très peu proposé dans le cinéma français, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas les choses à moitié. En effet, bien que tout soit fictionnel, les liens avec la réalité sont si évidents qu’ils ne peuvent être éludés. Le Rassemblement National Populaire du film fait évidemment référence au Front National, avec une femme à sa tête, un père encombrant et une politique de dédiabolisation entreprise pour rassurer l’électeur potentiel. De même, la ville de Hiénard est clairement une « réplique » de Hénin-Beaumont, cité dont Marine Le Pen fut conseillère municipale et dont le maire est aujourd’hui un élu du Front National. D’ailleurs, à quelques semaines de l’élection présidentielle, cette œuvre a beaucoup fait parler d’elle, notamment parce que des élus du Front National l’ont critiqué, en se basant uniquement sur la bande-annonce (ce qui est toujours étrange). La « bataille » se poursuit maintenant sur les sites qui agrègent des commentaires où les remarques négatives (souvent sans argument) sont trop nombreuses pour que ce soit uniquement le fruit du hasard. Chez nous doit-il pour autant être réduit à son aspect politique et à ces polémiques ?

 

Forcément, il est très compliqué de regarder et de juger ce long métrage en occultant complètement sa portée politique. D’ailleurs, d’un strict point de vue cinématographique, il n’y a pas forcément grand-chose à redire. La mise en scène est posée, les effets réduits à leur minimum et il n’y a rien d’inventif ou d’extraordinaire. C’est comme si tout était exclusivement tourné vers le propos que le réalisateur véhicule avec son film. Nous allons justement nous y intéresser. De façon très nette, Lucas Belvaux choisit son camp et il n’est guère étonnant de le voir s’attaquer aux façons de faire du Front National. Car, bien plus que sur les idées véhiculées par ce parti, le scénario s’appuie plutôt sur la manière dont cette formation politique peut finir par convaincre des personnes qui, a priori, n’y auraient pas adhéré et, donc d’une certaine manière sur la banalisation d’un extrême. Là où c’est vraiment intéressant, c’est que le film montre réellement le côté cynique d’un parti qui joue sur les peurs des citoyens en crachant sur les élites mais qui ne compte finalement pas sur les « petites gens » qu’il entend défendre pour mener sa politique mais plutôt sur des élites parisiennes qui œuvrent dans l’ombre, derrière des têtes de liste que l’on recrute pour être le plus ressemblant au terrain électoral. Chez nous est également révélateur de la façon dont, peu à peu, sans forcément s’en rendre compte, une personne dévie peu à peu pour adhérer à un discours où les phrases toutes faites et les raccourcis sont légions, alors que, dans sa pratique quotidienne de la vie, elle est très loin des idées qu’elle défend. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si tous les adhérents ont droit à un « cours de campagne électorale » où on leur explique ce qu’il faut dire ou ne pas dire, discours assez éloigné de ce qui se cache réellement derrière, avec une parole qui se libère, parfois à l’extrême. Evidemment, on peut penser que c’est caricatural, même si, personnellement, je pense que tous les mécanismes montrés existent et sont à l’œuvre aujourd’hui.

 

Le problème principal qui se pose avec Chez nous, c’est que dans son souci de montrer toutes les facettes de ce parti, Lucas Belvaux finit par multiplier les personnages et l’histoire perd malheureusement en force. Si le personnage de Stéphane, interprété avec talent par Guillaume Gouix (mélange désarmant de charme et de violence), n’est pas inintéressant sur le principe, son apparition dans le film, à travers une liaison avec Pauline, semble bien peu crédible et conduit à des situations téléphonées et, parfois, un peu trop manichéennes. D’ailleurs, dans l’ensemble, le scénario manque de finesse et on voit venir beaucoup de choses à l’avance avec des ficelles un peu grossières (la fin est assez terrible à ce titre). On a parfois le sentiment que Lucas Belvaux est presque dépassé par sa fougue et qu’il ne parvient pas à tout maitriser. Au niveau de l’interprétation, Emilie Dequenne est parfaite, parvenant à faire de son personnage une sorte d’héroïne du quotidien attachante que le spectateur ne veut pas juger, même quand elle partira dans certaines dérives. Et si André Dussolier est glaçant à souhait dans ce rôle de notable qui tire les ficelles, j’ai été bien moins convaincu par Catherine Jacob en chef de parti. Pour finir, je ne pense pas que Chez nous aura un grand impact sur la campagne présidentielle. D’abord parce que le nombre de spectateurs en salle ne devrait pas être énorme et ensuite parce qu’il ne fera que renforcer les électeurs dans leur choix de vote. Ceux qui souhaitaient mettre un bulletin Front National dans l’urne verront dans ce long métrage quelque chose de caricatural et à charge. Les autres seront confortés dans leur idée que ce parti est dangereux à tous les niveaux. Et autant le dire pour que les choses soient claires, je fais partie de ces autres… Le geste ne sert peut-être pas à grand-chose et n’est sans doute pas parfait mais il a tout de même le mérite d’exister. Et, rien que pour cela, Lucas Belvaux doit être félicité.



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Fiz 28.02.2017, 20:22

Comme toi je fais aussi partie de ces autres ne votant pas FN, mais je pense que ce film aurait pu être bien meilleur si Lucas Belvaux n’avait pas été aussi manichéen dans la deuxième partie de son film.
La première partie est très bien : on a affaire à un film qui s’intéresse au recrutement du FN au plan local, dans le Nord de la France, en vue des élections municipales. Le film est alors très intéressant sur l’instrumentalisation et la manipulation d’une personne à des fins électorales, mais aussi sur le changement de stratégie du parti ("On change de stratégie mais pas d’objectif"). De plus, les 2 rôles principaux interprétés par Emilie Dequenne et André Dussolier sont excellents (alors que les personnages secondaires sont plutôt caricaturaux, notamment Catherine Jacob et Guillaume Gouix). En toile de fond, de belles images des terres du Nord et des villes aux maisons en briques rouges mettent toute de suite bien dans l’ambiance de cette région.
Mais la seconde partie gâche un peu l’ensemble : le film devient alors manichéen dans la façon de dépeindre ce parti dont c’est exclusivement le cynisme qui est mis en avant. Un cynisme qui se décline en 3 points : cynisme dans la façon de considérer les électeurs, cynisme à l’égard de sa propre tête de liste aux élections municipales et cynisme dans le regard porté sur les faits divers tragiques qui pourraient "jouer" en leur faveur. Par ailleurs, Lucas Belvaux noircit bien le tableau en ajoutant la présence d’un groupuscule néo-nazi paramilitaire (le "Bloc Identitaire") dans l’entourage du FN (le "Rassemblement National Populaire").
En résumé, le propos du film est intéressant mais pas toujours très nuancé...


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