L'Article
Parce que 2014 est une saison où les déceptions sont nombreuses, il faut revenir sur les trois moins bons matchs de Federer lors de cette année et aussi sur les trois moments qui m’ont le plus frustré, car, sans ces défaites, la saison aurait pu devenir tout simplement exceptionnelle.
Le flop 3 des moins bons matchs
Contre Jo Wilfried Tsonga à Toronto - le 10 août (défaite 5-7/6-7)
Le contexte
C’est le premier gros tournoi de la tournée américaine et aussi le premier pour Federer depuis qu’il a perdu la finale de Wimbledon. Cela fait donc un mois qu’il n’a pas joué (comme la plupart des meilleurs joueurs d’ailleurs) et les premiers tours lui ont permis de se chauffer avec un match très facile contre le local Polansky puis un beaucoup plus dur contre Cilic gagné en trois sets. Ensuite, il a droit à un petit tour d’Espagne avec une victoire face à Ferrer en quarts puis face à Lopez en demi. Le voilà donc en finale (sa septième de l’année) face à un Jo-Wilfried Tsonga qui s’était un peu fait oublier jusque là mais qui vient de dégommer coup sur coup Djokovic, Murray et Dimitrov.
Le match
Si on peut dire que Tsonga fait un bon match, c’est surtout la performance de Federer ce soir-là qui est assez désolante et le voir perdre en deux sets serrés est déjà assez impressionnant tant il ne semble pas à l’aise du tout sur le court. Pas rapide, avec des coups qui ne partent pas vraiment, il offre son mauvais visage, celui qui rappelle bien trop des matchs de l’année précédente. Avec sa cinquième défaite en finale, Federer ne semble pas revenir au mieux dans la saison, même si, du point de vue comptable, ça reste un résultat encourageant…
L’effet
Alors que l’on peut penser qu’il fera l’impasse sur le Masters 1000 qui suit directement (à Cincinnati), Federer décide d’enchaîner et réussira cette fois-ci à aller au bout, en battant notamment David Ferrer en finale (au cours du match sans doute le plus étrange de l'année puisque les trois sets joués sont à sens unique : 6-3/1-6/6-2). Finalement, cette défaite face à Tsonga n’aura pas trop pesé sur le mental du Suisse et ce qu’elle démontrait comme déficit physique n’était en fait sans doute qu’un "jour sans", comme il en arrive parfois…
Federer est totalement dépité pendant son match face à Tsonga.
Contre Gaël Monfils en finale de Coupe Davis - le 21 novembre (défaite 1-6/3-6/4-6)
Le contexte
Cinq jours avant, Federer a déclaré forfait pour la finale du Masters à cause de douleurs au dos. Les jours suivants ont été source de questionnements multiples sur l'impact de la blessure de Federer et sur sa capacité à être sur le court le vendredi, jour du premier match de la finale de la Coupe Davis. Le mercredi soir, vingt minutes d’entraînement à (très) faible intensité n’ont pas beaucoup rassuré tant le Suisse semble tout raide. Les images de jeudi sont un peu plus rassurantes mais pas de quoi non plus sauter au plafond, surtout quand on apprend que c’est Gaël Monfils qui lui fera face. Celui-ci a livré un gros match face à lui un peu plus de deux mois auparavant (défaite en cinq sets à l’US Open après avoir pourtant eu deux balles de match). Heureusement que Stan Wawrinka a réussi à mettre la Suisse à 1-0, ce qui enlève un peu de pression à Federer…
Le match
D’entrée de jeu, on sent que ça ne va pas être facile pour un Federer qui, de façon assez claire, n’est pas à son maximum physiquement. Il ne fait pas toutes les courses à fond, met finalement assez peu d’intensité et finit par se faire déborder par un Gaël Monfils qui, lui, pour le coup, est au top de sa forme. Jamais pendant le match, on sentira une vraie capacité de révolte chez le Suisse, même si, au fur et à mesure que le match avance, on sent que ça va un tout petit peu mieux physiquement (et, en face, Monfils arrête de mettre des parpaings dans tous les coins, ce qui aide aussi). Trois tout petits sets (première fois qu'il perd sur ce score en Coupe Davis...) et une sortie du court qui peut inquiéter tout fan du Suisse tant celui-ci semble touché, peut-être plus moralement que physiquement.
L’effet
Deux jours plus tard, les inquiétudes légitimes que j’avais pu avoir semblent bien dérisoires puisque Federer vient de donner la victoire à la Suisse avec une victoire face à Gasquet en simple après avoir disputé (et remporté brillamment) le double avec Wawrinka la veille. Rétrospectivement, il apparaît donc que ce match face à Monfils était plutôt un « entraînement grandeur nature » pour un Federer qui n’avait pas vraiment pu taper la balle en condition de jeu réel depuis une semaine. Dire les choses comme cela semblent un peu hallucinantes (on parle d’une finale de Coupe Davis) mais il s’avère que ce fût un choix très payant car, débarrassé de ses appréhensions, Federer est peu à peu monté en température au cours du week-end, pour finir par un récital dans le match décisif.
