La Critique
Pablo Larrain, le réalisateur, connaît bien la dictature du Général Pinochet et il s’y est d’ailleurs toujours intéressé à travers ses films précédents. Après avoir traité du coup d’état de 1973 qui a mis l’homme au pouvoir mais aussi de la vie sous ce régime, il a décidé de refermer une sorte de « trilogie » sur les pages sombres de l’histoire de son pays. Pour cela, c’était la fin de Pinochet qui devait donc être mise à l’écran. Et, ce qui est bien vrai, c’est que celle-ci est assez unique dans l’histoire puisque ce dernier a été déchu après un référendum qu’il avait lui-même organisé, sous la pression des occidentaux, afin de légitimer son pouvoir. Personne ne le voyait perdre et le tout ne devait être qu’une formalité. Mais les choses ne se sont pas vraiment passées comme espérées (et redoutées par d’autres)… Pour montrer ce grand bouleversement, Larrain choisit un angle un peu décalé : celui de la campagne télé qui a bien aidé le Non à l’emporter. En effet, les opposants au régime avaient droit à quinze minutes par jour, à la télévision nationale, pour faire passer leurs idées. S’intéresser à cette campagne de cette façon n’est pas une mauvaise idée en soi. Le problème, c’est que No est beaucoup trop répétitif et il y manque pas mal de choses pour faire un vrai bon film.
Ce qui est intéressant, c’est de voir tout cela à travers les yeux de ce jeune publicitaire, qui est très loin d’être un illuminé. Lui travaille dans une société où son boulot, c’est de faire vendre. On l’approche pour un rôle de conseiller dans la campagne du Non et il accepte mais on sent que c’est plus le challenge intellectuel qu’un véritable engagement idéologique qui l’anime à ce moment-là. D’ailleurs, pour bien prouver cela, on voit quelques scènes avec sa compagne qui, elle, pour le coup, est dans l’opposition radicale et finit presque toujours en prison. . Elle lui reproche beaucoup sa tiédeur. Cet homme qui est au centre du film a donc un côté un peu un peu ambigu qui n’est pas inintéressant et qui donne une vraie plus-value au film et qui lui évite de tomber dans le simple film de lutte. D’ailleurs, la performance toute en simplicité de Gael Garcia Bernal renforce cette impression. Avec son air également triste et presque mélancolique, il n’est clairement pas un enragé mais plutôt quelqu’un qui veut faire au mieux son travail. Mais, à mon goût, ce personnage n’est pas assez creusé. On le suit plus qu’on ne l’accompagne véritablement avec ce film. On sent que, peu à peu, il s’engage de plus en plus politiquement dans ce qu’il fait mais ce n’est jamais montré clairement et c’est en partie frustrant car il y a là un terreau qui pourrait être vraiment fertile. D’ailleurs, on pourrait faire ce reproche à tout le film puisque si on comprend bien le mécanisme de mise en place de cette campagne et son évolution au cours des semaines de diffusion, on a du mal à vraiment percevoir son impact sur la population pour en arriver à un résultat étonnant. Le film ne s’intéresse pas du tout à cela et je trouve que c’est dommageable.
Dans l’ensemble, No tourne en rond et au bout d’un moment, l’ensemble devient un peu long car répétitif. C’est là le problème principal d’un film qui, pourtant, ne manque pas d’un certain humour grinçant pas désagréable du tout. On a l’impression de toujours voir un peu les mêmes séquences (discussions autour de la campagne, tournage, réponse du camp du oui, intimidations…). D’ailleurs, cela est renforcé par le choix esthétique qui est fait et qui est, au premier abord, assez déroutant. En effet, l’ensemble du long métrage est filmé avec une caméra et dans un format identique à ce qui se faisait à l’époque. On est donc très loin du numérique actuel et l’image est particulièrement mauvaise (à nos standards actuels). Au début, c’est plutôt drôle et je pensais qu’au bout d’un moment, on reviendrait à quelque chose de plus conventionnel. Mais non. Alors, forcément, à la longue, ça commence sérieusement à agacer. Mais pourquoi un tel choix ? Je pense que cela permet à Pablo Larrain d’inclure directement les images d’archives (notamment des pubs) au cœur de son long métrage. Le tout donne donc un maelstrom parfois assez difficilement déchiffrable entre ce qui tient de la « réalité » et de la fiction. C’est un parti-pris qui est culoté mais auquel je n’adhère pas car je trouve à la fois que, visuellement, ce n’est pas forcément réussi, et ensuite que cela renforce l’aspect très linéaire et répétitif de No. Quand je vois qu’il a été nommé à l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère, je me dis que, cette année, la concurrence ne devait pas être bien rude parce que c’est quand même très loin d’être le film du siècle.