La Critique
Cela fait maintenant plus de dix ans que le cinéma allemand a tendance à importer en France des longs métrages de qualité. Cela avait surtout commencé (pour moi, en tout cas) avec Good Bye, Lenin ! en 2003, énorme succès critique et public en France. Ce film est depuis devenu « mythique » puisqu’il n’est pas rare qu’on en reparle pour certaines répliques ou des scènes marquantes. Puis il y a eu le choc La vie des autres, réalisé par un tout jeune réalisateur, Florian Henckel von Donnersmark et sorti début 2007. Là encore un immense succès, mérité, car c’est le type de films qu’on ne voit pas tous les jours : précis, émouvant, magnifiquement interprété. Et puis, l’an dernier, on a aussi pu voir Barbara, long métrage délicat et intelligent sur les heures sombres de l’Allemagne de l’Est. Il y aussi eu entre temps quelques films plus discutables, mais ne les évoquons pas forcément ici. Le souci de ce cinéma semble plutôt se situer dans la suite que ces réalisateurs parviennent à donner à leur carrière : Wolfgang Becker n’a jamais retrouvé le succès et semble même un peu en dehors du coup maintenant, Florian Henckel von Donnersmack a décidé de réaliser son film suivant à Hollywood mais il s’est bien raté (The Tourist). Pour Christian Petzold, il faut attendre, mais bon, s’il suit la même voie, ce n’est pas forcément gagné. Et voici donc un nouveau représentant de ce cinéma allemand en ébullition ces derniers temps. D’ailleurs, il est amusant de voir que Jan Ole Gerster dont c’est le premier film de fiction, était l’assistant personnel de Wolfgang Becker pour Good Bye, Lenin ! Mais avec un film sans doute plus ambitieux sur le fond et la forme, il n’arrive pas vraiment à séduire autant que ses prédécesseurs.
Ce qui caractérise sans doute le plus Oh Boy c’est son côté vraiment unique. En effet, on voit très rarement ce genre de films qui sont finalement excessivement difficile à définir. Je l’ai classé dans la catégorie des comédies dramatiques, mais c’est à la fois assez arbitraire et en partie faux. Il s’agit plutôt d’une forme de road-trip d’une journée au cœur de Berlin, et notamment du quartier de Prenzlauerberg (que je reconnais bien car j’ai la chance d’y avoir de la famille proche qui y habite). On suit donc Niko, une sorte de grand adolescent qui, visiblement, a beaucoup de mal à prendre les bonnes décisions et à se responsabiliser. Il a tout de même un appartement où il vient de déménager mais où rien n’est encore installé, comme une preuve du passage à l’âge adulte qui est très compliqué. Il va rencontrer lors de cette journée de nombreuses personnes et toutes vont avoir une importance plus ou moins importante sur l’évolution de sa journée (mais aussi, sans doute, de sa vie à venir) : il y a déjà sa copine qui en a marre de son indécision permanente puis un nouveau voisin qui vient se lamenter chez lui, un psychologue qui le déclare émotionnellement instable, son père qui lui coupe les vivres, son ami de toujours avec qui il va acheter des substances illicites dans l’appartement d’une grand-mère, une ancienne camarade de classe qui a bien changé et est devenue comédienne de théâtre et un homme rencontré dans un bar. Dis comme cela, le sujet du film ressemble plus à une liste à la Prévert qu’autre chose.
C’est en fait un peu le cas et il y a trois fils qui raccrochent toutes ces scénettes. On trouve d’abord le personnage principal, interprété tout en dilettantisme et avec une côté assez « pathétique » par Tom Schilling. L’acteur parvient bien à rendre cet aspect très looser de cet adulescent (utilisons ce terme à ce bon vieux Aldebert) qui semble plus se laisser porter par la vie que se chercher véritablement. Il y a ensuite la ville de Berlin qui apparaît presque comme un deuxième personnage principal puisque tout s’y passe et qu’entre chaque nouvelle séquence, il y a deux ou trois plans de la ville (ses habitations, son métro,…). Enfin, il y a le running-gag plutôt drôle qui dure tout le film et qui consiste à « empêcher » par tous les moyens le personnage principal d’avoir un café : c’est trop cher, la machine ne fonctionne pas,… Il y a toujours une raison pour qu’il ne puisse pas arriver à ses fins. Et cela jusqu’au bout. C’est vraiment une chouette idée car elle donne un semblant d’unité à l’ensemble. Parce que, sinon, c’est souvent beaucoup trop morcelé et éparpillé pour moi et je ne vois pas bien où veut en venir le réalisateur. A certains moments, c’est même plutôt longuet. D’ailleurs, je crois que je me suis quelque peu assoupi alors que certaines séquences commençaient dangereusement à trainer en longueur. Le noir et blanc utilisé pendant tout le film est plutôt stylé et l’image est de qualité dans l’ensemble mais on peut se demander son intérêt sinon d’offrir un style visuel différent. J’y vois même un peu de prétention de la part du réalisateur mais peut-être suis-je un peu méchant là-dessus. En tout cas, son film ne m’a pas vraiment enchanté et j’ai du mal à y voir un réel intérêt. Mais c’est aussi un long métrage de sensations, que, personnellement, je n’ai pas ressenties mais qui peuvent très bien toucher d’autres personnes. Bien leur en fasse.