La Critique
Ma dernière expérience de film chinois date maintenant d’il y a un certain temps, mais je suis loin d’en garder un bon souvenir. En effet, ce Still Life m’avait semblé très long et particulièrement peu intéressant. Jia Zhang Ke filmait des histoires d’êtres qui se cherchent sans fin dans une ville en proie à la destruction (du fait de la construction du grand barrage des Trois Gorges). Presque six ans plus tard, fort d’une expérience nouvelle en termes de cinéma (même si du côté des films asiatiques, je n’en n’ai pas vu tant que cela), je retente ma chance avec, cette fois-ci, un long métrage signé de Lou Ye, artiste qui a longtemps été interdit de tourner dans son pays d’origine, surtout après le film Une jeunesse chinoise, que le régime en place dans le pays n’avait pas trop apprécié. Depuis, il s’était notamment occupé de réaliser Love and Bruises, film mi-français mi-chinois, avec notamment Tahar Rahim comme acteur principal. Presque toujours présent à Cannes, le réalisateur y a présenté l’année dernière Mystery dans la compétition Un certain regard et le film a quand même pas mal fait parler de lui. C’est seulement maintenant qu’il sort chez nous et je dois bien dire que l’objet m’intéressait plutôt sans être vraiment sûr qu’il passe bien dans une salle où je pourrais me rendre. La bonne surprise a été de voir que UGC le programmait et l’occasion était donc trop belle et à ne pas manquer. J’en suis ressorti à la fois charmé et agacé. Drôle de paradoxe, me direz-vous. Et je m’en vais l’expliquer de suite.
Cela tient dans cette façon de styliser à l’extrême toute scène, même la plus banale qui soit. Alors, forcément, ça en met parfois plein les mirettes car sur une heure et demie, il y a forcément un nombre importants de scènes qui valent le déplacement. C’est parfois un plan, un mouvement de caméra, une lumière,… qui produisent un effet sympathique. Mais, en même temps, on frôle souvent l’overdose et ce film confirme que, définitivement, trop de style tue le style. Il y a par exemple quelque chose qui est assez étonnant, c’est que la caméra est toujours en mouvement. Je suis persuadé qu’il n’y a pas un seul moment dans le film où elle est posée. Alors, parfois, cela permet de belles scènes d’ « action » (ce n’est pas non plus James Bond) ou offre au spectateur certains passages assez envoûtants mais, lorsque cela ne le justifie pas, ça donne un aspect bien plus artificiel qu’autre chose et l’effet n’est pas toujours réussi. Un passage résume bien cela (celui de la mort d’une jeune fille, je n’en dis pas plus). C’est à la fois techniquement et visuellement très étonnant mais tellement prononcé et surligné que ça en perd beaucoup de sa force. C’est donc dans le dosage qu’il y aurait pu avoir des choses à revoir. Mais c’est aussi ce qui fait souvent la particularité des films asiatiques…
Mystery est aussi un film d’ambiance avec cette ville à la fois pluvieuse et sombre dans laquelle se déroule cette histoire – ou ces histoires. Parce que Mystery a vraiment quelque chose d’assez étonnant dans ce qu’il raconte en mêlant ainsi une histoire policière à des intrigues amoureuses. Le rapport entre les deux est parfois un peu artificiel et la façon de passer de l’un à l’autre brutale et pas toujours évident, mais l’ensemble vaut quand même le détour car tout est plus ou moins lié et on comprend peu à peu la manière dont ça l’est, notamment avec des flashbacks. Les histoires de couple sont en elles-mêmes assez folles. Je ne peux rien en dire pour ceux qui iront voir le film mais ça semble plus incroyable qu’autre chose. Tout cela donne un ensemble qui emmène le spectateur dans des recoins à la fois de cette Chine moderne (où règne la corruption) mais aussi d’une certaine nature humaine. Et pour cela, Mystery est plutôt intéressant, en plus qu’il permet de me faire découvrir Hao Lei, actrice assez formidable dans ce film où elle joue une femme qui voit peu à peu sa vie lui échapper. Presque comme ce film qui, parfois, donne l’impression d’échapper quelque peu à un réalisateur désireux sans doute de trop bien faire. En étant un peu plus sobre, il aurait sans doute réalisé un long métrage de meilleure qualité. Car le matériau de départ est vraiment intéressant.