La Critique
Ursula Meier est une réalisatrice franco-suisse, née (je viens de l’apprendre) à Besançon (et oui, ça arrive même aux meilleurs !). L’enfant d’en haut est son deuxième film après Home (non pas le documentaire de Yann Arthus Bertrand), film que je n’avais pas vu mais qui était visiblement, de ce que j’avais pu en entendre dire, assez déroutant. Là, c’est beaucoup moins le cas puisque son dernier long métrage est de facture assez classique dans la réalisation (peut-être même trop…) et reste dans des sentiers plutôt balisés, notamment par les Dardenne. On ne peut pas non plus dire qu’Ursula Meier imite complètement les deux frères belges les plus connus du cinéma mais, par certains aspects, ce film ressemble beaucoup à leurs longs métrages, et notamment leur dernier ([url=http://www.timfaitsoncinema.fr/critique-le-gamin-au-velo--308.html]Le gamin au vélo[/url]). Néanmoins, L’enfant d’en haut reste une œuvre singulière, plutôt de qualité, comme le prouve d’ailleurs le prix spécial du jury obtenu au dernier festival de Berlin, ce qui est toujours une bonne indication.
Le long-métrage débute vraiment comme un film des Dardenne : on suit ce jeune garçon dans cette station de ski où il vole ce qu’il peut. Puis il redescend dans la vallée, se change et rentre chez lui en trainant ce qu’il a volé dans une luge. En dix minutes, tout est montré, presque sans paroles et à la limite d’une réalisation de documentaire. Vision assez terrible, renforcée par le fait que, à son retour, sa sœur semble complètement absente et vient même de perdre son boulot. On comprend alors que si le garçon vole, ce n’est pas pour son plaisir mais bien pour survivre mais aussi pour subvenir aux besoins de sa sœur. On le voit aussi revendre ses produits, se débrouiller pour les faire passer pour neufs ou, au contraire, pour déjà utilisés. Il est aussi obligé de se mettre en cheville avec un saisonnier anglais qui a compris son manège. Les deux personnages sont plutôt bien joués par leurs interprètes, sans que ce soit non plus exceptionnel. De toute façon, le rôle de la sœur permet à Léa Seydoux de faire la tête la plupart du temps, ce qui lui va visiblement très bien…
Le problème qui se pose alors est que, pendant presque une heure, on reste dans une sorte de faux rythme et on ne voit pas bien comment l’histoire pourra réellement aller vers quelque chose d’autre. Ce n’est donc pas forcément déplaisant, parce que ce n’est pas si mal tourné que ça, mais tout de même un peu long et répétitif. En fait, en tant que spectateur, on attend qu’il se passe quelque chose, sans que ça vienne vraiment. Cependant, L’enfant d’en haut fait partie de ces films qui basculent en une seule réplique. Là, c’est ce que dit le garçon au nouveau copain de sa sœur, qui change toute la perspective que l’on avait depuis le début. Et pour tout dire, elle n’embellit pas forcément le tableau général. Cette scène en particulier est vraiment impressionnante car on sent une montée progressive de la tension dramatique mais, en tant que spectateur, j’ai été vraiment surpris par ce qu’il advient finalement.
Pendant presque une demi-heure, dans la deuxième moitié, le film devient vraiment plus beau avec des passages assez magnifiques. La surprise de cette découverte nous fait voir les relations entre les personnages tout à fait différemment et c’est peut-être pour cela que j’ai eu l’impression que le film était meilleur à ce moment-là. Tout de même, la réalisatrice prend plus le temps de vraiment s’attarder sur la psychologie de ces deux êtres en grande difficulté, notamment lors d’une scène assez marquante, parce qu’extrêmement dure psychologiquement (celle du coucher, je n’en dis pas plus). Cette évolution permet à Ursula Meier de changer de rythme et de sortir d’une réalisation parfois un peu mollassonne et paresseuse qui caractérisait la première heure. Malheureusement, elle y retombe dans la toute dernière partie, qui achemine tranquillement le long métrage vers une fin un peu trop prévisible, même si le dernier plan est plutôt beau et révélateur de ce qui a pu se passer chez les personnages. Une fin un peu à la Dardenne, une nouvelle fois, pour un film qui, s’il ne renouvelle pas le genre d’un cinéma social, en offre une belle illustration.