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TimFaitSonCinema
Arbor a treize ans et vit dans un quartier déshérité de Bradford. Avec son ami Swifty, ils se font renvoyer de l’école mais font la rencontre d’un ferrailleur, pour qui ils vont commencer à travailler. Leur amitié va être mise en péril alors que les intérêts des deux jeunes garçons commencent à diverger.
Verdict:
Un conte social assez singulier où des passages contemplatifs côtoient des bordées d’injures. Ça manque sans doute un peu de force, mais c’est porté avec brio par deux jeunes comédiens, dont l’un, Conner Chapman, devrait refaire parler de lui dans le futur…
Coup de coeur:

Conner Chapman

La date de sortie du film:

18.12.2013

Ce film est réalisé par

Clio BARNARD

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Rien de tel qu’un bon film social anglais en fin d’année, afin de combler un « vide » en 2013. C’est ce que je me disais avant la séance et, d’une certaine manière, je m’en réjouissais car on est vraiment dans l’ordre du « passage obligé ». En effet, cette année, Ken Loach n’a pas sorti de films et, plus globalement, je ne suis allé voir aucun long métrage qui s’inscrit dans cette veine. Pourtant, c’est une forme de tradition et de Tyrannosaur à Broken, l’année dernière nous avait donné de très bons exemples de cinéastes s’inscrivant directement dans la lignée ouverte par Ken Loach en Angleterre, bien sûr, mais aussi, d’une certaine manière, par les frères Dardenne en Belgique. Toujours est-il que la sortie de ce Géant égoïste (titre d’un conte d’Oscar Wilde dont le film s’inspire en le rendant contemporain) m’offrait une dernière opportunité en cette fin d’année. Et c’est une femme qui « reprend le flambeau » puisque c’est le premier long métrage de fiction pour Clio Barnard, qui s’était plutôt fait remarquer jusque-là pour des documentaires tout en étant professeur de cinéma à l’Université mais aussi plasticienne à ses heures perdues. Il était donc assez logique qu’elle finisse au bout d’un moment par arriver à la fiction. Présenté à Cannes en mai dernier dans la sélection de la Quinzaine des réalisateurs, son film a séduit et est reparti avec l’un des nombreux prix (le Label Europa Cinema). Depuis, il se ballade dans les Festivals et fait visiblement son petit effet. Il était donc temps que l’on découvre sur pièce ce fameux drame social tant attendu. Et, d’une certaine manière, ce n’est pas exactement ce à quoi je m’attendais, puisque Le géant égoïste, s’il a bien toutes les caractéristiques de ce genre particulier, en propose aussi une vision singulière, pas inintéressante.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le premier plan (court mais superbe) nous montre un paysage de nuit où l’on distingue des chevaux paissant sous une ligne électrique. Ce sont en fait les deux thèmes principaux de ce film : d’un côté les animaux, et plus particulièrement les équidés qui auront une place toute particulière et de l’autre le fil électrique qui sera un enjeu d’importance. En ce sens, tout le long métrage de Clio Barnard est un peu décalé par rapport à ce à quoi l’on peut s’attendre. Bien sûr, Le géant égoïste fait aussi le portrait de quartiers populaires, totalement laissés à l’abandon, où les familles luttent contre le chômage et la pauvreté en vivant de petites embrouilles, où les injures sont monnaie courante (le nombre de f*** au cours du film est tout simplement impressionnant) et où, donc, toutes les relations sont empreintes d’une certaine violence. Filmé comme cela, cette partie de Bradford apparaît véritablement comme une sorte de quart monde complètement délaissé. La plongée dans cet univers est réelle et rappelle pour le coup les caractéristiques du drame social mais aussi le passé de documentariste de la réalisatrice. De ce côté-là, il faut bien dire que, si c’est fait correctement, c’est un peu vu et revu. Mais, à sa manière, Clio Barnard s’en affranchit aussi largement en offrant des sortes de respiration ou d’échappées avec de très nombreux plans de nature qui rythment l’action. C’est assez contemplatif par moments et on sent bien que la réalisatrice est douée pour faire de très beaux tableaux. Mais cette nature est rarement sauvage. On voit presque toujours un câble électrique ou une usine nucléaire, qui montrent bien que cet espace à proximité de la ville n’est plus vraiment naturel mais a bien été « envahi » par l’homme. C’est d’ailleurs dans ce lien, notamment celui du rapport aux animaux, que se trouve l’un des enjeux de ce film qui, en ce sens, échappe à la vision uniquement misérabiliste du quartier, de ses rues défoncées et de ses familles endettées.

Mais ce film est avant tout basé sur ces deux grands enfants (ou jeunes adolescents, c’est selon) et sur leur relation qui va évoluer au cours du temps. Tous deux sont un peu rejetés par les autres jeunes du quartier et ils ont appris à se défendre à leur façon. C’est surtout Arbor, le petit teigneux, qui prend la défense de Swifty, à l’allure un peu plus pataude. On sent très vite que le premier mène plus la danse et pousse le second à le suivre dans les combines qu’il essaie de mettre en place pour gagner de l’argent (et aussi faire vivre sa famille). C’est finalement autour de la ferraille qu’ils vont trouver une occasion de se faire des sous. Les voici donc partis sur une charrette tractée par un cheval à la recherche (plus ou moins licite) de tout matériau qui peut être revendu au ferrailleur local. Cela donne d’ailleurs certaines scènes absolument lunaires avec cette charrette en plein milieu des voitures… Mais la rencontre avec ce ferrailleur va aussi marquer un point de rupture entre les deux amis puisque celui-ci s’occupe aussi d’un cheval de course et Swifty va se prendre d’affection pour celui-ci et va tout faire pour en devenir le jockey lors de courses clandestines (autre séquence mémorable). A partir de là, les aspirations d’Arbor et de Swifty vont différer et ils vont avoir du mal à les réconcilier. Cette évolution pose aussi la problématique du passage à l’âge adulte puisque ces deux jeunes évoluent dans un monde qui n’est plus le leur et dans lequel, à cet âge-là, ils n’auraient rien à faire normalement. Pourtant, malgré l’interprétation parfaite des deux jeunes (Conner Chapman, toute rage dehors, est même assez incroyable), Le géant égoïste manque un peu d’une dimension supérieure qui lui ferait passer le cap du bon au grand film. Pourtant, on sent qu’il y a vraiment quelque chose chez cette réalisatrice et elle sera tout à fait en capacité de nous offrir de nouveau un film de cette qualité, voie mieux, c’est certain.



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