La Critique
Depuis plus de quinze ans, Sacha Baron Cohen se met dans la peau de personnages inventés qu’il se met à incarner complètement, jusqu’à parfois presque dépasser la frontière entre lui-même et ce personnage (il ne fait par exemple aucune interview en son nom propre). Il y a eu le rappeur Ali-G, le journaliste Kazakh Borat ou le journaliste de mode homosexuel Brüno. A chaque fois, le point final à l’ « aventure » entre lui et ce personnage est un film, sorte de conclusion et de reprise de tout ce qui a pu faire le sel de son avatar du moment. Depuis un an, il s’est mis dans la peau du général Aladeen, souverain d’une province inventée d’Afrique du Nord. Il surfe sans doute sur la vague des révolutions qui secouent le monde arabe depuis le début de l’année 2011. Toujours est-il que les hapennings n’ont pas manqué, notamment depuis janvier 2012 : que ce soit aux Oscars ou au Festival de Cannes, l’acteur a fait à chaque fois son show, de façon plus ou moins fine, afin d’assurer la meilleure promotion à son film. Il a même adressé un message de félicitation fictif au nouveau président français juste après son élection. Mais, après une telle débauche d’énergie avant le film, ne peut-on pas être que déçu en voyant le long-métrage lui-même ? De mon côté, c’est ce qui s’est passé car j’ai trouvé que The Dictator était vraiment une comédie d’un niveau très moyen.
Le film est annoncé comme durant 1h24, mais les producteurs ont été très larges sur le coup et, en plus, le générique est particulièrement long. On peut donc estimer que le long-métrage en lui-même ne dure qu’une heure et quart, à peine. Pour moi, on est quand même à la limite de l’arnaque, parce que payer une place pour voir 75 minutes de film, ça doit énerver. C’est surtout vrai quand le film n’est pas très bon. Car, il faut le dire, The Dictator n’est pas une grande réussite. Ce qui est assez « drôle », c’est le fait que vous pouvez à peu de choses près vous contenter de la bande-annonce. En effet, les meilleures blagues s’y trouvent quasiment toutes et, mieux encore, il y’en a certaines très drôles dans la BA et que l’on ne retrouve même pas dans le film. C’est pour dire. D’ailleurs, l’humour, parlons-en, car c’est quand même ce qui doit être la base de tout le film. Et bien, mis à part quelques passages et certaines répliques vraiment drôles, on rigole tout de même assez rarement. Il y a beaucoup de blagues trop attendues ou qui sont annoncées de tellement loin qu’elles en perdent tout leur « charme ». Et puis, en mode plaisanteries très lourdes, les scénaristes se posent là. J’ai même été choqué par pas mal d’humour assez trash, parfois à la limite du supportable et je me demande comment un enfant de huit ans peut aller voir ça (la politique d’avertissement et d’interdiction du CSA reste pour moi une forme de mystère). Globalement, ça manque beaucoup de densité, la donnée indispensable pour tout film qui se veut drôle.
En plus, The Dictator ne s’appuie pas sur un scénario en béton armé, c’est le moins que l’on puisse dire. Il est d’une simplicité tellement enfantine que c’en est presque scandaleux : le « héros » part aux Etats-Unis, se fait couper la barbe et remplacer par un sosie qui va signer un accord de paix permettant à l’oncle du Général de vendre le pétrole du pays. Le « vrai » général va devoir se retrouver et se faire comprendre dans un nouvel univers afin de déjouer ce « complot ». Cela donne forcément des situations plus que cocasses car il ne comprend pas tout ce qui lui arrive, notamment dans la relation aux autres. Mais, le tout est complètement loufoque et il y a de vrais problèmes de temporalité (tout est censé se passer en deux ou trois jours). De plus, beaucoup de passages sont tout simplement escamotés parce qu’ils étaient sans doute la preuve que l’histoire ne tenait pas debout. Le problème, c’est que, par rapport à Borat qui avait un côté un peu irrévérencieux et fou du fait que les scènes n’aient pas été écrites à l’avance et que les acteurs n’en étaient pas vraiment, The Dictator est beaucoup plus prévisible et, malheureusement beaucoup moins drôle. La fin du film, où le personnage d’Aladeen semble se repentir et fait une longue tirade sur la dictature en visant clairement chacun des pays occidentaux (« un pays où le premier ministre possède tous les médias », « un pays où les prisonniers politiques sont enfermés sur une île »,…) est un peu vaine et beaucoup trop téléguidée pour être honnête. Elle met même un peu mal-à-l’aise car elle semble tellement en dehors du côté beaucoup moins sérieux de tout le film qu’on se demande un peu ce qu’elle fait là et ce qu’elle signifie vraiment. Symbole d’un film qui se prend un peu trop au sérieux alors que, justement, la dérision et le recul sur ce qu’on raconte étaient censés être ses qualités principales. Dommage.