La Critique
Je suis un très grand amateur des écrits de Guy de Maupassant et notamment de son livre Bel-Ami. J’ai toujours trouvé ce roman assez impressionnant dans la façon qu’il a de décrire l’ascension vertigineuse d’un homme qui réussit en partant de rien. Ce George Duroy est le symbole même de l’arrivisme, mais, pour autant que je m’en souvienne, Guy de Maupassant arrive à faire que ce personnage ne soit pas antipathique à la lecture du roman. Après une adaptation très ancienne au cinéma (dans les années 50), il était étonnant que personne n’ait entrepris le projet de refaire un film sur un héros tout de même plutôt intéressant. Et voilà qu’il y a un an, j’apprends que ce sont des Anglais qui se sont emparés du scénario pour en faire un nouveau long-métrage. Personnellement, je trouve cela un peu dommage qu’aucun réalisateur français n’ait souhaité redonner une nouvelle jeunesse à cette histoire, qui, en plus, peut passer pour incroyablement moderne. Surtout que, quand on voit le résultat, il y a vraiment de quoi se dire qu’il était possible de faire beaucoup mieux. En même temps, ce n’est pas très dur tant cette adaptation est ratée à tous les points de vue.
C’est marrant comme en une minute et deux plans, on est à peu près fixé sur ce qu’on va voir. Tout est en effet condensé dans la première séquence du film : l’aspect totalement illustratif de tout le film, la musique beaucoup trop présente, une volonté de styliser et un Robert Pattinson pitoyable. Partant de là, il y a assez peu d’espoirs pour la suite du film et, malheureusement, pendant une heure trente défile devant mes yeux à peu près tout ce que je peux redouter au cinéma, surtout pour l’adaptation d’un livre que j’apprécie beaucoup. Ce qui est particulièrement marquant dans ce film, c’est la façon dont il est complètement démonstratif : tout est montré, remontré et surligné. Au bout d’un moment, on voit arriver les plans de loin puisque c’est toujours construit de la même manière. Rien n’est fin, rien n’est vraiment intelligent puisque les réalisateurs prennent le « soin » de toujours en rajouter une couche pour être sûr que le spectateur comprenne bien le propos. Ce sont par exemple des plans resserrés inutiles sur des visages, des mouvements de caméra bien plus parasites qu’autre chose, et des séquences totalement ineptes… Parfois, on ne peut même qu’en rire tant le trait est grossier (le premier repas avec George Duroy et les trois femmes dont il se servira pour grimper dans la hiérarchie offre un immense numéro de grotesque).
Tout ce côté bien trop illustratif masque le fait que les scénaristes n’ont pas du tout réussi à tirer la substance de ce livre pourtant vraiment intéressant. Le tout est complètement plat et c’est même à s’interroger sur la façon dont on peut s’y prendre pour autant passer à côté d’un sujet. La seule chose qui semble véritablement intéresser le scénario, c’est le fait qu’il couche avec trois femmes en même temps à un certain moment. Jamais, on ne va véritablement plus loin que cela. En même temps, dès que le film s’essaie un peu à un minimum d’explication ou de profondeur, on voit vite que ça ne colle pas dans la réalisation. En fait, Bel-Ami apparaît comme une adaptation complètement bâclée parce que le fond du roman n’est pas du tout mis en scène. Les évènements importants passent de façon beaucoup trop rapide. Seul le côté superficiel reste, notamment dans cette vision du Paris de la fin du dix-neuvième siècle qui n’est pas si mal rendue, même si entendre parler anglais avec sans cesse des noms français a quelque chose à la fois d’agaçant mais aussi de terriblement absurde. Les personnages, eux, par contre, sont tout complètement vidés de leur substance et apparaissent comme des sortes de pantin dont on ne sait trop qui tire les ficelles.
En plus, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas la performance des acteurs et actrices qui sauvent le tout. De mémoire, comme ça, je ne me souviens pas d’une performance d’ensemble aussi pitoyable. Il y aurait bien Nine mais le fait que ce film était une comédie musicale change un peu la donne. Là, si on prend les quatre interprètes principaux, il n’y a absolument rien à en tirer. Kristin Scott Thomas en fait des caisses à chacune de ses apparitions et Christina Ricci passe son temps à minauder bêtement. Ca, c’est pour les deux « meilleures » performances. Parce que Uma Thurman et Robert Pattinson placent la barre très très haut dans les sommets du ridicule. L’actrice, elle, en rajoute tellement dans tout ce qu’elle entreprend que c’en devient souvent très drôle. Et Roobert Pattinson me prouve une nouvelle fois qu’il n’est pas un bon acteur. Il ne donne son personnage aucune « vie », aucune réalité. Il n’est pas aidé par le scénario, c’est vrai, mais quand même… En arriver à un tel niveau alors qu’on doit interpréter un héros comme celui-ci, c’est quand même particulièrement désolant…
Pourtant, ce qui est le plus fascinant, c’est que le roman Bel-Ami offre vraiment une histoire intéressante et surtout un personnage très fort. Il y a donc vraiment de quoi faire un bon film. Mais quand, à tous les niveaux, il y a défaillance, c’est compliqué de s’en sortir, même avec le meilleur sujet du monde. Je lance donc un appel solennel à un cinéaste sérieux : s’il vous plait, faites une adaptation de ce roman bien plus réussie et je serai le premier à y aller pour effacer en partie le souvenir funeste de ce Bel-Ami impitoyablement mis en pièce par nos amis d’outre-Manche… Guy de Maupassant ne méritait pas ça, et les spectateurs que nous sommes non plus…