La Critique
Les deux sœurs Coulin perpétuent la tradition actuelle du cinéma français de jeunes réalisatrices qui, dans la ligné de Céline Sciamma ou Mia Hansen-Løve notamment. Souvent issues des mêmes parcours – la FEMIS (l’école nationale des métiers de l’image et du son) notamment –, elles ont aussi tendance à parler un peu des mêmes choses et notamment de l’adolescence et du passage à l’âge adulte. C’était vraiment le cas dans Naissance des Pieuvres, un peu moins dans Un amour de jeunesse. Pour ce film, les sœurs Coulin décident de prendre pour base un faits-divers pour le moins troublant : une quinzaine de filles d’un lycée tombent enceinte la même année. Un point de départ vraiment intéressant mais pas forcément très bien exploité.
Il y a quelque chose de vraiment intéressant dans ce film, c’est la façon dont il se concentre uniquement sur la vision de ces filles. En effet, les garçons sont complétement absents et vus uniquement comme le moyen d’être enceintes pour ces jeunes filles. Les parents sont à peine plus présents mais presque toujours sous l’angle de la répression ou, au moins, de la remise en question. Ce sont surtout ceux à qui on essaie d’échapper par tous les moyens. C’est vraiment sur ces adolescentes, et encore, sur certaines de celles-ci, que le film porte. Le film permet de comprendre la vraie contradiction qui existe chez ses filles entre leur volonté de s’émanciper (par le fait de faire un bébé) et leur comportement hautement puéril (elles continuent de boire, de fumer,…). C’est bien là que se situe le cœur du long-métrage.
Ce qui est un peu moins réussi, c’est que, finalement, on ne comprend pas trop ce qui pousse réellement ces filles à suivre une des « meneuses » à faire des enfants. Tout d’un coup, l’une se retrouve enceinte, puis une autre, sans trop qu’on sache pourquoi. Cela ne permet pas au film de dépasser vraiment le simple faits-divers et d’aller plus loin, dans une approche plus « soci(ét)ale » de cet évènement tout de même un peu hors-norme. Cela donne un film sur l’adolescence sans vraiment en être un puisqu’il n’explore pas complètement les véritables rouages de l’évolution des jeunes à cette période de leur vie et les raisons profondes qui poussent 17 adolescentes à avoir en même temps un enfant. C’est un peu dommage car il y avait là matière à faire quelque chose de vraiment intéressant.
Lors de différents passages, j’ai vraiment repensé à Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, qui m’avait donné l’impression d’être lent pour être lent, et où certaines scènes étaient vraiment en trop, sans vraiment d’explication rationnelle ou logique. Il y a un peu de ça parfois dans 17 filles dans la façon dont certaines séquences semblent un peu « hors sujet ». Néanmoins, l’image est toujours de qualité et on sent au moins qu’il y a ici une vraie vision cinématographique autour de ce film, notamment une vraie volonté de montrer le cadre de vie de ces jeunes filles (qui pourrait être une explication à leur désir). Lorient et ses alentours sont particulièrement filmés et peuvent presque être vus comme un personnage à part entière. Il reste juste à espérer que les deux sœurs suivent le chemin que Céline Sciamma qui a réussi à se réinventer quelque peu tout en gardant sa singularité et qui, de fait, nous a offert, avec Tomboy, un beau film. C’est tout ce que je peux leur souhaiter, à elles, mais aussi au cinéma français dans son ensemble
Ce film donne aussi l’occasion de revoir de jeunes actrices marquantes dans d’autres films. Il est d’ailleurs assez amusant de voir que deux actrices jouant dans les films récompensés de la Palme d’Or, en 2008 (Entre les murs) et 2009 (Le ruban blanc), sont dans 17 filles les comédiennes qui marquent le plus. Roxane Duran était déjà assez formidable dans le film de Michael Haneke et là encore, dans un plus petit rôle, elle arrive vraiment à faire passer quelque chose. Mais c’est surtout le cas de Louise Grinberg, déjà remarquée en délégué de classe chez Laurent Cantet, et à qui est offert le plus grand rôle du film et qui l’assume avec aplomb. Elle a une réelle présence et on sent là qu’on tient une vraie actrice de cinéma. À se demander comment l’Académie des Césars a pu l’oublier dans sa présélection de 15 actrices pour être élue Meilleur Espoir Féminin. Parfois, il ne faut pas chercher plus que ça…