A sa sortir du court, Federer n'a pas vraiment l'air au top... Et c'est même Wawrinka qui porte son sac !
Contre Joao Sousa à Halle - le 12 juin (victoire 6-7/6-4/6-2)
Le contexte
Alors qu’il sort d’une défaite assez compliquée à gérer face à Gulbis en huitièmes de finale à Roland Garros, Federer se rend dans son jardin, le tournoi de Halle, qu’il a déjà remporté à six reprises et où l’une des allées porte son nom. C’est aussi le retour sur sa surface fétiche, le gazon, où son pourcentage de victoires est tout simplement lunaire. Face à lui, Joao Sousa, un honnête joueur qui a pris un peu d’ampleur en cette année 2014 et qui connaît une progression pas inintéressante. Ce match sur gazon reste néanmoins le deuxième de sa carrière sur le circuit principal, le premier étant la victoire au tour précédent…
Le match
Face à un joueur qui n’a presque aucune expérience de cette surface spécifique, Federer montre clairement qu’il est lui aussi en période d’adaptation. Son premier set ne ressemble vraiment pas à grand-chose avec de nombreuses fautes, un jeu de jambes absent et il finit par se conclure de la seule manière possible : une défaite dans le tie-break. Ensuite, Federer reprendra un peu du poil de la bête et, s’appuyant sur un excellent premier service, finira par s’en sortir, mais que ce fut laborieux, surtout face à un joueur qui ne connaissait (presque) pas la surface.
L’effet
Cette mise en route très difficile sera tout de même profitable pour Federer qui bénéficiera d’un forfait juste après pour rejoindre les demi-finales où une victoire face à Nishikori lui permettra de jouer une nouvelle finale à Halle, remportée en deux tie-breaks face à Falla (là encore, pas le meilleur match de l'année...). La suite à Wimbledon montrera que, définitivement, il s’était bien adapté au gazon. Ce match contre Sousa, remporté malgré un niveau de jeu parfois indigent, ne restera donc qu’une toute petite péripétie dans la saison.
Après coup, il peut rigoler, mais sur le court, c'était quand même beaucoup moins folichon...
Le flop 3 des frustrations
Contre Marin Cilic à l'US Open - le 6 septembre (défaite 3-6/4-6/4-6)
Le contexte
Federer sort d’une tournée convaincante en Amérique du Nord (Finale à Toronto, victoire à Cincinnati) et même s’il a bataillé cinq sets face à Gaël Monfils au tour précédent, il semble particulièrement en forme au moment d’aborder sa demi-finale face à un joueur qui connaît ce niveau en Grand Chelem pour la première fois et qui n'a jamais remporté un match face au Maître. Honnêtement, personne ne voit trop comment on pourrait éviter un affrontement final entre Djokovic et Federer. Et, pourtant, juste avant, sur le même court, une surprise énorme se déroule puisque le Japonais Nishikori sort Djokovic avec une certaine autorité. Au moment de la balle du match, la première pensée qui me traverse l’esprit est la suivante : le dix-huitième Grand Chelem n’a jamais été aussi près et, lundi soir, on va pouvoir faire la fête !
Le match
Mais, malheureusement, je déchante assez vite car jamais Federer ne parviendra à vraiment entrer dans sa propre demi-finale face à un Marin Cilic qui, lui, au lieu d’être tendu comme on aurait pu l'imaginer, est complètement relâché et va sortir un match fou avec un service de plomb, des coups gagnants en veux tu, en voilà et une solidité que l’on ne voyait vraiment pas venir. 28 minutes de jeu et déjà un set dans la poche, puis un break d’entrée dans un deuxième set où Federer ne peut absolument rien faire derrière le service adverse. Un break en début de troisième manche nous fait croire à un réveil du Suisse mais le débreak immédiat nous ramène à une triste réalité : ce jour-là, Cilic est beaucoup trop fort pour être battu. Et son dernier jeu est encore là pour le prouver : trois aces et un coup droit gagnant : cinq coups de raquettes... Merci, au revoir…
Pourquoi le regretter ?
Ce match marque un coup d’arrêt assez terrible pour Federer qui pouvait vraiment entrevoir un nouveau sacre en Grand Chelem. C’est en plus la première fois de sa carrière que le Suisse perd en demi-finale contre quelqu’un qui n’est pas dans les quatre premiers mondiaux. Bref, c’est une désillusion même si, sur le match, il n’y a pas grand-chose à redire tant le Croate était au-dessus. D’ailleurs, il fera le même festival deux jours plus tard pour l’emporter face à Nishikori et devenir l’un des plus improbables vainqueurs de Grand Chelem des vingt dernières années (avec Kuerten à Roland Garros en 1997, Johansson à l'Open d'Australie en 2002 ou Gaudio à Roland Garros en 2004). Pour Federer, une telle occasion ne se représentera sans doute plus si souvent…
Plus désabusé que ça, tu meurs...
