La Critique
Bon, forcément, c'est un peu compliqué de juger ce genre de films. En effet, plus qu'un film, c'est presque un sujet de société puisque c'est le premier long métrage à s'intéresser exclusivement à un des épisodes les moins glorieux de notre histoire nationale : la Rafle du Vel d'Hiv. Une telle « ambition » fait que la première demi-heure est relativement insupportable puisqu'elle met en jeu les mécanismes de cet événement, en passant toutes les deux minutes de la sphère politique (Laval et Pétain / Bousquet et les allemands / Hitler et ses conseillers (j'y reviendrai)) à la sphère privée (les familles juives / la boulangère antisémite). Toute cette mise en place est indigeste, nécessaire, sans doute, mais mal scénarisée. Hitler dans ce film, ça me gène : en effet, ce sont les seules scènes qui se déroulent hors de France. Et c'est pour montrer celui qui est, bien sûr, l'initiateur principal de ces massacres mais dont la culpabilité formelle n'a jamais pu être démontrée. Dans un film qui se veut véridique historiquement, ce n'est pas forcément la meilleure chose à faire.
Je trouvais l'idée très intéressante dès le départ que tout, absolument tout, se déroule sur le territoire français. Cela correspondait bien au projet initial : montrer vraiment ce qu'a été le rôle de l'Etat français mais aussi des Français en général dans un tel massacre. De plus, le fait que ces scènes mélangent sans cesse des images stylées « archives » avec d'autres « normales » renforce une confusion historique qui n'est sans doute pas utile au film. Le reste du film, c'est le cheminement des juifs raflés qui commence, de leur arrestation aux camps d'internement en passant par le Vel d'Hiv. Et là, c'est plutôt la réalisation qui pèche. En effet, on sent que la réalisatrice veut trop en faire et cela coupe toute émotion. C'est le cas notamment pour le premier plan du Vel d'Hiv de l'intérieur. Un long plan séquence qui s'éloigne de plus en plus des personnages pour donner une vision panoramique. C'est techniquement réussi mais cela manque d'émotion. Ou mettre La Mort d'Ase, d'Edvard Grieg comme musique (même si c'est magnifique) pour l'épisode de la déportation, je trouve que c'est rajouter inutilement un poids émotionnel à un épisode qui l'est déjà assez comme cela.
Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi mais il y avait toujours, dans chaque scène, quelque chose qui bloquait toute émotion. Je me suis senti simple spectateur, sans aucune empathie avec les personnages (pourtant plutôt bien interprétés), comme si cela n'était pas réel. Alors que, si, justement, tout cela est véridique. Cette barrière émotionnelle, j'ai du mal à me l'expliquer d'un point de vue purement cinématographique.
Le producteur, Ilan Goldman, avait annoncé vouloir faire une Liste de Schindler à la française. Et bien, c'est clairement raté, car là où le film de Spielberg, en plus de provoquer de réelles émotions (la scène finale, splendide), était une vraie leçon de cinéma avec des idées de génie (ce noir et blanc qui enveloppe le film mis à part quelques très rares éléments (le manteau rouge de la jeune fille lors des arrestations, par exemple)). Clairement, La Rafle, malgré un sujet à la fois essentiel et salvateur ne peut en aucun cas se comparer au chef d'œuvre de 1993.