La Critique
Aujourd’hui encore, Robert Zemeckis reste l’un des réalisateurs américains les plus surprenants, capable de se lancer dans des projets un peu fous et, surtout, relativement en avance sur leur époque. C’est à lui que l’on doit la saga Retour vers le futur, évidemment mais aussi Qui veut la peu de Roger Rabbit ? ou encore Forrest Gump, deux longs métrages qui étaient presque visionnaires à l’époque, notamment dans leur manière d’utiliser des techniques numériques encore balbutiantes. Le metteur en scène a aussi donné dans le film pour jeune public au cours des années 2000 avec Le Pôle express ou encore Le Drôle de Noël de Scrooge. Autant dire que le bonhomme est assez difficile à cerner. Dernièrement, il semble revenu à quelque chose de plus posé et de moins surprenant, notamment avec Flight (film plutôt correct, d’ailleurs) ou encore The Walk : rêver plus haut, sur le funambule français Philippe Petit. Son nouveau projet s’inscrit tout à fait dans cette logique puisqu’Alliés se présente à première vue comme un film extrêmement classique, qui ne nous réservera en tout cas pas de grandes surprises du point de vue esthétique. Depuis quelques mois, si l’on parle beaucoup de ce film, c’est surtout pour son casting puisque le film est porté par Brad Pitt et Marion Cotillard. Au-delà des ragots qui sont sortis autour du long métrage (pour la faire courte, le tournage serait la cause du divorce de Brad Pitt et Angelina Jolie), on parle quand même de ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme deux stars hollywoodiennes. C’est évidement le cas pour Brad Pitt et on peut dire que Marion Cotillard a réussi à se faire une belle place outre-Atlantique. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le nom des deux comédiens principaux est inscrit en si gros sur l’affiche (c’en est même presque effrayant…). Mais Alliés doit-il seulement se réduire à ce duo d’acteurs ?
En fait, le souci principal avec ce long métrage, c’est que j’ai surtout du mal à le résumer à quelque chose de bien précis… En effet, Alliés est presque prototypique de ce type de films dont il n’y a finalement pas grand-chose à dire tant il est moyen à presque tous les niveaux. C’est loin d’être déshonorant mais c’est également très loin d’être convaincant. Le fait de l’avoir vu en VF n’a sans doute pas arrangé les choses, notamment parce que ça pose des soucis de cohérence avec l’histoire de base où la problématique des langues a tout de même une importance. Mais je pense que le « mal » est plus profond, malheureusement. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que le duo Cotillard-Pitt ne parvient pas à remporter la mise, malgré une omniprésence à l’écran qui en devient presque problématique. En effet, il ne doit pas y avoir une seule séquence sans que l’un des deux, et souvent les deux ensemble, d’ailleurs, n’apparaisse. Ils sont évidemment au cœur du récit mais leur omniprésence finit par étouffer tout le reste, jusqu'au scénario lui-même. A force de toujours les voir à l’écran, le spectateur n’a même pas envie de vraiment s’interroger sur ce qu’ils sont véritablement et ce qu’ils pourraient cacher. Surtout, cette présence continue indique de façon très claire quelle est la voie choisie par le cinéaste et son scénariste. En effet, alors que le pitch de départ peut laisser la place autant à un film d’espionnage qu’à une romance, on comprend très vite quel choix est effectué. Et je suis loin d’être persuadé que c’est le bon… Car on a surtout le sentiment que Zemeckis a entre les mains une vraie idée qui, sans être révolutionnaire, peut donner un bon film d’espionnage, rempli de faux-semblants, de chausse-trappes pour le spectateur,… et qu’il prend le parti de filmer une histoire d’amour contrariée, au risque de délaisser complètement l’aspect le plus excitant.
Et c’est ce qui se passe finalement car le rayon action est fortement mis de côté et même traité par-dessus la jambe. Le passage en France est par exemple pas loin d’être indigent, tant pour son côté complètement improbable que pour sa paresse dans la réalisation. De façon très claire, Zemeckis nous fait comprendre que l’enjeu pour lui se trouve dans la relation entre Max et Marianne, au point d’en oublier complètement les personnages secondaires. Pour autant, il n’hésite pas à faire de grandes ellipses qui empêchent le spectateur de vraiment s’identifier à ce couple auquel on ne croit jamais véritablement. Cela donne un rythme très étrange, où on a le sentiment de passer beaucoup de temps sur des événements futiles et de survoler ce qui devrait être essentiel (comme la fin, franchement bâclée). Par contre, si Robert Zemeckis souhaitait rendre hommage aux grands mélos de la grande époque hollywoodienne, on peut dire qu’il a réussi son pari. Car Alliés a tout d’un film à l’ancienne, que ce soit dans les décors (gros boulot de reconstitution), les costumes ou la façon de filmer. Ainsi, on peut d’une certaine façon louer le travail du metteur en scène qui s’inscrit dans une veine clairement classique et qui l’assume jusqu’au bout. L’ensemble est plutôt élégant avec quelques passages qui sont même vraiment réussis visuellement mais alimente une mécanique qui, elle, tourne à vide. Et Zemeckis n’est jamais à l’abri d’un dérapage et deux séquences en particulier viennent rappeler que la frontière entre le romantisme exacerbé et le kitsch est parfois ténue… Ce sont deux scènes fondatrices dans la vie du couple (premier rapport et accouchement) et, dans les deux cas, la mise en scène est bien trop surlignée pour émouvoir le spectateur. Malgré tous leurs efforts, Marion Cotillard et Brad Pitt, paraissent presque désincarnés et ne parviennent en tout cas jamais à donner vraiment vie à un long métrage devant lequel on ne s’ennuie pas, soyons honnête, mais que l’on aimerait voir décoller, ce qui n’est jamais le cas.
REVU LE 25/01/2017