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TimFaitSonCinema
Après dix-huit mois de prison, Alain Evrard est obligé de revenir vivre chez sa mère. Mais leur relation est loin d’être simple, pleine de non-dits et de colère passée. Il découvre alors que sa mère est condamnée par la maladie. Quel impact cela aura-t-il sur leurs sentiments l’un envers l’autre ?
Verdict:
Un film vraiment très impressionnant dans la façon qu’il a d’attaquer un sujet très compliqué d’une façon digne et pudique. Et quel numéro d’acteurs : les trois principaux sont vraiment époustouflants. Quelques heures de printemps m’a mis une claque, une vraie.
Coup de coeur:

Hélène Vincent

La date de sortie du film:

19.09.2012

Ce film est réalisé par

Stéphane BRIZÉ

Ce film est tagué dans:

Drame familial

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 La Critique


Stéphane Brizé est un réalisateur dont j’entends parler depuis un certain temps et je n’étais bizarrement jamais allé voir l’un de ses films. Pourtant, on m’a vraiment toujours dit du bien de Je ne suis pas là pour être aimé (surtout) ou encore de Mademoiselle Chambon. Je m’étais donc promis d’aller voir son nouveau film. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’avec Quelques heures de printemps, Stéphane Brizé s’attaque à un sujet à la fois compliqué et polémique : l’assistance à la fin de vie. Sur ce type de problématique, il y a d’immenses chances de passer à côté et de se planter dans les grandes largeurs, soit en en faisant trop dans le côté lacrymal, soit en cherchant « bêtement » à exposer une thèse, sans véritablement s’interroger sur l’inverse. Le réalisateur, lui, face à une question aussi complexe, choisit de ne jamais prendre parti mais de donner à voir au spectateur un exemple singulier que l’on ne doit aucunement voir comme une généralité mais qui permet de nous faire réfléchir à ces thématiques. C’est bien sûr la bonne solution, surtout que le long-métrage est magnifique et, tout en restant neutre sur la problématique de la fin de vie, provoque inévitablement un grand nombre de questions et de réactions chez le spectateur. La grandeur de ce film tient à plusieurs éléments qui se complètent et ne forment finalement qu’un tout : un immense long-métrage, à la fois très simple dans la forme et pudique dans le fond.

Il y a d’abord une très grande intelligence dans l’écriture du film (Stéphane Brizé est ici coscénariste). Par de petites touches, des gestes infimes, une seule parole parfois, le scénario fait évoluer les relations entre les personnages et fait comprendre au spectateur ce qui se passe dans leur tête. Ainsi, les sentiments qui unissent la mère et son fils sont retranscrits avec finesse. Plusieurs scènes sont particulièrement révélatrices de sentiments vraiment compliqués, notamment celle où ils se livrent une « bataille » de son : télévision contre radio. C’est tout simple, mais ça montre de façon claire ce qui anime chacun des personnages par rapport à l’autre. On sent vraiment que les non-dits et que les rancœurs cachées ternissent durablement leur relation. Mais rien n’est jamais dit clairement, tout est toujours suggéré. Seules quelques vraies montées de colère chez le fils (saisissantes et glaçantes) font ressortir de façon nette tout ce qui est plus ou moins enfoui. On sait par contre dès le début que cette mère est condamnée, mais ce qui change la face du film, c’est quand le fils découvre cette réalité. Deux histoires se rejoignent alors, se complètent et ne font finalement plus qu’une. Les deux personnages principaux, étant donnée leur relation très compliquée, gardent forcément une vraie indépendance l’un par rapport à l’autre. Ainsi, la mère passe beaucoup de temps à regarder la télé, faire son ménage et jouer au puzzle, parfois avec son voisin. Le fils, lui, fait la rencontre d’une femme. Ces passages-là m’ont moins convaincu car je les trouve pas forcément dans le ton du reste du long-métrage. Mais ils permettent aussi de montrer que cet homme est à la fois perdu et dans une très grande misère affective.

