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SANGLIERS D’AURÉLIEN DELSAUX

 L'Article


Aurélien Delsaux

Les Feuges est un petit hameau situé en Isère, entre Lyon et Grenoble, sorte d’exemple parfait d’un nouvel espace périurbain, où les lotissements sont remplis d’une population venue chercher des loyers moins chers et une vie à la campagne et où les commerces et les traditions se meurent petit à petit. Pendant plusieurs années, on va suivre l’évolution de plusieurs personnes vivant dans un espace en profonde mutation.

Mon papa ayant entendu que ce livre se déroulait dans une commune (fictive, autant le dire d’entrée de jeu)  de l’Isère, pas si loin de là où j’habite, et qu’il avait été plutôt bien reçu par la critique, il a décidé de me l’offrir. Bien lui en a pris car si j’ai mis du temps à rentrer dedans (j’ai du mal à savoir si c’est le livre en lui-même ou bien tout ce qui se passait dans ma vie personnelle quand je l’ai commencé), c’est vraiment le genre d’œuvre qui finit par prendre le lecteur et à ne plus le lâcher. Il faut se faire au départ à un rythme assez singulier, qui passe d’un personnage à un autre, entrecoupé d’histoires ou de légendes du coin. On ne comprend pas toujours tout dans les cent premières pages car tout est fait pour que l’on rentre dans ce village, et les familles qui l’habitent comme un observateur qui ne saurait presque rien de ce qui s’y trame. Assez vite, on va comprendre tous les enjeux qui se trament, autour du seul bistrot du coin ou encore avec le Chef, cet homme répugnant mais respecté.

 

La galerie de personnages est fournie, et on peut regretter que certains soient un peu trop caricaturaux par moments et que d’autres soient oubliés en cours de route, mais cette dimension de fresque est quand même assez impressionnante puisque les générations se croisent et se mélangent.  Le tout avec une écriture souvent poétique. Sangliers est aussi à sa façon un livre éminemment politique, qui, à sa façon, parle de la France rurale d’aujourd’hui, entre déshérence des commerces, périurbanisation et montée du Front National. A beaucoup de points de vue, cet ouvrage rejoint les thèses développées par le géographe Christophe Guilluy. Il le fait avec poésie, avec ses excès littéraires, mais avec une certaine justesse de mon point de vue. En tout cas, c’est un livre qui pose des questions et c’e n’est pas le moindre de son intérêt.

« La condamnation de cette grande force fébrile, ce regard suppliant dans ces yeux furieux le bouleversaient. Les chiens grognaient derrière l’animal, à moins d’un mètre de ses pattes, prêts à bondir, à l’attaquer : le sanglier tremblait devant l’eau, remuant inutilement de son museau la vase, grattant furieusement la boue de ses sabots. Soudain il se retourna, chargeant à travers les dogues – mais la balle de Germain l’atteignit au poitrail. Il tomba raide sur le côté.  »

Aurélien Delsaux nous offre là une œuvre puissante, qui ressemble presque à une sorte de tragédie grecque tant on sent peu à peu le malheur qui arrive. C’est à la fois poétique à certains moments, très durs à d’autres et ça a le mérite d’interroger le lecteur, surtout quand il habite dans ce genre de territoire. On peut reprocher à l’ensemble un côté parfois un peu trop foisonnant mais l’auteur a le mérite de s’en tenir à son ambition de départ : nous faire la fresque de ce village, dans tout ce qu’il peut avoir de beau (un peu) et de terrible (surtout) à la fois. Une jolie découverte.

 

Sangliers



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jct 26.01.2018, 18:00

voilà qui donne envie de lire ce bouquin... Je te l'ai offert, je vais en profiter ! Merci et bravo pour la chronique. Tim n'a pas tout à fait fini de faire son cinéma et c'est tant mieux.


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