La Critique
C’est décidément l’année de l’adaptation des ouvrages de Yasmina Khadra au cinéma. Après Ce que le jour doit à la nuit en septembre dernier (film d’ailleurs plus que moyen), voici un autre roman de l’auteur algérien sans doute le plus connu en France mis en scène pour le cinéma. Cette fois-ci, c’est un livre un peu plus polémique et brûlant dans ce qu’il traite que Ziad Doueiri décide de mettre en image. En effet, situé au cœur d’une trilogie qui comprend aussi Les hirondelles de Kaboul et Les sirènes de Bagdad, L’attentat est un roman qui cherche à saisir et à comprendre les problèmes toujours plus importants entre les sociétés occidentales et celles considérées comme plus orientales. Aujourd’hui, c’est l’une des grandes difficultés de notre monde. Ici, c’est le conflit israélo-palestinien qui est évoqué à travers les yeux d’un arabe vivant et exerçant à Tel-Aviv et qui va voir sa vie bouleversée par le geste incompréhensible et impensable pour lui de la personne qu’il aime. Il est tout à fait logique que ce livre qui, lors de sa sortie en 2005, avait remporté un très grand succès public et critique soit adapté pour le grand écran car il s’agit d’un vrai sujet fort, toujours actuel (malheureusement) et qui touche, surtout qu’il est approché par un biais assez « original » qui pousse le lecteur (et donc le spectateur) à se poser vraiment des questions. Mais c’est aussi le type de base de départ avec laquelle il faut être extrêmement prudent car il y a un nombre incalculable de chausse-trapes dans lesquels il ne faut pas se fourrer. Et le réalisateur réussit plutôt son affaire, même si L’attentat n’atteint jamais de véritables sommets. C’est en somme une honnête adaptation.
Quand on parle du conflit israélo-palestinien, le risque est toujours important de tomber soit dans des caricatures, soit dans une bataille partisane entre deux conceptions. L’objet de cette critique n’est aucunement de prendre parti pour l’un des deux camps (j’ai d’ailleurs renoncé à cela depuis bien longtemps) mais bien de juger un film qui, lui, arrive aussi à rester relativement neutre devant des questions pas évidentes. L’attentat, plus que de donner l’avis de l’auteur ou du réalisateur, pose de vraies questions sur le pourquoi de cette guerre sans fin, sur ce qui peut l’expliquer et où on en trouve le terreau (les humiliations quotidiennes, les rancunes tenaces). Ainsi, il pousse le spectateur à s’interroger sur cette problématique, en lui donnant des clés de lecture. Mais à trop être « didactique », le film prend parfois un côté un petit peu « moralisateur » dans le sens où, de la bouche de certains personnages, sortent parfois des phrases qui ressemblent plus à des vérités générales ou des slogans qu’à quelque chose de réellement personnel. Ainsi, certains dialogues paraissent un peu lunaires tant ils sont déconnectés de la véritable façon de parler sont bien plus des manières de faires passer des messages.
De même, l’ensemble, bien que plutôt propre (et assez scolaire) dans la réalisation, manque d’émotions. En tant que spectateur, je me suis senti assez extérieur à tout ce qui pouvait se passer alors qu’il s’agit tout de même d’une histoire vraiment forte. Là aussi, c’est sans doute une volonté du réalisateur de ne pas trop développer ce côté-là, au risque, justement, de se faire en quelque sorte piéger par le sujet. Il y a aussi un problème selon moi dans la construction d’ensemble du film : c’est la place accordée à tout ce voyage mené par Amine à Naplouse (dans les territoires palestiniens) afin de découvrir réellement comme sa femme a pu devenir ce qu’il ignorait totalement. Au lieu d’une vraie plongée dans cette recherche de la vérité (ou d’une certaine vérité), on trouve plutôt des ellipses très importantes, parfois assez incompréhensibles et en deux ou trois dialogues, le personnage principal revient à Tel-Aviv, avec, visiblement, une bonne partie des réponses qu’il cherchait. Finalement, on voit assez peu de tout cela alors que c’était vraiment intéressant de creuser ce côté qui ressemble plus à un thriller ou au moins une forme d’enquête et c’est dommage car je l’attendais aussi là-dessus. J’ai aussi trouvé les comédiens un peu en retrait, comme s’ils étaient dépassés par leur sujet et qu’ils ne pouvaient pas complètement se lâcher. Finalement, L’attentat est un film qui manque singulièrement de force pour en faire un vrai bon long métrage.