La Critique
Les films sur l’Afrique réalisés et produits par des Africains (même si l’équipe technique est ici à grande majorité française) sont suffisamment rares sur les écrans français pour que l’on puisse se réjouir de cette sortie et du visionnage de ce long-métrage. Il y a bien, parfois, quelques films issus de la production du Maghreb, mais, venant de l’Afrique noire, c’est extrêmement rare. Cela change en tout cas de la vision « occidentale » sur ce continent que des films comme The Constant Gardener, Blood Diamond ou même, dans une certaine mesure, Lord of War peuvent donner. Ces films ne sont pas mauvais, loin delà, et donnent à voir des réalités de l’Afrique contemporaine mais, en tant que spectateur, on a toujours une sorte de réserve par rapport à ce qui nous est montré, de peur que ce soit exagéré ou pas vraiment compris. Là, Viva Riva ! nous propose une véritable plongée en plein cœur de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, avec un regard forcément réaliste. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça décoiffe !
Plus qu’à Kinshasa, le film nous offre une véritable plongée dans un autre monde que je ne connaissais pas du tout, si ce n’est par des sortes d’images d’Epinal qui reviennent dans les reportages ou certains films, et encore. L’action se passe essentiellement pendant la nuit, monde interlope et fascinant où le sexe semble être à la base d’absolument tout. D’ailleurs, sur cette question, le réalisateur décide de montrer un nombre assez important de scènes de sexe parfois plutôt crue. C’est visiblement une grande nouveauté dans le cinéma africain en général (d’ailleurs, le film est interdit dans de nombreux pays d’Afrique noire). Mais ce choix montre la vraie volonté d’exposer, presque de façon documentaire, la vie frénétique et tourmentée de la capitale congolaise. Mais c’est aussi la problématique de l’argent qui est fortement présente au cœur du long-métrage. Tout ce que font les personnages, c’est pour gagner le plus possible d’argent et la corruption est partie intégrante de toute forme de relations (voir cette scène surréaliste avec le commissaire qui négocie à coup de milliers de dollars une libération). Le réalisateur n’hésite vraiment pas à montrer ces différents aspects, aussi durs et complexes soient-ils.
Le cas de la violence est aussi essentiel dans ce film où se forme une sorte de triptyque fatal qui va progressivement décimer tous les personnages (sexe-argent-violence). Celle-ci est brute de décoffrage et certaines scènes sont difficilement soutenables. Mais elle est une composante très forte de cette vie à Kinshasa, notamment la nuit, où tout le monde en est réduit à lutter pour sa propre vie. C’est vrai que ce n’est pas très optimiste, mais je crois malheureusement qu’il y a beaucoup de vrai là-dedans. L’histoire des différents personnages, et notamment de Riva, s’inscrit directement dans cette violence qui monte peu à peu au cours du film. La ligne dramatique a le mérite d’être très nette depuis le début. Il n’y a pas de surprises de ce côté-là et les enjeux sont donc déplacés dans cette façon que les personnages ont de rentrer en relation entre eux avec, toujours, les trois composantes en toile de fond. Ils se cherchent pendant tout le film, pour différentes raisons, et la tension se fait de plus en plus présente. Tout cela pour s’achever dans un dernier quart d’heure assez dantesque où, peu à peu, et de façon plus ou moins horrible, tout le monde va finir par perdre la vie.
La réalisation, elle aussi, est le reflet de cette plongée dans un autre monde. Le rythme instauré est assez particulier, fait de beaucoup de ralentis et de séquences de danse qui ne semblent pas forcément utiles. De même certains dialogues semblent complètement surréalistes, teintés d’un humour (?!) parfois décalé qui ne peut que faire sourire alors que la situation en elle-même n’est pas forcément drôle. Il y néanmoins quelques séquences, notamment les scènes d’action, où on sent une forte influence de ce qui se fait dernièrement dans les films occidentaux. Beaucoup de personnes dans la salle ont ri à différents moments alors que ça ne s’y prêtait pas du tout. Je pense que c’était plus dû à de la surprise, voire de la gêne, face à une forme de cinéma qu’ils découvraient. Moi-même, j’ai été plutôt interloqué devant plusieurs séquences, mais quand on va voir ce genre de films, il faut accepter de rentrer dans un nouveau « monde » et surtout, en admettre les codes, au risque qu’ils choquent ou, tout simplement, posent question. Les acteurs, eux-mêmes, la plupart amateurs, permettent de donner aussi ce côté vraiment réaliste. Hoji Fortuna, qui joue le rôle de Cesar, est, lui, assez incroyable : un des méchants les plus flippants et les plus dingues de ces dernières années, tout en colère rentrée et en phrases assassines.