La Critique
Le cinéma américain n’en finit plus de s’intéresser aux banlieues déshéritées. Ce ne sont pas les ghettos dont on parle ici, eux qui sont un terrain bien plus habituel du Septième Art mais bien ces zones un peu en marges, avec des villes sans trop d’âme et où les gens survivent plus qu’ils ne vivent véritablement. Ces espaces qui, finalement, sont un peu les oubliés de la politique américaine avec les usines qui ferment et les difficultés sociales qui s’accumulent. On appelle cela souvent, et de façon un peu réductrice l’ « Amérique profonde ». En tout cas, c’est clairement sur ce terreau que Scott Cooper inscrit son deuxième long métrage (quatre ans après le remarqué mais pas transcendant Crazy Heart qui avait offert un Oscar à Jeff Bridges) puisque Les brasiers de la colère se passe dans la banlieue de Pittsburgh, en plein cœur de ce qu’on nomme la Rust Belt (qu’on eut appelé autrefois la Manufacturing Belt), avec ces très nombreuses usines qui, aujourd’hui, sont laissées à l’abandon, faute de marché dans une économie mondialisée (on ne va pas non plus faire une leçon d’économie, je vous rassure). D’ailleurs, son film précédent s’intéressait déjà à une certaine Amérique déshéritée et en perte de repères. Une sorte de contre-rêve américain… Le réalisateur se sert vraiment de cet endroit comme d’un décor qui traverse tout le film mais il n’en fait jamais non plus un élément central de son histoire. Bien sûr, tous les personnages sont directement liés aux difficultés économiques de la ville et aux conséquences que cela implique sur leur vie mais, jamais, dans le scénario, cette ambiance générale prend vraiment un rôle plus important que cela. Et c’est dommage car il y avait là matière à s’interroger sur les conséquences de ces bouleversements économiques qui ont des impacts sociaux et humains très importants. Scott Cooper choisit plutôt d’inscrire dans cette ambiance un thriller assez crépusculaire dont le principal problème est qu’on a l’impression de l’avoir déjà vu un nombre non négligeable de fois.
Alors que son film précédent était l’histoire d’une forme de résurrection (par la musique, notamment), là c’est plutôt l’inverse puisque le personnage central va connaître une véritable descente aux enfers, provoquée principalement par les actes de son frère. Le vrai souci, c’est que c’est le genre d’histoire à partir duquel nombre de longs métrages ont déjà été tournés et qu’on finit par être un peu surpris que ce soit de nouveau fait de cette manière. Car Scott Cooper ne fait pas dans l’originalité, loin de là. Alors qu’à certains moments, on pourrait penser (et espérer) qu’il va prendre des chemins détournés ou que son récit va connaître des surprises, ce n’est absolument jamais le cas. Jusqu’au bout, c’est balisé et même fléché de manière évidente. On retrouve tous les passages obligés de ce genre de films (l’histoire d’amour, la relation familiale complexe, l’imprudence qui amène le danger, la résolution du problème,…) et on peut presque imaginer à chaque fois la séquence suivante sans trop se tromper. Les seuls éléments un peu hors des clous viennent d’incohérences scénaristiques, c’est pour dire… La fin, elle, est très discutable et pourrait même être considérée comme plutôt réactionnaire. Ce qui intéresse visiblement le plus le réalisateur, c’est l’ambiance autour des personnages puisqu’il prend beaucoup son temps pour chaque scène, étirant certaines séquences de manière parfois trop importante. Mais il n’arrive jamais véritablement à saisir cette ambiance et à en faire quelque chose de concret. Alors, c’est sûr que Scott Cooper sait filmer et que c’est plutôt propre dans la réalisation, avec certains plans de qualité mais l’ensemble est trop creux pour que ça fonctionne vraiment. Heureusement, un casting de qualité vient un peu sauver l’ensemble avec, en plus des seconds rôles tenus par des pointures (Dafoe, Whitaker, Shepard ou Saldana), pour chacun, une composition à sa mesure entre un Christian Bale en frère posé mais fiévreux intérieurement, un Casey Affleck en jeune chien fou vite dépassé et un Woody Harrelson qui, pour le coup, fait vraiment très très peur. A part cela, pas grand-chose à tirer d’un tel film…