La Critique
Bien que ce soit l’un des derniers « grands » de l’Age d’Or d’Hollywood qui a encore une vraie activité cinématographique (avec, entre peu d’autres, Clint Eastwood), je dois bien avouer que je connais très peu la carrière de Robert Redford, à la fois en tant qu’acteur, mais aussi comme réalisateur. S’il n’a pas été aussi prolifique que le grand Clint au niveau de la mise en scène, Sous surveillance n’en reste pas moins le neuvième long-métrage que Redford réalise. Pourtant, il y a dans sa filmographie de vrais succès comme Et au milieu coule une rivière (qui lança la carrière de celui que l’on considère comme son fils spirituel : Brad Pitt) ou encore L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux (faisant découvrir, cette fois-ci, Scarlett Johansson). En plus d’être marquée par la révélation de talents, la filmographie de Redford a pris depuis quelques années un tour plus politique avec Lions et Agneaux, violente charge contre la guerre en Afghanistan ou encore La conspiration, sur l’assassinat d’Abraham Lincoln. Sous surveillance poursuit dans cette veine et pour cela, Redford fait sans l’aide des grands studios, lui le chantre du cinéma indépendant (il est quand même celui qui a donné toutes ses lettres de noblesse au Festival de Sundance), afin de pouvoir garder une certaine liberté de ton. Cela ne lui permet malheureusement pas de sortir un vrai bon film. Hésitant toujours entre deux voies qui auraient pu être conciliées (le thriller et le côté plus politique), Sous surveillance perd peu à peu en intensité et se révèle finalement assez fade et longuet sur les bords, bien que pas forcément désagréable.
Le problème principal de ce film tient dans le fait que le scénario ne sait pas vraiment où placer le curseur entre son aspect politique d’un côté, le côté thriller d’un autre et enfin la dimension personnelle d’un troisième. Tout cela se mélange de manière un peu trop prononcée et le film a tendance à tourner à la bouillie à certains moments. Parfois on a vraiment le sentiment que, se rappelant que le spectateur est aussi venu voir un thriller, on lance cinq minutes de course-poursuite de manière téléphonée, et ça s’arrête aussi vite. Dans ce triangle thématique, il faut bien dire que c’est le côté « action » qui est le moins bien traité, d’abord parce qu’il y a un vrai manque de rythme dans toutes ces scènes (c’est même sacrément mou du genou et presque un peu « pathétique » par moments, nous y reviendrons), et que, quand on a compris au tiers d’un thriller de quoi il en retournait véritablement, ça a tout de même un côté assez embêtant. Car il faut bien le dire, l’intrigue qui sous-tend le film est assez vite compréhensible et paraît finalement presque ridicule par rapport à l’enjeu qu’il y aurait pu avoir. D’un film politique à multiples facettes (l’idée de la reconnaissance de crimes commis trente ans plus tôt notamment, le rôle du journalisme dans ces affaires, le lien entre journalistes et autorités), on tombe finalement à une « banale » histoire bien plus personnelle. Ce n’est pas forcément en soi une mauvaise chose, mais, là encore, le scénario est beaucoup trop cousu de fil blanc et finit de manière tellement prévisible que c’est presque agaçant.
S’il y a bien un aspect du film qui est mieux réussi que les autres, c’est bien la traque du journaliste. C’est à se demander si le film n’aurait pas du s’intéresser uniquement à cela. Cela tient aussi peut-être à la performance de l’acteur qui interprète ce journaliste têtu comme tout. Shia Laboeuf a plutôt tendance à m’énerver d’ordinaire mais il faut avouer qu’il est pas mal ici car c’est justement son côté agaçant qui ressort le plus de ce personnage prêt à tout pour aller au bout de son histoire. Il y a là de vrais thèmes intéressants qui sont sous-jacents mais qui ne sont pas forcément bien traités. Certaines scènes avec ce journaliste sont ainsi expédiées à la va-vite et c’est bien dommage car il y avait là sans doute le terreau pour permettre au film de prendre bien plus d’ampleur. En restant à un niveau un peu trop superficiel et en insistant plus sur le côté individuel de tous ces événements, Sous surveillance se perd et ne parvient jamais à véritablement redresser la barre. Il y a aussi, il faut le dire, un vrai problème du côté de l’acteur principal : je n’ai rien contre Robert Redford mais il n’est ici pas très crédible. Je suis désolé mais il est censé jouer quelqu’un de 65 ans tout au plus, mais il fait bien ses 76 ans dans l’affaire. Les scènes où il court (de son plein gré ou parce qu’il est poursuivi) ont un côté un peu pathétique et presque triste. Pourquoi n’avoir pas choisi un acteur plus jeune pour se concentrer uniquement sur la réalisation ? D’ailleurs, au niveau de celle-ci, pas grand-chose à redire si ce n’est le côté plan-plan de pas mal de séquences. Redford n’est pas forcément aidé par une bande originale, composée par Cliff Martinez que l’on a connu beaucoup plus inspiré. Ici, sa musique est assez paresseuse et ne donne aucune plus-value au film.
Si certains longs métrages de Redford ont permis de découvrir ou de mettre en lumière des talents aujourd’hui reconnus, ce n’est pas avec ce film que l’on va découvrir des têtes que l’on ne connaissait pas (bien que la petite Jackie Evancho soit plutôt pas mal même tout en étant assez agaçante). En effet, on a plutôt ici un véritable défilé d’acteurs américains pas forcément extrêmement connus mais que l’on voit souvent dans des seconds rôles. Il n’est qu’à voir l’affiche française qui met en valeur pas moins de treize noms d’acteurs (rien que ça). Ainsi, le film se permet de donner un rôle riquiqui à une actrice comme Susan Sarrandon, c’est pour dire. Parfois, ça fait un tout petit peu défilé et, alors que l’on aurait envie d’en savoir plus sur chacun de ces personnages, on passe à autre chose sans autre forme de procès. Enfin, je pousse un petit coup de gueule qui n’a pas grand-chose à voir avec le film en lui-même ou qui, en tout cas, ne peut pas être imputé au réalisateur ou à son équipe mais plutôt à la société de distribution française (SND pour l’occasion) : faites attention aux sous-titres !! Cela fait plusieurs fois que je remarque des fautes ou des approximations (même si je suis loin d’être bilingue) mais alors, là, on atteint une forme de sommet puisqu’on trouve des oublis de mots, des traductions plus que discutables et surtout, une alternance dans le prénom du personnage joué par Redford et dans le nom de celui joué par Laboeuf. A une minute d’intervalle on passe de Jim à James ou de Shepard à Shepherd. Ce n’est pas si grave que cela mais ça démontre tout de même une certaine forme de je-m’en-foutisme plus que désagréable. Surtout que quand un film n’est pas forcément passionnant, on fait plus attention à ces petits détails. Et c’est malheureusement le cas ici…