La Critique
Un an jour pour jour après la passation de pouvoir entre Nicolas Sarkozy et François Hollande (séquence qui ouvre d’ailleurs le long-métrage), voilà que sort Le pouvoir, documentaire signé Patrick Rotman, un habitué de ce genre de format, notamment pour la télévision. Il avait même signé le scénario de La conquête, film de fiction sur l’ascension de Nicolas Sarkozy entre 2002 et 2007, jusqu’à être élu Président de la République. On pourrait presque dire qu’en débutant Le pouvoir par cette passation de pouvoir, c’est une façon pour lui de « clore » le chapitre Sarkozy et d’en ouvrir un autre. Je ne sais pas vraiment comment se sont passées les tractations entre les conseillers du Président et le documentariste afin d’avoir le droit de filmer ainsi au cœur de l’Elysée mais je trouve cela sur le principe plutôt pas mal. Ce n’est pas forcément le signe d’une « présidence normale » (qui est filmé chez lui ou dans son travail ?) mais ça a le mérite de montrer une certaine ouverture, qui doit tout de même être assez contrôlée, du moins, je l’imagine. Au fond, ce qui m’aurait vraiment intéressé, c’est un document sur les coulisses du tournage et du montage car il y a sans doute eu des discussions serrées et des choses plutôt intéressantes à montrer… Mais, bon, pour l’instant, il faut s’occuper de ce qu’on a sous les yeux : un documentaire pas renversant (en même temps, ce n’est pas facile) mais pas inintéressant non plus.
Il y a déjà deux écueils préliminaires à prendre en compte pour vraiment pouvoir critiquer un tel documentaire et je vais essayer d’entrer de les déminer. Le premier concerne la question de la portée politique en tant que telle de cet objet un peu inédit, il faut bien le dire. En effet, on peut voir ce film comme un exercice de style dans le cadre d’une volonté de donner une bonne image du Président. Il y a sans doute de cela, ne soyons pas dupes, mais je pense que le souhait de Rotman est d’aller plus loin que la figure elle-même en allant plutôt chercher du côté de la fonction, ce que le titre semble indiquer. De mon côté, je ne cherche pas à rentrer dans un débat politique et je ne pense pas que Le pouvoir soit vraiment fait pour cela. Il y a bien sûr quelques messages qui ne sont pas neutres au cours du film mais rien non plus de bien décisif. Le deuxième problème qui reste est celui (inhérent à tout documentaire d’ailleurs, mais peut-être plus ici) de ce que l’on veut bien montrer au spectateur. En plus de ce qui est mis en boite ou non, le montage peut aussi faire ce qu’il veut des images que l’on a sous la main. Ca s’avère en fait un exercice compliqué car il est difficile d’envisager de tout montrer ce qui se passe à l’Elysée car y sont traités de nombreux sujets extrêmement sensibles mais, en même temps, en autorisant des caméras, le Président doit aussi accepter de dévoiler certains éléments. Il y a donc un entre-deux à trouver et qui n’est pas forcément évident au premier abord. A mon sens, Patrick Rotman s’en sort pas mal dans cette sorte de dilemme en ne nous donnant à voir pas beaucoup de moments vraiment futiles et en introduisant des évènements clés (conseils des ministres, rencontres plus stratégiques) en n’en montrant que le début avant de se retirer.
Tout commence donc à cette fameuse passation de pouvoir qui nous permet de passer de la cour de l’Elysée à l’intérieur du bâtiment même. Ensuite, c’est une succession de séquences qui permettent au spectateur de rentrer dans les coulisses du lieu de pouvoir par excellence en France. Patrick Rotman ne veut pas faire de son film quelque chose de didactique : on ne nous présente par exemple les personnes importantes qu’au générique de fin (l’organigramme des collaborateurs les plus proches de François Hollande). C’est un peu fragmentaire par moments, mais c’est aussi en un certain sens le jeu. En tout cas, nous sont montrés tous les moments qui sont inhérents à la fonction de président : les grandes conférences de presse, la réception d’un homologue étranger (ici le Président italien) ou encore les voyages loin de la France (ici aux Etats-Unis pour aller parler à l’ONU). Cela nous permet de voir des instants un peu plus graves (même s’il y a bien sûr rien de véritablement décisif) mais aussi, à certains moments, un François Hollande plutôt drôle et blagueur. Le pouvoir parvient malgré ce côté fourre-tout à garder un certain rythme, notamment en insistant (parfois de façon un peu caricaturale) sur le passage des saisons : de l’été à l’automne puis à l’hiver. Là où le film est vraiment intéressant, c’est dans cette manière de capter des petits moments de la vie d’un Président et de les remettre dans un contexte plus global.
Ce qui est aussi une bonne chose, c’est cette manière de prendre en compte l’Elysée pas seulement pour ce qu’il représente mais aussi pour ce qu’il est : un bâtiment exceptionnel. D’ailleurs, on y revient toujours avec de nombreux plans sur les différentes salles ou encore les jardins. Il y a aussi une étrange volonté que j’ai du mal à m’expliquer de toujours aller chercher les plafonds. Cela doit avoir une signification car c’est assez récurrent mais je ne trouve pas vraiment d’explication rationnelle à cet aspect. En plus du bâtiment en lui-même, l’Elysée, c’est aussi un personnel qui fait son maximum pour que tout soit toujours en place le mieux possible. Un rôle important leur est accordé dans le long-métrage. Il y a un choix « scénaristique » assez étonnant qui est fait : celui de donner à François Hollande lui-même la voix-off qui est présente à certains moments du film. Elle est parfois intéressante mais aussi quelquefois un peu redondante par rapport à ce que l’on a à l’écran. Techniquement, Le pouvoir est plutôt pas mal réalisé avec une image de qualité orchestrée par Romain Winding, césarisé cette année pour Les Adieux à la Reine. La musique, elle, n’est pas toujours géniale mais s’accorde plutôt bien à l’ensemble du film. Après, le « problème » est que ça reste un documentaire, qui n’est pas forcément le genre qui fait le plus rêver au cinéma. Mais, c’est mieux d’avoir un honnête documentaire qu’un mauvais film de fiction. C’est pourquoi Le pouvoir est à classer dans la catégorie des films à voir si on a le temps mais qu’il ne faut pas absolument aller visionner. Sauf si on est un fan de François Hollande, bien évidemment !!