Contre Novak Djokovic à Wimbledon - le 6 juillet (défaite 7-6/4-6/6-7/7-5/4-6)
Le contexte
Un tournoi de Wimbledon plutôt tranquille pour Federer qui n’a perdu qu’un seul set (face à Wawrinka) pour rejoindre la finale et qui semble au sommet de sa forme avec une réelle volonté de toujours aller vers l’avant et une palette de coups toujours plus étoffée. La finale face à Djokovic s’annonce donc comme un choc relativement indécis, d’autant que le Serbe a quand même pas mal souffert pour atteindre ce stade de la compétition et qu’il ne semble pas forcément au mieux. Au jeu des pronostics, le Suisse semble même légèrement devant. Mais on sait de quoi est capable Djokovic…
Le match
Si cette partie s’annonçait indécise avant son commencement, ce qui va se passer pendant presque quatre heures va en être la preuve puisque les joueurs se rendent coup pour coup, avec des sets toujours extrêmement serrés (notamment un tie-break remporté par chacun), un niveau de jeu parfois exceptionnel et une dramaturgie absolument dingue (d’ailleurs, ce match offrira un très grand moment, que je vous laisserai découvrir demain). Finalement, Federer finira par s’incliner en toute fin de match, sans doute un peu juste physiquement. Mais que la bataille fut belle.
Pourquoi le regretter ?
Longtemps, on repensera à cette balle de break obtenue à 3-3 service Djokovic. Sauvée avec beaucoup de maitrise par le Serbe, elle restera quand même un moment clé de cette saison car on ne sait pas ce qui aurait pu se passer si le Suisse l’avait convertie : un dix-huitième titre en Grand Chelem ? La première place mondiale en fin de saison ? Bref, autant de possibles auquel il ne vaut mieux pas penser car ça peut vite donner beaucoup de regrets. Federer se retrouvera-t-il encore un jour aussi près de gagner un Grand Chelem ? Personnellement, j’y crois même si j’ai bien conscience que ça devient de plus en plus compliqué physiquement… Mais Federer nous a appris à ne jamais dire jamais…
Federer aura tout tenté pour battre Djokovic, même de l'impressionner au changement de côté...
Contre Stan Wawrinka à Monte Carlo - le 20 avril (défaite 6-4/6-7/2-6)
Le contexte
Contre toute attente, Federer s’est inscrit en dernière minute à Monte Carlo, tournoi qui, habituellement, ne lui réussit pas vraiment et qui fait partie des trois seuls Masters 1000 (avec Rome et Shanghai) qu’il n’a jamais réussi à remporter. Cela s’explique par la naissance future de ses enfants qui lui fera rater le tournoi de Madrid. Et, pour ce premier tournoi sur terre battue en Europe, il va réussir à se frayer un chemin en éliminant facilement Stepanek puis Rosol, en frôlant la correctionnelle face à Tsonga puis en déroulant en demi face à un Djokovic visiblement diminué. Le voilà donc en finale « chez Rafa Nadal » qui, lui, a été éliminé à la surprise générale en quarts de finale par David Ferrer. Et la finale se jouera face à son compatriote Wawrinka, pour une grande première à ce stade de la compétition dans un tournoi de cette envergure.
Le match
Federer prend plutôt la partie par le bon bout et, en face, Wawrinka semble assez tendu. Résultat, une première manche qui ne restera pas dans les annales en terme de niveau de jeu mais qui est tout de même remportée par le Maître 6/4. Après un petit échange cordial de break en début de manche, ce deuxième set voit les deux joueurs aller jusqu’au tie-break où Federer craque face à un Wawrinka de plus en plus agressif. Le début du troisième set est un cauchemar pour Federer qui se retrouve très rapidement mené 0-4. Il ne parviendra jamais à faire son retour et doit finalement s’incliner…
Pourquoi le regretter ?
C’était donc l’année ou jamais pour que Federer l’emporte dans le tournoi le plus prestigieux qui manque au palmarès de Federer : pas de Nadal, une finale face à un adversaire qu’il avait toujours dominé (sauf au même endroit, lors d’une édition où Federer sortait tout juste de son mariage et n’avait pas la tête au tennis). Bref, une fenêtre de tir idéale qui ne se représentera pas de sitôt, surtout que je doute que Federer revienne souvent à Monte Carlo, à un moment de l’année où il préfère largement se reposer et se préparer tranquillement à la saison sur terre (saison qui, elle-même, ne fait clairement plus partie de ses priorités...).
La Suisse à l'honneur à Monte Carlo, c'est toujours ça de gagné...