La Critique
Pourtant, j'y allais vraiment le cœur léger. J'adore Pascal Elbé acteur, j'apprécie beaucoup Roschdy Zem. Je me disais vraiment qu'il y'avait moyen de faire un bon film. Et, assez vite, patatras, tout ce que je m'étais imaginé s'écroule et me voilà devant une petite heure et demie de déception. J'avais entendu qu'on parlait de ce film comme d'un Babel ou d'un 21 Grammes à la française. C'est déjà le type de commentaires qui me refroidissent un peu. Dans les faits, on a un peu de ça, même si c'est clairement en dessous, de ces deux films et ceci pour plusieurs raisons.
Si je n'avais pas particulièrement apprécié Babel (il faut que je le revoie absolument, puisque la vision au cinéma m'avait énormément déçu mais je l'attendais tellement), le traitement de l'image était particulièrement intéressant, puisqu'à chaque histoire singulière correspondait un grain de photographie particulier et cet aspect visuel était vraiment réussi. Là, dans Tête de Turc, le fait que l'unité du récit soit finalement plus importante empêche le réalisateur de jouer sur cet aspect visuel et tout le film se déroule dans une même teinte sombre et jaunâtre qui est particulièrement moche, pour le coup.
Mais c'est surtout au niveau du scénario qu'il y aurait des choses à dire et, là, c'est la comparaison avec l'excellent 21 Grammes (que j'ai revu plusieurs fois et que je trouve toujours génial) qui va faire très mal. En effet, le long métrage de Pascal Elbé possède tous les défauts du film choral de base : le « premier quart d'heure pas plus d'une minute par personnage » (grande spécialité horripilante) et vouloir se focaliser sur trop d'histoires. Dans Tête de Turc, tout s'entremêle et rien n'est approfondi : le personnage de Simon Abkarian est complètement passé aux oubliettes, la relation entre les deux frères est esquissée alors qu'elle est clairement intéressante, cette mère qui élève ses deux enfants seule n'est finalement que trop peu explorée. Quand on veut s'attaquer sérieusement à une petite dizaine de destins, déjà, on ne le fait pas en une heure et demie et ensuite (cela va avec), on les approfondit.
Moi, je préfère largement 21 Grammes où il y a trois histoires principales qui sont liées mais qui sont vraiment explorées et on n'a pas cette désagréable impression de survoler tous les personnages. Néanmoins, nous pouvons dire que le scénario n'est pas incohérent comme c'est parfois le cas dans les films choraux où tout le monde se rencontre à la fin sans que ça n'ait aucun sens. C'est dommage parce que le fond de la question est plutôt intéressant et la vision de la banlieue relativement réaliste. Il est d'ailleurs amusant de voir comment en une semaine, on passe de la vision presque idyllique (lumineuse, riante) de la banlieue dans Tout ce qui brille à celle bien plus noire (sombre, violente) de Tête de Turc : sans doute le juste milieu est-il à trouver entre les deux.