La Critique
C’est amusant comme, lors du générique de fin, j’avais vraiment l’impression d’être devant celui d’un film de Clint Eastwood : même équipe technique qui défile (Murakami aux décors, Tom Stern à la photographie, Joel Cox au montage,…), presque le même graphisme,… Alors oui, forcément, il y a un lien réel entre Eastwood et Robert Lorenz. Ce dernier a été pendant longtemps son assistant-réalisateur (huit films entre 1995 et 2004) mais aussi l’un de ses producteurs depuis le début des années 2000. Toutes les dernières grandes réussites du Maître lui reviennent donc aussi en partie. D’ailleurs, Clint Eastwood avait juré qu’il ne rejouerait plus après Gran Torino, et surtout pas pour un autre réalisateur que lui-même. Seul Robert Lorenz, avec qui il a une relation privilégiée, a pu le faire changer d’avis. Pour en revenir à ce générique de fin, ce qui est drôle, c’est qu’il en dit beaucoup, mine de rien, sur la façon dont Robert Lorenz se positionne par rapport à celui qui ne peut qu’être son maître à penser : débuté comme un générique traditionnel d’Eastwood – les crédits défilent devant un plan fixe –, il passe assez vite à un fond noir. C’est une façon de montrer que Lorenz ne souhaite pas se mettre complètement dans les pas du grand Clint, tout en revendiquant une forme de continuité. C’est peut-être un peu extrapolé mais cela m’a vraiment frappé. Cessons tout de même un peu, pour écrire cette critique, de comparer et de tout ramener à Eastwood, surtout que si comparaison il devait y avoir, elle ne serait pas forcément flatteuse.
Une nouvelle chance n’est en fait rien moins qu’un film sur la relation entre un père et sa fille, dans le milieu spécifique du baseball. Sans vouloir recommencer les comparaisons (promis, j’arrête, juste après), cette façon de faire ressemble quelque peu à Million Dollar Baby où la boxe n’est qu’en fait qu’une toile de fond à un drame beaucoup profond et intime. Ici, que ce soit ce sport ou un autre, cela ne changerait finalement pas grand-chose. Pour les Américains, le baseball est sans doute le sport le plus ancré dans leur culture et, par voie de conséquence, c’est aussi celui que l’on connaît le moins de notre côté de l’Atlantique. J’y ai déjà un petit peu tâté en tant que spectateur et je dois bien avouer que c’est à la fois long et pas très intéressant. Ainsi, pas mal d’éléments du film échappent un peu à un spectateur lambda qui ne connaît pas grand-chose à cette discipline (et, honnêtement, en matière de sport en général, je ne me considère pas comme un perdreau de l’année). Mais, comme j’ai déjà pu le dire, l’enjeu du film ne se trouve justement pas dans la spécificité du baseball mais plutôt dans celle de la relation entre ce père et cette fille. Celle-ci nous est montrée d’emblée comme particulièrement compliquée. La fille est en plein bouleversement car elle est peut-être en train de devenir associée dans le cabinet d’avocats où elle travaille depuis longtemps. Sa vie amoureuse est, elle, quelque peu en jachère. Elle est interprétée avec beaucoup de talent par Amy Adams (celle qui réussissait l’exploit de résister à la tornade Christian Bale dans Fighter), actrice toujours aussi douée pour des rôles pas forcément faciles, ou, en tout cas, moins évidents qu’ils en ont l’air au départ. Et il faut bien dire que ce Gus Lobel n’a pas l’air facile d’accès. Clint Eastwood, qui l’interprète, est très bon, dans un rôle étrangement semblable au personnage de Kowalski dans Gran Torino : même air buté, mêmes grognements mythiques, même façon sombre de voir le monde. Et voilà que je recommence à comparer, ce qui doit dire quand même de ce film qui ne peut se débarrasser de références trop présentes…
Pour que les deux se retrouvent véritablement, rien de tel qu’un petit voyage qui les rapprochent géographiquement mais aussi autour de la passion du père : le baseball. Mais, pendant presque deux heures, les choses n’avancent pas beaucoup entre eux, entre discussions improductives et incompréhensions latentes. Il suffira d’une seule explication du père pour que tout s’éclaire. Mais là, où certains films sont justement très forts pour montrer comment les choses ne se disent pas et comment les sentiments sont enfouis, Une nouvelle chance ne réussit pas ce tour de force en offrant un traitement qui privilégie de faux enjeux et balise tellement le film que l’on voit tout venir. Dans cette affaire purement familiale va en plus se surajouter un personnage assez improbable et qui, honnêtement, ne sert pas énormément l’histoire, sinon à lui donner un côté cucul que l’on aurait bien évité… Il s’agit d’un ancien joueur prometteur mais blessé et réduit à devenir recruteur ou commentateur. Il se joint plus ou moins au voyage du père et de sa fille et, forcément,… Tout cela converge vers un dernier quart d’heure assez terrible où tout ce que l’on ne voudrait pas voir (parce qu’on s’y attend beaucoup trop) s’enchaîne sous nos yeux, filmé en plus de façon pas très fine. Dans la réalisation, il manque clairement des grandes scènes à ce film pour lui donner un peu plus de force et le tout est globalement beaucoup trop convenu. Mais on ne peut pas dire que ce long-métrage soit mauvais. C’est juste qu’on pouvait attendre beaucoup mieux et qu’on ne peut pas s’empêcher de dire que, Eastwood, en vrai, c’est quand même mieux…