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TimFaitSonCinema
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JOE

Dans un sud des Etats-Unis déshérité, la rencontre entre Joe, un ex-taulard qui essaie de refaire sa vie et Gary, un jeune garçon de quinze ans qui doit faire rentrer de l’argent pour faire vivre sa famille. Entre eux, une relation très forte va alors naître…
Verdict:

Ne choisissant jamais vraiment son personnage central, David Gordon Green nous entraîne surtout dans une longue virée pas toujours maitrisée à travers une certaine Amérique déshéritée. Heureusement que les deux acteurs principaux tiennent vraiment la baraque…

Coup de coeur:

Le duo d’acteurs principaux

La date de sortie du film:

30.04.2014

Ce film est réalisé par

David GORDON GREEN

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Le moins que l’on puisse dire, c’est que David Gordon Green est un réalisateur qui ne doit pas chômer puisque, depuis 2007, il a presque sorti un film par an et participé activement à la réalisation d’une série TV. Il s’est surtout fait connaître lorsqu’il a intégré l’écurie de Judd Apatow en signant Délire Express puis, un peu plus tard, Baby-sitter malgré lui. Entre les deux, il avait réalisé Votre Majesté, sorte de comédie d’époque (celle du Moyen-âge en l’occurrence) visiblement déjantée. Après cette période « comique » (dont je ne peux pas vraiment juger puisque je n’ai vu aucun de ces films), David Gordon Green avait visiblement changé un peu de direction en réalisant le remake d’un film islandais (Prince of Texas), plutôt bien accueilli par la critique et notamment récompensé au Festival de Berlin d’un Ours d’argent du meilleur réalisateur. Je me souviens avoir eu envie de le voir sans en avoir la possibilité à l’époque de sa sortie (il y a un peu plus de six mois). Il continue en tout cas dans cette veine plus « sérieuse » avec Joe, cette fois-ci adaptation d’un roman de Larry Brown (non, pas le célèbre entraîneur de basket…) et c’est cette fois-ci à Venise, lors de la dernière Mostra, que le film a été présenté. Il est aussi reparti avec un prix, celui-ci récompensant le jeune acteur Tye Sheridan en tant que meilleur comédien débutant. Et puis, il y a la présence de Nicolas Cage, que l’on n’a plus vraiment l’habitude de voir dans des films qui ont un aspect un tant soit peu engageant (ou sinon, tous les cinq ans). Je m’étais donc dit qu’il ne fallait pas que je rate ce Joe, et cette fois-ci, j’ai réussi mon coup. Malheureusement, ce film m’a beaucoup moins enchanté que ce que j’aurais pu en espérer…

 

Pourtant, Joe débute avec une scène extrêmement forte où l’on voit Gary et son père, le premier reprochant au second tout un tas de choses sur sa manière de se comporter. Le tout finit par une énorme baffe du paternel avant que celui-ci ne se fasse tabasser en arrière-plan. Cinq minutes d’une grande puissance et, directement, on est mis dans l’ambiance mais, en même temps et sans doute paradoxalement, cette séquence d’ouverture annonce de façon très nette ce qui vont être les principaux défauts qui vont ensuite nous accompagner pendant presque deux heures : des personnages caricaturaux (et notamment le père) et une incapacité du scénario à choisir qui est vraiment le personnage principal de cette histoire et ce que veut vraiment en faire le réalisateur. Est-ce vraiment Joe ou Gary qui sont au cœur du scénario ? A force de ne jamais choisir, l’histoire se complexifie plus qu’autre chose ou, en tout cas, ne permet pas la plus grande clarté pour le spectateur qui ne voit plus bien dans quelle direction le film veut vraiment aller. Bien sûr, le sujet principal semble être la rencontre de ces deux êtres qui, chacun à leur manière, sont bien cabossés par la vie. Joe va voir dans Gary une figure à prendre sous son aile et ainsi trouver un certain sens à une vie qui en manque clairement puisque, en gros, c’est boulot, alcool, dodo. Gary, lui, doit se construire en tant qu’homme tout en gérant une famille un peu dingue, surtout marquée par la figure d’un père alcoolique et complètement déconnecté des réalités. D’ailleurs, ce personnage est l’un des gros loupés du film puisqu’il manque clairement de finesse dans son écriture. C’est notamment le cas dans une scène qui sort un peu de nulle part au milieu du film et qui lui est entièrement consacrée : elle ne sert absolument à rien si ce n’est à appuyer encore une fois un propos déjà martelé depuis le début… On comprend donc que tout se joue sur la question de la figure paternelle et, honnêtement, c’est un peu trop marqué de ce côté-là.

 

Ce qui est encore plus terrible pour ce film, c’est le fait que l’on ne peut pas s’empêcher de le comparer à Mud, autre film qui traitait aussi un peu de la même question (construction de l’identité d’un adolescent à travers la rencontre avec une figure masculine un peu en marge) et qui mettait d’ailleurs en scène Tye Sheridan. Et le comparatif fait plutôt mal car là où le film de Jeff Nichols, en plus d’être magnifique visuellement, réussissait, après une première moitié un peu molle, à véritablement décoller, celui de David Gordon Green reste désespérément plat et ne parvient jamais à emmener le spectateur avec lui, que ce soit dans l’émotion ou dans la tension. Mais cela vient aussi peut-être du fait que le réalisateur s’intéresse peut-être plus à l’environnement dans lequel évolue les deux protagonistes plutôt que véritablement à ces derniers. En effet, on peut se demander si le personnage central du film, ce n’est en fait pas ce Sud des Etats-Unis complètement déglingué et intemporel. En effet, le réalisateur insiste beaucoup là-dessus avec une importance donnée à ces paysages presque désertiques, à ces habitations en ruines, à ces silos rouillés et, encore plus, aux tronches (car, là, on peut utiliser ce mot) de ceux qui l’habitent. Parfois, ce Sud est presque filmé avec une certaine complaisance qui peut être dérangeante pour le spectateur. Et à force de trop faire attention à ce décor, Joe oublie presque ses deux héros qui sont pourtant interprétés avec grand talent. Tye Sheridan (The Tree of life, Mud) y confirme qu’il est un jeune acteur à suivre de très près et Nicolas Cage que, quand il veut vraiment s’y mettre (de moins en moins souvent), il reste quand même un sacré acteur (comme il le montrait déjà dans Bad Lieutenant ou même Kick-Ass). Il faudrait juste qu’il arrête d’accumuler les navets (et les nominations aux Razzie Awards : treize depuis 2007) et qu’il se concentre sur des bons films. Il en a largement le talent. Sur celui de David Gordon Green, je resterai plus mesuré puisque, s’il sait manifestement filmer, il montre ici une certaine incapacité à vraiment gérer le film dans toutes ses composantes. Ce qui donne un résultat que l’on qualifiera de mitigé…




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