Quelques heures de printemps évoque donc en même temps deux problématiques assez terribles, qui, ici se complètent et s’interpénètrent intimement. Mais peut-on dire pour autant que ce film est triste ? Pour moi, ce n’est pas vraiment le cas. Il est dur, âpre, parce qu’il nous questionne tous directement sur nos choix, sur notre « morale » ou encore sur notre relation avec les autres. Mais la décision de cette femme n’est pas montrée comme quelque chose de terrible ou d’irrémédiable mais bien comme un choix qu’elle fait et qu’elle décide d’assumer. D’ailleurs, cette femme dit elle-même cette phrase qui, elle, est terrible : « Pour une fois que je pourrai choisir quelque chose dans ma vie. ». D’ailleurs, de cette vie ancienne, on ne sait presque rien et, là encore, les choses sont suggérées bien plus qu’elles ne sont dites. Il y a par rapport à cela une vraie pudeur qui habite tout le long-métrage. Ce sont quelques scènes clés, qui séquencent le film et qui sont la plupart du temps saisissantes et sensibles, qui donnent le plus d’informations « factuelles ». Le dernier quart d’heure, lui, est vraiment très impressionnant car on s’attend à ce qui va se passer mais c’est bien plus fort et émouvant que ce que l’on pouvait imaginer.

Mais si ce long-métrage est aussi magistral, malgré un sujet vraiment âpre, c’est en grande partie du fait de la réalisation de Stéphane Brizé qui donne avec ce film une vraie leçon de cinéma dramatique. Le réalisateur utilise une sorte d’économie de moyens : c’est extrêmement sobre, voire même parfois un peu austère (les décors intérieurs et extérieurs le sont aussi et renforcent cet aspect) ; le rôle des silences est extrêmement important et la musique est finalement assez peu présente. Celle-ci a néanmoins une importance non négligeable, puisqu’elle permet de séquencer un peu le film. De plus, elle est assez magnifique, même si elle n’a pas été composée spécifiquement pour ce long-métrage. Elle est composée par le duo Nick Cave Warren Ellis et est tirée de la bande-originale du beau L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Néanmoins, Quelques heures de printemps ne tourne jamais non plus à la « démonstration de faiblesse » ou au « processus pour le processus ». Si Stéphane Brizé réalise de cette façon, c’est pour coller directement à son sujet, rien de plus. Et il a un grand mérite : c’est celui de laisser vivre ce qui se passe devant la caméra. D’aucuns trouveront que c’est lent et je ne suis pas vraiment de cet avis. Personnellement, je dirais plutôt que c’est du cinéma qui prend son temps, qui laisse vraiment la place au jeu pur, avec de très longues séquences (parfois de dix minutes), une très grande importance des silences et un montage très sobre. C’est en lien direct avec le sujet mais c’est aussi une façon d’éviter les pièges du misérabilisme ou du trop plein d’émotions. D’ailleurs, dans le même ordre d’idées, ce que j’ai aussi trouvé remarquable dans Quelques heures de printemps, c’est la distance que met le réalisateur entre la caméra et les personnages. Il y a très peu de gros plans. Toutes les scènes clés sont filmées avec une certaine pudeur, là encore pour éviter tout excès de sensiblerie.

