La Critique
Claude François fait partie de ces personnages un peu à part dans le paysage historico-culturel français. Presque trente-cinq ans après sa mort en 1978, ses chansons passent encore dans de nombreuses soirées, des débats ont encore lieu sur sa véritable place dans l’histoire de la culture populaire française et son style général continue de faire rêver. C’est donc tout naturel qu’il ait droit à son film sous forme de biopic comme Edith Piaf avant lui (La Môme) ou Gainsbourg (dans une version un peu décalée, pour le coup). Le film Podium, lui, ne s’intéressait pas à l’artiste mais plutôt au mythe à travers l’histoire de cet homme qui se veut sosie de la star. Florent-Emilio Siri, lui, choisit une voie beaucoup plus classique, en se basant sur un scénario parfaitement linéaire et nous propose un portrait asse convenu du personnage. Il faut dire que la présence des deux fils de Claude François en tant que producteurs exécutifs n’a pas vraiment du favoriser une vision vraiment originale autour de ce personnage tout de même particulier.
Ce film a le mérite de nous retracer toute la vie du chanteur, de sa naissance et son enfance en Egypte à sa mort accidentelle alors qu’il est au sommet de sa gloire. On voit les différentes ruptures qui marquent son ascension, notamment son départ forcé d’Egypte ou le conflit avec son père qui ne « veut pas d’un fils saltimbanque ». Cela nous permet un peu mieux de comprendre le personnage, ses obsessions, et sa volonté de toujours faire mieux. Le côté précurseur du chanteur est aussi mis en avant. Premier à créer sa propre maison de production ainsi qu’un magazine, Claude François aura révolutionné les codes de la chanson de l’époque. En suivant les modes, notamment venues d’Angleterre ou des Etats-Unis, il aura aussi toujours été à la pointe de ce que les gens attendaient. Bref, les aspects importants de sa vie, tant personnelle qu’artistique, sont brossés, mais le problème, c’est que le long métrage est beaucoup trop « sage » et manque un peu de vie. En tant que spectateur, on ne s’ennuie pas vraiment mais ce n’est pas non plus l’extase.
Il y a des ellipses assez étranges ou des accélérés troublants sur certains moments de sa vie, comme s’il se passait des choses que l’on ne voulait pas montrer. Des pressions des producteurs associés y seraient-ils pour quelque chose ? Il en est de même avec la problématique du sexe. Loin de moi l’idée de voir Claude François tout le temps au lit, mais étant donné qu’il était connu pour être un grand séducteur, je trouve personnellement cela un peu étrange que cela ne soit qu’évoqué et suggéré (de façon plus ou moins fine, d’ailleurs) mais jamais montré de façon plus explicité. Là encore, c’est un parti pris qui peut s’expliquer par la présence des fils dans l’élaboration de tout le film. Sans être non plus une ode au personnage, puisque certains de ses mauvais côtés sont montrés (jaloux, maniaque,…), Cloclo semble tout de même éluder pas mal de choses peut-être un peu plus embarrassantes sur le chanteur, et c’est un peu dommage. De plus, dans la réalisation, Florent-Emilio Siri n’apporte rien de nouveau. Il se contente vraiment d’accompagner sans d’idée forte un scénario peut-être trop linéaire pour être réellement exploité avec force. Là où Joan Sfar cherchait avec Gainsbourg (vie héroïque) un axe original autour duquel développer et interroger le mythe (même si ça ne m’a pas plu), Florent Emilio Siri est bien plus dans une illustration assez scolaire, et parfois, presque désincarné. Même Alexandre Desplat, qui signe la musique du film, n’est pas très inspiré avec un thème un peu mollasson repris parfois à satiété pendant le long métrage.
Néanmoins, la performance assez hallucinante de Jérémie Rénier donne tout de même du coffre à ce film. Il incarne réellement l’ancienne idole des jeunes en réussissant à jouer sur le contraste permanent entre le personnage public souriant et charmeur et le personnage privé beaucoup plus renfermé et nerveux. Pour l’occasion, je vais remettre sur le tapis mon idée de créer assez rapidement une récompense à part pour les imitations de personnages car ce n’est pas du tout la même chose qu’un rôle de composition. C’est même difficilement comparable et, de plus en plus, dans les différentes nominations, on retrouve ces rôles, de surcroît souvent primés. Attention, cela n’enlève absolument rien à la superbe performance d’acteur de Jérémie Rénier, que je considère depuis très longtemps comme un excellent acteur. Un seul bémol (c’est le cas de le dire) dans son rôle, mais ce n’est pas de son fait : la qualité des playbacks qui est insuffisante : il y a trop souvent des décalages, parfois assez grossiers, et cela gâche le tout.