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AUGUSTINE

A la fin du dix-neuvième siècle, à la Pitié-Salpêtrière, le Professeur Charcot mène des travaux sur l’hystérie. Lorsqu’Augustine, sujette à de très graves crises et paralysies rentre dans cet hôpital, il va en faire son objet de recherche principal.
Verdict:
Un premier film assez fort qui a le mérite de s’intéresser à un sujet assez méconnu et de le traiter plus que correctement, notamment grâce à deux acteurs plutôt formidables. Il est juste dommage que la réalisation soit parfois à ce point démonstrative.
Coup de coeur:

Soko

La date de sortie du film:

07.11.2012

Ce film est réalisé par

Alice WINOCOUR

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Réaliser son premier film sur un sujet comme celui-là est tout de même assez osé. C’est en tout cas le pari qu’a fait Alice Winocour, jeune réalisatrice, sortie de la FEMIS (la fameuse école de cinéma), mais dans la section « scénariste ». D’ailleurs, elle a participé à l’écriture de quelques films avant de décider de passer véritablement derrière la caméra. Elle était présente à la fin de cette séance en avant-première et, visiblement, le sujet qu’elle a décidé de traiter lui tient beaucoup à cœur et elle s’y est beaucoup investie, tant dans le travail préparatoire de recherche documentaire sur des éléments finalement assez peu connus, que dans la construction d’une œuvre de fiction autour de bribes de réalité. Ce qui est intéressant, c’est que par rapport à ses « collègues » de la FEMIS, Alice Winocour se démarque très franchement. Par rapport à des films comme Naissance des pieuvres, Un amour de jeunesse ou 17 filles, tous réalisés par de jeunes réalisatrices et qui avaient en commun certains éléments, notamment dans la façon de réaliser et dans des sujets pas si éloignés, Augustine a un côté beaucoup plus « fort » mais aussi plus « mûr ». Le sujet l’impose, bien sûr, mais la réalisation d’Alice Winocour renforce cette impression, bien que ce soit, comme nous le verrons, un peu trop poussé.

Ce qui est plutôt bien rendu dans Augustine, c’est l’ambiance assez incroyable qui pouvait exister dans cette partie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Enormément de femmes étaient internées pour des problèmes d’hystérie et seuls les médecins rompaient avec cet univers uniquement féminin. Il y a là un regard assez étrange de ces quelques hommes sur ces femmes qu’ils dénudent pour des besoins de médecine et qui sont objets de fantasmes autant que de dégoût pour eux. D’ailleurs, toutes les « leçons » font aussi partie de ce processus puisque le Tout Paris (scientifique ou non) se déplaçait pour voir les crises érotiques de ces femmes et, donc, pour se « rincer l’œil », sous couvert de recherche de découvertes médicales. Il y a bien quelque chose de complètement malfaisant et de dérangeant dans cette façon de faire et Alice Winocour s’en empare avec force. D’ailleurs, toute la relation qui se joue entre le professeur Charcot et Augustine se retrouve dans ce rapport complexe entre science et voyeurisme, entre maladie et érotisme. C’est là qu’est le véritable enjeu de tout le long métrage et la réalisation parvient très bien à rendre cet aspect plus qu’important dans tout le film.

Augustine est bien écrit car on voit peu à peu le renversement qui s’opère entre cette jeune femme et celui que l’on peut alors considérer comme son maître. D’objet scientifique, elle devient peu à peu objet de désir. Et tout cela dans un univers à la fois réaliste (grand soin apporté aux décors et costumes) mais aussi un peu fantastique (certaines séquences font référence au cinéma de genre). Cette évolution se fait par petites touches, de manière plutôt intelligente, notamment dans la façon dont, peu à peu, ces deux personnages se retrouvent de plus en plus souvent seuls l’un avec l’autre, en dehors de tout protocole médical. Alors qu’Augustine n’était au départ qu’une patiente perdue dans une foule immense de jeune femme, elle devient unique et on ne voit plus ses congénères d’infortune. C’est vraiment là que se trouve la grande force du film, aussi possible parce que la réalisatrice possède deux acteurs de talent. Un que l’on connaît et qui nous déçoit (très) rarement : Vincent Lindon, très bon dans ce rôle loin d’être évident tant les dimensions psychologiques et physiques sont liées chez cet homme. Face à lui, Augustine est interprétée par Soko, actrice et chanteuse assez rare, qui est très impressionnante dans ce mélange de naïveté mais aussi de force qui caractérise son personnage.

Par contre, Augustine n’est pas exempt de tout défaut, malheureusement. Le premier, et qui concerne aussi directement le scénario, tient dans le rôle joué par le personnage de la femme de Charcot. Il est plus que frustrant car il est à la fois assez présent pour qu’il soit intéressant et qu’on ait envie d’en savoir un peu plus mais pas assez développé et toujours un peu laissé en suspens. C’est dommage car, lors de ses apparitions, elle semble vraiment avoir un rôle dans la carrière de son mari puisque c’est elle qui détient les contacts qui lui permettront de faire connaître ses recherches. Et dans sa réalisation, Alice Winocour a une petite tendance à être trop démonstrative. Par là, j’entends qu’elle prend un peu trop le spectateur par la main en lui indiquant à peu près tout. C’est d’ailleurs assez étrange car l’histoire en générale et le scénario laissent une vraie part de mystère (comme celui qui entoure cette maladie, d’ailleurs) mais, en utilisant une musique trop présente et trop typée, et en insistant beaucoup sur les plans très serrés (je pense avoir rarement vu un film avec autant de gros plans, c’est incroyable), elle surligne beaucoup trop son propos, peut-être par peur que les choses ne soient pas forcément comprises. Mais ce propos est au départ assez fort pour lui permettre d’éviter ce travers quelque peu agaçant. Mais, dans l’ensemble, pour un premier film, on peut tout de même dire qu’Alice Winocour arrive à réaliser un film qui a un grand mérite : celui d’avoir une vraie singularité, notamment dans son sujet, à la fois dérangeant et parfois passionnant.



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