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TimFaitSonCinema
Maud est une cinéaste célèbre. Elle est victime d’un AVC et doit réapprendre à vivre. Alors qu’elle regarde la télé, elle tombe en admiration devant Vilko, connu pour être un arnaqueur de célébrités. Elle va le rencontrer car elle le veut comme acteur de son prochain film. Mais leur relation va vite évoluer…
Verdict:

Abus de faiblesse est un film assez dérangeant par moments et qui ne peut laisser indifférent. Mais il manque encore un peu plus de recul et un plus grand degré d’analyse pour lui donner plus d’intérêt. Isabelle Huppert, elle, est assez formidable.

Coup de coeur:

Isabelle Huppert

La date de sortie du film:

12.02.2014

Ce film est réalisé par

Catherine BREILLAT

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Etrangement, ce film ne commence pas par le fameux carton « Inspiré de faits réels ». Pourtant, là, c’est vraiment le cas et ce qui est assez incroyable, c’est que la cinéaste Catherine Breillat raconte avec ce film sa propre histoire, ou en tout cas comme elle a l’impression de l’avoir vécue. Et c’est un geste cinématographique assez dingue car elle se met véritablement en scène dans toute sa détresse, physique et psychologique. Même si cette affaire a été jugée il y a deux ans et que celui qui l’a abusé (le fameux Christophe Rocancourt, celui que l’on surnomme encore « L’escroc des stars ») a été condamné à de la prison et à presque 600 000 euros d’amende, il n’en reste pas moins que c’est ici la cinéaste qui nous donne sa version des faits. D’ailleurs, Rocancourt attaque le film en justice pour atteinte à la vie privée. A côté de cela, Breillat continue d’affirmer que son film n’est qu’une œuvre de fiction et qu’il ne s’agit à aucun moment d’une forme d’exutoire ou de vengeance. Pourtant, rien que le titre (qui a un sens juridique très précis) permet de placer le film dans ce contexte judiciaire et donc, d’une certaine façon de polémique. En tout cas, cela aura fait parler, surtout dans un contexte où les affaires autour de cette question de l’abus de faiblesse se multiplient un peu partout (Liliane Bettencourt ou Albert Uderzo pour ne citer que les plus célèbres dernièrement). Il faut dire que c’est une vraie problématique, et si on essaie de prendre au mot la réalisatrice, on peut tenter de voir Abus de faiblesse uniquement comme une fiction et donc comme la description d’un engrenage qui conduit une personne à être sous l’emprise d’une autre. Dans son film, Breillat montre un peu tout cela, mais pas assez à mon goût, ce qui donne un long métrage qui a l’air presque un peu inachevé.

Là où le travail de Catherine Breillat est assez impressionnant, c’est vraiment dans cette manière qu’elle a de faire un film sur elle-même et d’avoir un regard qui, finalement, n’est pas très complaisant. En effet, cette Maud apparaît au spectateur comme un personnage assez insaisissable. Par moments, on a vraiment envie de la plaindre et, dans la minute suivante, on passe à un sentiment inverse tant elle est agaçante. C’est donc plutôt intéressant car, grâce à cela, le film peut être qualifié d’assez trouble. En plus, c’est à certains moments particulièrement dérangeant car le spectateur est placé dans une situation de voyeur face à des scènes particulièrement pénibles où toutes les difficultés d’une personne handicapée sont étalées au grand jour (par exemple pour ouvrir un paquet de jambon, scène vraiment pas agréable). C’est de ce point de vue pas inintéressant mais là où je trouve que le film rate réellement sa cible, c’est dans cette manière de montrer ce qui explique et ce qu’implique cette rencontre avec Vilko. En effet, on les voit assez souvent ensemble mais on ne saisit véritablement ce qui a pu attirer Maud (pour Vilko, on comprend assez vite pourquoi il reste). Leur relation se déroule ainsi, sans que l’on en appréhende les réels tenants et aboutissants. C’est vrai que c’est sans doute quelque chose qu’il est compliqué à saisir pour Breillat elle-même mais c’est bien là qu’était l’enjeu principal de son film. La fin, sans doute le moment le plus fort du film, nous permet de comprendre quelques éléments mais ça reste trop faible car tout le côté psychologique est un peu évacué. Cela est sans doute aussi du au fait que le personnage de Vilko n’est pas si intéressant. Il est bien plus brut de décoffrage que réellement manipulateur. Ainsi, sur la problématique de l’abus de faiblesse en elle-même, on reste un peu sur notre faim.

Abus de faiblesse avance toujours sur le même rythme, avec des scènes qui ont tendance à se ressembler. On sent bien qu’on avance vers une forme de déchéance inéluctable, qui passe par des stades intermédiaires parfois un peu trop marqués. Le cœur du film est notamment marqué par quelques longueurs assez regrettables. Ce qui est assez amusant, c’est que jusque dans le choix du duo d’acteurs pour jouer ce couple, Catherine Breillat reproduit presque le même schéma que dans la réalité avec, d’un côté, Isabelle Huppert, actrice connue et reconnue et, de l’autre, un débutant, en la personne de Kool Shen. Forcément, cela donne une rencontre assez étonnante. Parlons déjà du second cité qui, avec ce film, débute véritablement au cinéma (et rejoint ainsi dans cette « grande famille » JoeyStarr, son compère de l’époque NTM). Il fait plutôt pas mal le boulot en jouant beaucoup sur son côté brut de décoffrage. Sa performance ne m’a pas ébloui mais, pour un début, c’est intéressant. Face à lui, il trouve une des plus grandes actrices françaises de sa génération qui, ici encore, étale toute sa classe et sa faculté à jouer à peu près tout ce qui est possible. Au-delà de la performance physique (jouer quelqu’un d’hémiplégique n’est pas évident), elle arrive à faire passer toutes les émotions de son personnage et nous le rendre successivement proche ou antipathique. La dernière image du film, centrée uniquement sur sa tête, est assez impressionnante car on peut réellement lire sur son visage tous les sentiments mêlés qui font de sa rencontre avec Vilko quelque chose de réellement particulier. Il est juste un peu dommage que Abus de faiblesse n’ait pas réussi à sonder davantage cet aspect qui rend cette histoire finalement assez fascinante. Avec ce film, elle l’est beaucoup moins…




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