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SUKKWAN ISLAND DE DAVID VANN

 L'Article


David Vann

Un père part avec son fils de treize dans une cabane située sur une île déserte pour une durée d’un an. Il pense que cela va leur permettre de renouer des liens quelque peu compliqués par le temps. Mais les choses ne se passent pas comme prévu, et peu à peu, la relation entre le père et le fils va se dégrader. Jusqu’à ce que l’irréparable se produise…

Il y a un vrai problème pour écrire sur ce livre : c’est vraiment dur d’expliquer la force de ce roman sans en dévoiler les rouages principaux, ce qu’il ne faut évidemment pas faire. Mais je vais essayer de m’atteler à cette tâche. Il y a deux trois choses à dire sur le livre avant de commencer à vraiment en parler. La première est qu’aux Etats-Unis, Sukkwan Island n’a jamais été publié sous cette forme. Après de longues années où le manuscrit a été refusé par toutes les maisons d’édition américaines, David Vann a réussi à publier un recueil de nouvelles dont le livre qui nous intéresse ici est tiré. En France, le choix a été fait de ne publier que cette nouvelle (180 pages tout de même…). La deuxième est qu’on se rend compte qu’en fait, Sukkwan Island est une suite du deuxième livre de l’auteur, Désolations. C’est assez étrange mais c’est ainsi… Néanmoins, cela a assez peu d’influence sur l’histoire et sur le livre dans son ensemble.

J’avais lu Sukkwan Island juste après sa sortie, il y a donc plus d’un an et je me souviens l’avoir dévoré en trois heures, sans pouvoir le lâcher. La deuxième lecture est tout aussi prenante. Il faut dire que ce roman a un vrai pouvoir d’attraction, que l’on pourrait presque qualifier de malsain. On suit la descente aux enfers d’un père et son fils, sans pouvoir rien faire, alors qu’on aurait envie d’aller sur cette île pour leur (enfin surtout au père) remettre les idées en place. On n’arrive pas à arrêter la lecture alors que, pourtant, il ne se passe pas grand-chose du point de vue de l’action. L’histoire est très simple mais Sukkwan Island est surtout un roman sur la psychologie des personnages et la façon dont ils sombrent peu à peu.

L’histoire se situant en plein cœur de l’Alaska, on retrouve le même type d’ambiance qu’apprécie tant l’auteur. Le monde est froid, la nature est omniprésente et semble constituer le troisième personnage principal du roman. Tout cela, combiné au désespoir du récit dans son ensemble, donne un livre d’une noirceur sans fin, qui met souvent mal à l’aise par rapport à une situation inexorable. Le style de l’auteur est en parfaite adéquation avec ce qui se passe, d’abord dans cette écriture à deux voix, d’abord avec le point de vue du fils dans la première partie, puis celle du père dans la deuxième, mais aussi et surtout dans la façon d’écrire. Il y a une grande pureté dans chacune de ses phrases, rien n’est laissé au hasard puisque chaque phrase a son importance. En très peu de mots, David Vann arrive à sonder ses personnages et exprimer leurs sentiments (qui vont de l’espoir à la détresse la plus noire).

Forcément, quand on lit ce roman, on ne peut pas s’empêcher de penser au formidable La Route de Cormac McCarthy (que je recommence à lire pour la quatrième fois). Tout ou presque dans les deux livres est basé sur la relation entre un père et son fils. Le style, lui-aussi, peut paraître assez ressemblant même si McCarthy est plus lyrique là où Vann est plus naturaliste. Ces deux romans ont des points communs (dont une forme de détresse dans le propos) mais ils restent très différents dans leur manière de traiter cette relation centrale qu’est celle entre un père et son fils. Ce sont en tout cas deux romans exceptionnels qui méritent une lecture !

« Ils n’avaient plus rien à présent et, tandis qu’il tournait la tête et regardait l’appareil effectuer un petit cercle derrière lui, grincer avec violence et décoller dans une gerbe d’eau, il sentit à quel point le temps allait être long, comme s’il était fait d’air et pouvait se comprimer et s’arrêter. »


Un premier roman assez incroyable, qui peut se lire d’une traite tant il est prenant. C’est aussi un livre qui met très mal à l’aise, par rapport à cette relation qui se dégrade peu à peu entre un père et son fils. Il y a une parfaite adéquation entre fond et forme, ce qui est toujours appréciable. Mais, là-encore, à lire avec le moral…

Sukkwan Island




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