Ce film est également autant réussi du fait de l’immense performance des principaux acteurs. Avec ce type de cinéma, qui laisse beaucoup vivre la caméra, une grande place est laissée au jeu brut, se rapprochant presque d’une composition de théâtre. Passons plus rapidement sur celle d’Emmanuelle Seigner, avec laquelle j’ai eu plus de mal, ayant l’impression qu’elle en rajoutait un peu trop, mais que dire des trois autres comédiens ? Olivier Perrier, lui, campe un voisin tout en délicatesse, à la fois très proche et très éloigné de la femme qui vit à côté de lui. Vincent Lindon est vraiment excellent. Sa présence et ses silences donnent une vraie force à tout le film. Un prix au César (enfin, pour lui) pourrait venir récompenser ce rôle vraiment fort. Du côté féminin, par contre, on tient sûrement la prochaine lauréate en la personne d’Hélène Vincent, actrice sous-utilisée dans notre cinéma (si elle fait un film tous les deux ans, c’est le bout du monde). Dans Quelques heures de printemps, elle est tout simplement magistrale : de présence, elle aussi, mais surtout de justesse. Son jeu est à la fois d’une incroyable sobriété et d’une vraie sincérité. Honnêtement, c’est l’une des plus grandes performances d’actrice qu’il m’ait été donné de voir au cinéma et, pourtant, il m’arrive d’y aller… Avec un tel trio magique, et une réalisation qui utilise parfaitement le jeu des trois comédiens, Stéphane Brizé ne pouvait guère faire mieux pour un tel film.

Quelques heures de printemps fait vraiment partie de ce type de longs métrages qui marquent profondément et dont on ne ressort pas vraiment pareil qu’avant d’être rentré dans la salle. C’est bien sûr un film dur, éprouvant, parfois bouleversant. Mais c’est aussi le rôle du cinéma de confronter le spectateur à des choses auxquelles il n’a pas forcément envie de penser. Et quand c’est fait de cette manière, avec tant de délicatesse mais aussi de maîtrise, on ne peut que s’incliner et remercier le réalisateur. Il paraît que le film a été présenté au chef de l’Etat. Je ne suis pas persuadé que ce soit une excellente chose et, en tout cas, la meilleure façon de parler de ce long métrage car, bien sûr, Quelques heures de printemps traite d’un sujet qui, aujourd’hui, pose de vraies questions dans le pays, mais ce n’est pas un long-métrage qui doit permettre d’ouvrir le débat. Stéphane Brizé pose son regard personnel sur une histoire particulière et ne veut en aucun cas (il l’a dit lui-même en interview) faire de ce film un objet de débat sur une question très compliquée. Ce qu’il faut, par contre, c’est accueillir ce film comme il est, c'est-à-dire un superbe moment de cinéma, émouvant et plein de pudeur, porté par des comédiens au sommet de leur art. Un très grand long métrage, en quelque sorte, qui mérite un public très large et enthousiaste et non pas les débats qu’il risque de susciter.


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mht 24.09.2012, 13:30

Un film lent, lourd, et magnifique. Je suis presqu'en tout point d'accord avec ta critique, avec juste une ou deux remarques sur le film. Il n'est jamais question du coût d'une telle décision, et il y a très peu de détails pratiques sur l'association. Ce n'est certes pas l'essentiel mais c'est un aspect que j'aurais aimé voir abordé. Par ailleurs, ce qu'on perçoit des protocoles de ce type d'association, c'est qu'il ne peut convenir qu'à un tout petit nombre de malades car il faut être en fin de vie,(examens médicaux à l'appui, semble-t-il et c'est très bien) mais aussi parfaitement conscient et autonome à la fois physiquement et psychologiquement. Comme tu le dis très bien, il faut voir ce film comme un exemple donné d'un cas précis et ne pas s'en servir comme exemple ou comme support de débats généraux même si bien sûr le spectateur est conduit à s'interroger sur son propre point de vue face à la fin de vie.
En résumé, je trouve ta critique juste et fouillée, il faut aller voir ce film ! Hélène Vincent y est aussi excellente que dans La vie est un long fleuve tranquille, mais dans un autre genre !
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jct 24.09.2012, 16:09

Un très grand film, d'une incroyable sobriété. J'aime bien le mot "âpre" que tu utilises. Très adapté.

Mon coup de coeur va à Olivier Perrier, un second rôle assez familier au cinéma, de ceux qu'on sait avoir déjà vu sans savoir dans quel film. Là, il est très très grand !

Il faut voir " je ne suis pas là pour être aimé", qui est aussi un grand film tout en pudeur, avec Patrick Chesnais (encore un qu'on ne voit pas assez) et Anne Consigny (qui suffit à illuminer un film).


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